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Trois entreprises suisses distinguées par le régime nazi

7 octobre 1941: des travailleurs forcés réunis dans une usine en Allemagne appartenant à 100% à une entreprise suisse. Keystone

Parmi les nombreuses entreprises en mains suisses qui ont occupé des travailleurs forcés pendant la Deuxième Guerre mondiale figurent Alu à Badisch-Rheinfelden, Maggi à Singen et Schiesser à Radolfzell. Elles ont été distinguées par le régime nazi.

Ces entreprises établies dans le Sud de l’Allemagne ont reçu le titre d’ «entreprises nationales-socialistes modèles». Selon l’historienne Urike Bühler-Ludwig, la distinction nazie a été remise à Maggi et Schiesser le 1er mai 1940 à Berlin par Rudolf Hess, alors adjoint d’Adolf Hitler.

Alu Rheinfelden GmbH, à Badisch-Rheinfelden, était une filiale de la holding allemande ALIG. Cette dernière appartenait à 100 pour cent à la maison-mère suisse, Aluminium Industrie AG à Neuhausen (1940-56 Lausanne, aujourd’hui Algroup). Elle avait quatre usines en Allemagne et une en Autriche.

Selon une étude de Wolfgang Bocks, Alu Rheinfelden a occupé 2879 travailleurs forcés pendant la guerre, dont 1718 prisonniers de guerre. Les principaux contingents étaient formés de prisonniers français et soviétiques.

Les recherches internes d’Alusuisse-Lonza ont révélé que 350 prisonniers de guerre et 200 travailleurs forcés civils étaient encore occupés chez Alu Rheinfelden à fin 1944. La production avait alors fortement diminué. L’historienne allemande Cornelia Rauh- Kühne étudie actuellement le passé de l’entreprise.

D’après l’archiviste de Rheinfelden Karin Wortelkamp, les prisonniers de guerre soviétiques étaient traités en sous-hommes. Des témoins de l’époque ont rapporté qu’ils étaient affamés et vêtus de haillons. Beaucoup ont été victimes de traitements cruels et battus à mort. Ceux qui n’observaient pas la discipline prescrite étaient transférés dans un camp pénitentiaire.

Selon Wolfgang Bocks, des contacts réguliers existaient entre la direction d’Alusuisse à Lausanne et l’usine de Rheinfelden. Les mesures à prendre étaient discutées tous les 15 jours.

Le directeur de l’usine Alu était Achim Tobler, membre des SS issu d’une famille de professeurs de Lausanne. A l’époque, le président de la holding mère Aluminium suisse (Alusuisse) était Max Huber. Spécialiste du droit des gens, il était aussi président du Comité international de la Croix-Rouge (1928-1947).

En 1944, le capital-actions de Maggi GmbH, à Singen, filiale de Maggi à Kemptthal (ZH), était à 90 pour cent en mains suisses. Selon l’historien local Wilhelm J. Waibel, le directeur de l’entreprise Rudolf Weiss était un ancien compagnon de lutte d’Adolf Hitler, décoré de l’ordre du sang et membre des SS.

L’entreprise a occupé 348 travailleurs forcés, soit 184 civils étrangers et 164 prisonniers de guerre, selon l’historien. Des survivants ukrainiens ont rapporté que les conditions de travail étaient très dures. Maggi a été rachetée par Nestlé en 1947.

La fabrique de tricotages Schiesser, à Radolfzell, était une entreprise allemande à 100 pour cent en mains suisses. Elle avait été fondée à la fin du 19e siècle par l’entrepreneur glaronais Jacques Schiesser. Selon Achim Fenner, archiviste municipal, le contrôle des habitants de Radolfzell révèle qu’au moins 39 travailleuses forcées d’Ukraine ont été occupées par Schiesser.

La fabrique d’armement Rau, de Pforzheim, produisait aussi sur l’aire industrielle de Schiesser. Selon l’ancien patron de cette dernière, Paul Wiggenhauser, quelque 120 travailleuses forcées russes y ont été occupées à titre principal. Ces femmes ont aussi travaillé pour Schiesser.

Schiesser appartient aujourd’hui au groupe Hesta, à Zoug. Selon son directeur Samuel Moor, une étude commandée par Schiesser a confirmé qu’une cinquantaine de travailleuses forcées ukrainiennes ont été engagées à Radolfzell.

Les filiales allemandes d’Alusuisse à Bergheim et Singen ont versé de l’argent au Fonds de l’économie allemande en faveur des anciens travailleurs forcés. Schiesser en a fait autant. Nestlé, aujourd’hui propriétaire de Maggi, a annoncé un versement dans le cadre de l’accord global entre banques suisses et organisations juives américaines.

swissinfo avec les agences

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