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Les limites du modèle suisse pour une Grande-Bretagne hors UE

En sortant de l’UE, les Britanniques auraient le beurre et l’argent du beurre (to have their cake and eat it), selon les Eurosceptiques. Rien de plus faux, répondent leurs adversaires. Keystone

Si la Grande-Bretagne vote en faveur de la sortie de l'Union européenne le 23 juin, les négociations post-Brexit devraient s’inspirer des traités bilatéraux conclus entre Berne et Bruxelles, clament  beaucoup d’Anglais eurosceptiques. Foutaise, répondent leurs adversaires en invoquant les difficultés de la Suisse pour accéder au marché unique et son absence des organes décisionnels de l’UE.

«Je veux créer un Britzerland.» C’est la vision de Boris Johnson, désormais ex-maire de Londres et l’un des leaders du mouvement anti-UE, telle qu’il l’a expriméeLien externe à l’hebdomadaire conservateur Weltwoche en décembre 2012.

Il y expliquait que la Grande-Bretagne et la Suisse devraient être les membres fondateurs «d’une nouvelle alliance, hors de l’Union européenne». Elle bénéficierait du libre-échange avec la zone euro, après une négociation où les deux pays auraient du poids et n’auraient pas à reprendre le reste des mesures d’intégration de l’UE.

Depuis, de nombreux autres partisans de Brexit – la sortie britannique de l’UE – ont acquis la conviction que le modèle suisse offre un brillant avenir dans lequel les pays extérieurs à l’UE prospèrent, signent des accords de libre-échange avec qui ils veulent, tout en conservant le contrôle de leurs frontières.

Qu’est-ce que le Brexit?

Le Brexit (British Exit) est un référendum qui se tient le 23 juin 2016 en Grande-Bretagne (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord) offrant le choix de rester ou sortir de l’UE.

Après des mois de négociations, un compromis sur le “statut spécial” du Royaume-Uni dans l’UE a été trouvé lors du Conseil européen des 18 et 19 février 2016. Le lendemain, le Premier ministre David Cameron a annoncé qu’un référendum sur cette question aura lieu le 23 juin 2016 et qu’il fera campagne pour que le pays reste dans l’UE à ces conditions.

Lors de sa campagne pour briguer un second mandat de Premier ministre, David Cameron avait promis d’organiser, au plus tard en 2017, un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

Source : Toute l’EuropeLien externe

Même si la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, dont elle est membre depuis 1973, est en baisse dans les sondages. Ils prédisent néanmoins un résultat serré.

L’accès au marché unique

Donc, les Britanniques peuvent-ils avoir le beurre et l’argent du beurre, comme le fait la Suisse, selon certains eurosceptiques? Le modèle suisse est-il adapté à la Grande-Bretagne?

«Non, répond Hugo Dixon, le modèle suisse ne conviendrait pas à la Grande-Bretagne. Et le président et rédacteur en chef de InFactsLien externe (une plateforme journalistique créée pour que la Grande-Bretagne reste dans l’UE) d’avancer l’argument suivant: «Tout d’abord, comme la Suisse, l’industrie la plus importante de la Grande-Bretagne est celle des services financiers. En faisant partie de l’UE, la Grande-Bretagne a un passeport qui lui permet d’offrir des services financiers dans tous les pays de l’UE sans avoir à déménager ses activités dans les pays concernés. La Suisse ne dispose pas d’un tel passeport pour les services financiers. Même si elle a cherché à obtenir ce sésame, l’UE ne l’a pas accordé.»

Puisque près de la moitié des exportations britanniques vont dans le reste de l’Union européenne, la question clé des négociations post-Brexit sera l’accès au marché unique européen. Mais la solution suisse est-elle une réponse?

Environ 55% des exportations suisses sont destinées à l’UE (6% des exportations de l’UE vers la Suisse).  Mais le gouvernement suisse a lui-même relevé que «les obstacles actuels sur l’accès au marché représentent un désavantage économique pour la Suisse.»

