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Vers une interdiction des véhicules trop polluants

Les gros 4X4 font partie des véhicules dont les initiants ne veulent plus. Keystone

L'initiative populaire des Jeunes Verts qui demande l'interdiction des grosses cylindrées a abouti. Elle a récolté 150'000 signatures, soit 50'000 de plus que nécessaire. Elle concerne un véhicule neuf sur dix vendu en Suisse.

Qui convoite une Ferrari ou une Lamborghini devra peut-être y songer à deux fois dans un futur proche. L’acquisition de ce type de véhicule pourrait bientôt être interdite en Suisse.

Les promoteurs de l’initiative «Pour des véhicules plus respectueux des personnes» ont en effet réussi à rassembler 147’000 signatures à l’appui de leur texte. Ils les ont déposées lundi à la chancellerie fédérale.

Le peuple suisse devra par conséquent se prononcer sur la vente d’automobiles trop polluantes ou qui représentent un danger pour les autres utilisateurs de la route en raison de leur poids ou de leur forme.

Baptisée dans un premier temps «initiative anti-4×4», le texte a été lancé par les Jeunes Verts, qui disent avoir rencontré «un franc succès» lors de la récolte de signatures.

Député écologiste à la Chambre du peuple, Bastien Girod estime que l’initiative est tout sauf extrémiste. «Elle prévoit des exceptions et ne concerne que les autos neuves. Le propriétaire d’un véhicule qui ne respecterait pas les normes définies pourrait continuer à l’utiliser», précise-t-il.

Versions moins polluantes

Les initiants ont examiné les 273 modèles et les 4923 versions qui existent actuellement dans le commerce en Suisse. En regard des critères qu’ils ont retenus, 13% des automobiles vendues entre le printemps 2007 et 2008 n’auraient pas pu l’être si leur texte avait déjà été en vigueur.

S’il était accepté, les vendeurs de Lamborghini, Aston Martin, Ferrari et autres Rolls Royce auraient probablement à fermer boutique. Aucun des modèles de ces quatre constructeurs ne répond aux exigences définies par les Jeunes Verts. Et, à l’instar de la Lamborghini Murciélago (21,3 litres pour 100 km), il s’agit de bolides difficilement modifiables.

La liste des véhicules à proscrire comprend bien sûr aussi les 4X4, également nommés SUV («Sport Utility Vehicles»). Reste que, pour diverses marques et modèles, les acquéreurs potentiels pourraient se replier sur des versions moins polluantes: celui qui rêve d’une Alfa 159 devrait par exemple opter pour le moteur 2,2 litres plutôt que pour le 3,2 litres.

De nombreux véhicules diesel non munis d’un filtre à particules se verraient également concernés. A noter d’ailleurs que les constructeurs devront de toute façon s’adapter même si l’initiative ne passait pas puisque, dès septembre 2009, seules les automobiles répondant au standard EURO 5 pourront être importées en Suisse. Une exigence impossible à respecter sans un filtre à particules.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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Une initiative «inopportune»

Selon les estimations des promoteurs de l’initiative, 7% des acheteurs devraient au final acquérir un modèle totalement différent de celui dont ils rêvaient. Et 6% d’entre eux auraient à se rabattre sur une version conforme aux nouvelles normes.

De son côté, l’association suisse des importateurs d’automobiles qualifie l’initiative d’«inopportune», soulignant que les ventes de voitures particulièrement polluantes sont peu significatives en Suisse.

«Les camionnettes et les SUV sont très populaires aux Etats-Unis, où ils dominent le marché. En Suisse, la situation est différente, surtout en ce qui concerne les camions légers. Je ne crois donc pas qu’une telle mesure puisse avoir un impact important», assure Andreas Burgener, directeur d’Auto Suisse.

En outre, vu l’augmentation du prix de l’essence et la sensibilité écologique toujours plus marquée, la tendance «en Suisse et en Europe est déjà de choisir des petites automobiles et de préférer le diesel à l’essence», ajoute-t-il.

Exceptions rares

Quant à l’appareil administratif qu’il faudrait mettre en place pour examiner les demandes de dérogation – par exemple de la part de personnes qui aurait besoin d’un véhicule non respectueux des normes dans le cadre de leur travail, il n’a pas manqué de susciter de nombreuses critiques.

Bastien Girod est néanmoins convaincu que les exceptions seront rares. «Si l’on regarde la liste des autos touchées par cette mesure, on se rend compte que le choix est encore vaste. Elle contient de nombreux véhicules puissants, parmi lesquels également des 4×4, qui respectent nos critères.»

Etiquette-environnement

Au niveau fédéral et cantonal, il existe déjà des mesures ciblées pour stimuler l’achat de véhicules à basse consommation énergétique.

«Nous sommes en train de développer une étiquette-environnement, qui devrait remplacer l’actuelle étiquette-énergie pour les automobiles. Cette nouvelle ‘marque’ tiendra compte non seulement de l’efficacité énergétique d’un véhicule, mais aussi des autres nuisances à l’environnement, comme par exemple la pollution sonore ou les effets sur la qualité de l’air», explique Jürg Müller, responsable de la section trafic à l’Office fédéral de l’environnement.

«L’étiquette, poursuit-il, pourrait servir de base pour l’introduction de nouvelles mesures, comme une différenciation au niveau des taxes d’importation. Une automobile de la classe A pourrait par exemple bénéficier d’un bonus.»

Divers cantons ont déjà introduit des systèmes de bonus-malus automobiles basé sur l’impôt sur les véhicules. A l’avenir, ce genre de système pourrait prendre l’étiquette-environnement comme référence.

Bastien Girod est convaincu que de telles mesures sont positives. Pour lui, elles ne sont cependant pas suffisantes. «Celui qui veut acquérir une grosse cylindrée ne sera sûrement pas freiné par l’existence d’une taxe de quelques milliers de francs. Notre initiative est une des premières qui ne prend pas pour cible exclusivement le transport individuel», souligne-t-il.

Pour leur part, les importateurs automobiles ont déjà averti qu’ils livreront bataille. «Nous ne prenons pas cette initiative à la légère», confirme Andreas Burgener. Le débat s’annonce vif et passionné.

swissinfo, Daniele Mariani
(Traduction de l’italien: Carole Wälti)

L’initiative «Pour des véhicules plus respectueux des personnes» demande que les véhicules mis en circulation :

– ne dépassent pas les 2,2 tonnes à vide.

– n’aient pas de parties frontales trop dangereuses.

– émettent une quantité de CO2 inférieure à 250 g/km, ce qui correspond à une consommation de 10,5 litres au 100 kilomètres.

– soient équipés d’un filtre à particules (pour les moteurs diesel).

Des exceptions sont possibles dans les cas où l’acquéreur peut démontrer qu’il a absolument besoin d’un véhicule qui ne répond pas à ces critères.

En 2007, la consommation moyenne des automobiles nouvellement immatriculées en Suisse était de 7,43 l./100 km, en chute de 0,19 l. par rapport à l’année précédente et de 1 l. par rapport à 2000.

Le Département fédéral des transports et de l’énergie et les importateurs d’automobiles avaient établi un objectif fixé à 6,65 l./100 km pour 2007.

Cet objectif n’a pas été atteint principalement en raison du poids moyen des automobiles, qui a passé de 139 kg entre 2000 et 2007.

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