120’000 personnes sans prestations d’assurance-maladie

Les assureurs-maladie ont suspendu les soins à 120'000 personnes n'ayant pas payé leurs primes, constate la Conférence suisse des directeurs de la santé (CDS).
Face à une situation qui empire, elle demande un retour aux dispositions légales en vigueur jusqu’à fin 2005.
Depuis début 2006, les assureurs-maladie suisses suspendent leurs prestations dès qu’une demande de poursuite a été déposée pour retard dans le paiement des primes. Auparavant, les assureurs devaient attendre l’acte de défaut de biens pour effectuer cette suspension.
Or les directeurs cantonaux de la Santé relèvent que la suspension anticipée des prestations induit «des situations intenables» pour les personnes concernées. Ces dernières seraient près de 120’000, soit 1,6% des assurés – un chiffre qui tend d’ailleurs à augmenter, car tous les arriérés de paiement de l’année dernière n’ont pas encore fait l’objet d’une poursuite.
Pour la CDS, le fait qu’autant d’assurés soient touchées par une suspension des prestations infligée par l’assurance-maladie est «inadmissible pour une assurance sociale obligatoire».
Les directeurs cantonaux de la Santé estiment par conséquent qu’un amendement de la loi s’impose d’urgence. Ils ont déposé une demande en ce sens auprès de la Commission de la santé de la Chambre basse du Parlement. En février déjà, cette commission avait évalué à 150’000 le nombre d’exclus de l’assurance. Elle avait alors jugé urgent d’agir mais n’a pour l’heure que mené des auditions.

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Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé
Incapacité de paiement réelle et croissante
L’an dernier, les pouvoirs publics ont versé près de 190 millions de francs pour des arriérés de paiement dans l’assurance-maladie obligatoire. Ce chiffre, selon la CDS, s’est considérablement accru au cours des dernières années. Il a même plus que doublé depuis 2001.
Cette évolution contredit donc les affirmations des assureurs maladie selon lesquels les arriérés seraient simplement le fait de la mauvaise volonté des assurés. Pour la CDS, l’augmentation significative du nombre d’actes de défaut de biens prouve que l’incapacité de paiement est en forte croissance dans la société suisse.
Situation précaire
Selon l’ancien droit en vigueur, les assureurs ne pouvaient suspendre leurs prestations qu’une fois établi un acte de défaut de biens. Devenue automatique aujourd’hui alors qu’elle était auparavant facultative, cette suspension pose de graves problèmes.
Entre huit et 24 mois sont généralement nécessaires à l’établissement d’un acte de défaut de biens. Durant cette période, les cantons et les communes ignorent s’ils se trouvent en présence d’un mauvais payeur ou d’une personne dont l’insolvabilité donne droit à l’assistance financière.
La situation est donc «intenable», pour les personnes connaissant des difficultés de paiement récurrentes ou temporaires, note la CDS. Elle indique qu’il est par ailleurs difficile de se sortir d’affaire en cas de suspension des prestations puisque souvent les procédures se suivent.

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Assurance maladie
Violation de l’obligation d’assurer
La suspension automatique contrevient par ailleurs à l’obligation d’assurance, qui est, selon la CDS, «la plus importante acquisition de la loi sur l’assurance-maladie».
Quant aux fournisseurs de soins, ils sont eux aussi touchés car ils peuvent craindre que leurs factures ne restent longtemps ou indéfiniment impayées. Idem pour les hôpitaux publics, tenus à l’admission des patients, où les factures restent en attente ou à la charge des cantons.
Sur les quatorze cantons qui ont participé à l’enquête de la CDS, Zurich est le plus touché par cette mesure avec 17’000 personnes provisoirement non assurées. Suivent l’Argovie, avec 10’000, puis Neuchâtel, avec 8000 personnes provisoirement non assurées.
swissinfo et les agences
Contrairement à ce que se passe dans divers pays européens, la Suisse ne connaît pas des primes d’assurances maladie calculée en fonction du revenu et de la fortune, mais un système par tête où tout le monde paie la même chose.
La Confédération met cependant des fonds à la disposition des cantons, afin d’abaisser les primes des personnes disposant d’un bas revenu (30% des assurés).
En Suisse, chaque habitant est obligé de contracter une assurance maladie de base mais est libre de choisir parmi les 87 assurances privées actives sur le marché. Définies par la Confédération, les prestations sont les mêmes dans toutes les assurances.
En matière d’assurance-maladie toujours, le peuple se prononcera le 11 mars sur l’instauration d’une caisse unique qui remplacerait les quelque 80 caisses privées actuelles.

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