Libre circulation des personnes

L’immigration est l’autre grand thème soulevé par les partisans du Brexit. Beaucoup veulent mettre un terme à la libre circulation des personnes – l’un des principes fondamentaux de l’UE – et ne plus dépendre de Bruxelles pour savoir qui rentre ou non dans le Royaume-Uni. Et ce même s’il peut déjà refuser l’entrée aux citoyens de l’UE pour des raisons de sécurité publique.

Le hic, comme le souligne Hugo Dixon, c’est qu’il est «pratiquement impossible d’obtenir un accès complet au marché unique sans accepter la libre circulation des personnes. En partie à cause de cela, de nombreux eurosceptiques en Grande-Bretagne disent qu’ils ne veulent plus copier la Suisse.»

Mais que proposent exactement les eurosceptiques? Les partisans du maintien dans l’UE ont mis en évidence le manque de détails donnés par leurs adversaires sur l’éventuel après-Brexit.

Le 20 avril, Michael Gove, ministre de la justice et leader de la campagne officielle «Vote LeaveLien externe», a déclaré que la Grande-Bretagne rejoindrait des pays comme la Bosnie, la Serbie, l’Albanie et l’Ukraine dans une zone de libre-échange européenne.

Matthew Elliott, directeur général de «Vote Leave», estime que la Grande-Bretagne devrait développer un «modèle sur mesure».

«Mais nous pensons que l’accord suisse est meilleur que celui de la Norvège qui doit vraiment accepter les directives et règlements venant de Bruxelles pour avoir accès au marché unique. Nous aimerions bien mieux avoir un accord du type suisse fait sur une base bilatérale. Mais je pense que ce sera un accord spécifique au Royaume-Uni », a-t-il déclaré lors d’un débat à Genève organisé par la British Swiss Chamber of CommerceLien externe.

La réticence de l’UE

Les relations déjà tendues entre Berne et Bruxelles se sont durcies depuis février 2014, lorsque 50,3% des électeurs suisses ont soutenu l’idée de contingents pour les immigrants de l’UE. Le gouvernement suisse est encore en train de plancher sur la façon de mettre le texte en œuvre, sans violer la libre circulation des personnes.

«Bruxelles a fait savoir que l’UE n’aime pas les accords avec la Suisse et qu’elle veut les changer. Donc, je pense qu’il y aurait beaucoup de réticence à répéter l’exercice avec la Grande Bretagne», estime Hugo Dixon. «L’UE ne va certainement pas se montrer très accommodante avec la Grande-Bretagne en cas de divorce. Et ce pour que son exemple ne soit pas suivi par d’autres pays membres.»

Les accords de libre-échange

Sans se laisser décourager, les eurosceptiques britanniques regardent également avec envie l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine.

«Il est vrai que nous serions libres pour négocier des accords commerciaux, mais seul, le Royaume-Uni sera moins susceptible d’obtenir un bon accord que s’il reste dans l’UE qui réunit plus de 500 millions de personnes et représente la plus grande économie du monde », estime Hugo Dixon.

«L’accord suisse avec la Chine est très déséquilibré, puisqu’il implique une ouverture à peu près immédiatement de la Suisses aux produits chinois, alors que les Chinois n’ouvrent leur marché aux produits suisses que progressivement sur de nombreuses années.»

De plus, la Grande-Bretagne, comme la Suisse, devrait également contribuer au budget de l’UE.

«Donc, il n’est pas possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre, relève Hugo Dixon. Si nous voulons avoir un accès complet, franchement, nous sommes beaucoup mieux dans l’Union européenne où nous élaborons les règles plutôt que les subir. Si nous rejetons la libre circulation des personnes et ne participons plus au budget de l’UE, il faudra accepter de ne plus avoir un accès complet au marché unique. Et ce sera mauvais pour l’emploi et la prospérité. »

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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