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Un test pour la paix du travail

Les grèves annoncées ne semblent pas devoir bouleverser durablement la paix du travail. Keystone

Les grèves ont débuté dans la construction et à La Poste. Elles mettent à l'épreuve la tradition helvétique de la paix du travail.

Contrairement à ses voisins, la Suisse a plutôt l’habitude de régler ses conflits sociaux à la table des négociations.

L’heure de vérité a donc sonné pour les deux syndicats Industrie et Bâtiment (SIB) et Syna. Ils s’attendent à voir 10 000 travailleurs débrayer toute la journée de lundi.

Cette grève dans le secteur de la construction pourrait être la plus importante que la Suisse ait connu depuis 55 ans.

Et si cela ne suffit pas, les syndicats se disent prêts à poursuivre l’action dès la mi-novembre.

A l’origine du conflit, la convention conclue au printemps avec la Société suisse des entrepreneurs (SSE), qui offre aux ouvriers de la construction une possibilité de retraite anticipée dès 60 ans. Alors que les syndicats attendaient son entrée en vigueur pour le début de l’an prochain, la SSE fait machine arrière.

Les entrepreneurs arguent que le financement du système n’est pas assuré et veulent diminuer le pourcentage du dernier salaire versé aux «jeunes» retraités.

Colère à La Poste, et chez les fonctionnaires bernois

Parallèlement, l’annonce de quelque 2 500 suppressions d’emplois à La Poste fait elle aussi des vagues. Jeudi soir, les employés genevois du géant jaune ont voté le recours à la grève si la direction maintient son projet de fermeture de 15 centres de tri du courrier.

Genève emboîte donc le pas à Lausanne et d’autres villes pourraient suivre. Des assemblées sont prévues dans tout le pays jusqu’à la mi-novembre. D’ailleurs, samedi, les employés grisons de La Poste ont décidé à l’unanimité de se joindre à la grève nationale.

La veille, c’était au tour des fonctionnaires du canton de Berne de manifester leur colère. Entre 10 000 et 20 000 personnes ont défilé dans les rues de la capitale pour protester contres les coupes prévues dans le service public.

«Démonstrations pour les médias»

Ces mouvements sonneraient-ils le glas de la paix du travail? «En aucun cas», répond sans hésiter Peter Hasler, directeur de l’Union patronale suisse.

«Il s’agit de deux problèmes spécifiques, rappelle le patron des patrons. Dans la construction, on a un conflit autour d’un contrat en négociation et à La Poste, les employés protestent contre une restructuration.»

«Mais dans les autres branches, la situation est plutôt calme, relève Peter Hasler. Il ne s’agit donc pas d’une menace générale.» Et de souligner que les grèves récentes dans la construction, les arts graphiques ou la santé publique étaient plutôt «des démonstrations à à l’intention des médias.»

«Un droit fondamental»

«La paix du travail, cela fonctionne tant que les conventions sont respectées», argumente de son côté Paul Rechsteiner. Pour le président de l’Union syndicale suisse (USS), les grèves annoncées sont parfaitement légitimes.

«Dans le cas de la construction, nous sommes face à une provocation extraordinaire. Nous devons donc y apporter une réponse extraordinaire», estime Paul Rechsteiner.

Quant aux restructurations à La Poste, le président de l’USS y voit une grave menace non seulement pour l’emploi, mais également pour le service public.

«Nous n’avons pas fait la grève durant les années de haute conjoncture, mais lorsque les conditions changent, les travailleurs doivent se réapproprier ce droit fondamental», conclut Paul Rechsteiner.

Retour à la table des négociations

Quoi qu’il ne soit, les grèves annoncées ne semblent pas devoir bouleverser durablement la paix du travail.

C’est également l’avis de Beat Kappeler, économiste, journaliste et ancien secrétaire à l’USS. Pour lui, les taux de chômage relativement bas dont a toujours bénéficié la Suisse incitent les gens à changer d’emploi plutôt que de protester par la grève.

«Je ne vois pas comment la grève de lundi pourrait s’étendre», estime Beat Kappeler, qui s’attend à voir les parties retourner rapidement à la table des négociations.

swissinfo/Marc-André Miserez

Novembre 1918: la seule grève générale de l’histoire suisse est réprimée par l’armée
Juillet 1937: patronat et syndicats signent la Paix du travail dans la métallurgie
1945-46: la Suisse enregistre un nombre record de grèves, avant une longue période de calme
Années 90: les grèves restent rares: 1,43 jour sur 1000 pour l’ensemble de la décennie

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