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Une nuit pour mieux percevoir les chauves-souris

Non, la chauve-souris ne suce pas le sang. Du moins pas en Europe. Keystone

Vendredi, la 8e édition de la Nuit européenne des chauves-souris permet aux amoureux de la nature d’observer de près le mammifère volant, dont 28 espèces vivent en Suisse.

C’est l’occasion d’améliorer l’image de cet animal mythique, et donc sa protection. Un terrain où excelle la Suisse.

«La Nuit des chauves-souris permet aux spécialistes de montrer cet animal mythique au public et de mieux communiquer, au-delà du mythe, ce qu’est réellement ce mammifère volant», déclare à swissinfo Pascal Möschler, conservateur au Musée d’Histoire Naturelle de Genève, organisateur en Suisse romande de l’événement.

C’est ainsi que, la nuit du 27 août, biologistes et naturalistes attendent le public dans des lieux très divers, en milieu urbain ou en montagne selon les cantons. Histoire de rappeler, comme chaque année depuis huit ans, que cet animal est menacé tant sur le plan suisse que sur le plan européen.

La première édition, il y a huit ans, s’est limitée à quelques manifestations ici ou là et maintenant, tous les pays européens organisent ces nuits, jusqu’aux pays baltes et à la Grèce.

«Nous avons même des phobiques qui viennent dans l’espoir de se familiariser avec les chauves-souris et de surmonter leur phobie. Et cela marche souvent», indique Pascal Möschler.

Une mauvaise image



Et pourtant, cet animal plutôt discret fait peur aux gens, regrette le biologiste. «Il y a toutes sortes de mythes et légendes qui gravitent autour de lui. On pense à Dracula, au diable ou je ne sais quoi car, comme c’est un animal qui vit la nuit et qui est très difficile à observer, on invente plein de mythes et de légendes pas très favorables.»

Or son vrai visage est très différent. Toutes les espèces européennes sont exclusivement insectivores. Sur mille et quelques espèces qui existent sur la planète, il n’y en a que trois qui sucent effectivement le sang, et elles vivent en Amérique du Sud et Centrale.

Bref, «c’est un animal qui mérite d’avoir une image plus positive et il faut comprendre que, plus que menaçant, ce drôle d’animal est au contraire menacé», plaide Pascal Möschler.

Son homologue français Laurent Arthur renchérit: «La chauve-souris est un excellent médium, par rapport à la nature, conclut le naturaliste français. C’est un animal sauvage de proximité parfait pour ouvrir les yeux aux citadins puisqu’il y en a en ville.»

Utile à l’écosystème



La chauve-souris ne suce pas le sang, mais c’est un grand prédateur d’insectes. En une nuit, elle mangera entre la moitié et les deux tiers de son poids en insectes. Elle a donc un rôle important dans la chaîne alimentaire et fait intégralement partie de nos écosystèmes.

Et il ne faut pas oublier qu’une espèce de mammifère sur trois en Europe est une chauve-souris. «C’est un groupe énorme, très bien représenté dans l’éventail du vivant et qui a été négligé pendant très longtemps parce qu’on ne savait pas très bien comment l’étudier, comment le montrer au public», ajoute Pascal Möschler.

Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, des appareils qui permettent de capter les ultrasons, des techniques d’observation, c’est beaucoup plus facile. D’où les Nuits européennes.

Protection améliorée

Ces nuits ont certainement permis d’améliorer la protection de ces animaux parce qu’ils vivent à proximité de l’homme. Les femelles, qui n’ont qu’un petit par année, se rassemblent dans des habitations.

Il est donc essentiel que les propriétaires de bâtiments tolèrent et protègent ces colonies.

Et à force de répéter depuis vingt ans et depuis les huit ans de Nuits que les chauves-souris ne se prennent pas dans les cheveux, ne sucent pas le sang, etc., on finit par faire changer les représentations collectives dans le public.

Pour Pascal Möschler, ce travail de sensibilisation est en train de porter ses fruits. «Quand les gens voient une chauve-souris de près, ils ont souvent une espèce de déclic qui les fait tout à coup se passionner pour cet animal étrange.»

La Suisse «exemplaire»

Du reste la Suisse est exemplaire en matière de connaissances, note Laurent Arthur, conservateur du Musée d’histoire naturelle de Bourges. «Si je vous dis que la Suisse est exemplaire dans le domaine, vous ne me croirez peut-être pas et bien c’est vrai!»

Le naturaliste français ajoute: «La Suisse a beaucoup de biologistes doctorants qui s’intéressent à la chauve-souris. Ce qui est loin d’être le cas en France, où il n’y a que deux diplômés d’Etat. La Suisse a donc beaucoup d’avance pour ce qui est des scientifiques de haut niveau.»

Laurent Arthur relève que, sur terrain, en France comme en Suisse et du reste ailleurs en Europe, les groupes locaux de naturalistes ont beaucoup fait pour populariser la cause de la chauve-souris, notamment grâce à la Nuit de la chauve-souris.

Une nuit qui verra donc les amateurs de l’Europe entière enclencher simultanément leur petit détecteur d’ultra sons qui permettent de voir les chauves-souris avec leurs oreilles, exactement comme ces animaux du reste.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

La Nuit des chauves-souris se déroule dans tous les pays européens le dernier week-end d’août depuis huit ans.
Le 27 août, elle est organisée en Suisse romande et à Berne par le Centre de coordination ouest pour l’étude et la protection des chauves-souris, basé au Musée d’histoire naturelle de Genève.

– Sur plus d’un millier d’espèces de chauves-souris, 3 seulement sont «suceuses de sang».

– Les autres mangent chaque jour entre la moitié et les deux tiers de leur poids en insectes.

– Le tiers des mammifères européens sont des chauves-souris et 28 espèces vivent en Suisse.

– Elles vivent une trentaine d’années.

– La femelle n’a qu’un petit par année.

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