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A Islamabad, la Suisse ne délivre plus de visas

L'ambassade suisse à Islamabad. Keystone Archive

Le service des visas de l'ambassade suisse au Pakistan est provisoirement fermé. Plusieurs employés locaux sont soupçonnés de liens avec le crime organisé.

Selon l’enquête administrative en cours, affirme le Ministère des affaires étrangères, «aucun diplomate suisse n’a commis d’acte délictueux».

Les irrégularités commises à l’ambassade de Suisse d’Islamabad ont été portées à la connaissance des autorités helvétiques l’automne dernier par les policiers d’un Etat ami, a révélé lundi l’ambassadeur Martin Dahinden, chef de la direction des ressources et du réseau extérieur au Ministère des Affaires étrangères (DFAE).

Une inspection spéciale a ensuite été menée sur place au mois de mars. Puis la semaine passée, Berne a décidé de fermer le service des visas de son ambassade au Pakistan, alors que plusieurs employés locaux sont soupçonnés de liens avec le crime organisé.

Pour l’heure, précise encore Martin Dahinden, «aucun diplomate suisse» n’est impliqué dans cette affaire.

Organisations mafieuses

Une autre enquête a été ouverte par les autorités pénales pakistanaises. Elles ont placé en détention préventive un employé de l’ambassade de Suisse et elles enquêtent sur un ancien collaborateur.

Selon les médias pakistanais, l’employé actuellement sous les verrous aurait exigé des faveurs sexuelles d’au moins deux femmes qui demandaient des visas pour la Suisse.

D’après le directeur général de la police pakistanaise, l’enquête porte aussi sur cinq agences de voyages locales. Et les suspects pourraient avoir fourni des visas pour le compte d’une organisation de traite d’êtres humains.

«Le service consulaire de l’ambassade est la cible d’activités du crime organisé, admet Martin Dahinden, mais nous ne savons pas encore dans quelle mesure». Et de préciser qu’il ne connaît pas les détails de l’enquête pakistanaise.

Dans ce pays, poursuit Martin Dahinden, «des organisations mafieuses essayent d’avoir accès aux services de visas, ce qu’elles semblent avoir réussi à faire à la représentation suisse».

Problèmes de personnel

La Suisse a des moyens en personnel inférieurs à ceux d’autres Etats, souligne Martin Dahinden. Elle est donc moins bien préparée pour faire face à ce genre d’affaire.

En outre, le budget du ministère des affaires étrangères n’a pas été augmenté. Les ambassades doivent avoir recours à du personnel local qui risque davantage d’être soumis à des pressions.

Trois collaborateurs du Département fédéral des affaires étrangères ont été envoyés en renfort à Islamabad. Ils prendront leurs fonctions ces prochains jours.

Ils participeront à la réorganisation du service des visas avant qu’il ne rouvre, précise Jean-Philippe Jeannerat, chef de l’information du DFAE.

Un série de mesures

Par ailleurs, Micheline Calmy-Rey effectuera de jeudi à vendredi une visite au Pakistan, prévue de longue date. La cheffe de la diplomatie suisse abordera l’affaire avec les employés de l’ambassade et avec les autorités locales, indique Jean-Philippe Jeannerat.

Rappelons qu’au moins quatre autres affaires d’irrégularités dans le domaine des visas ont été découvertes ces dernières années.

Le parquet fédéral a ouvert des enquêtes sur des cas présumés au Pérou, au Yémen et au Nigéria. Une autre affaire, celle de l’ambassade à Moscou, a été transmise à un juge d’instruction fédéral.

Depuis le printemps 2005, la Suisse a pris toute une série de mesures pour lutter contre les abus dans le domaine des visas. Une procédure d’évaluation systématique des risques a notamment été mise en place afin de prendre des mesures ciblées dans chaque pays.

swissinfo et les agences

– Février: la presse pakistanaise révèle qu’un employé local de l’ambassade de Suisse à Islamabad a exigé des relations sexuelles de femmes venues demander un visa.

– Mars: le Ministère suisse des affaires étrangères envoie un inspecteur sur place.

– Avril: le Pakistan annonce l’arrestation de l’employé suspect et l’ouverture d’une enquête sur des Suisses pour trafic de visas et d’êtres humains. De son côté, Berne ouvre une enquête administrative.

– Mai: le Ministère envoie trois de ses collaborateurs en renfort sur place et décide de fermer provisoirement le service des visas.

Chaque année, les 141 missions suisses à l’étranger délivrent 500’000 visas et refusent environ 40’000 demandes.
Avec l’accord de Schengen sur le contrôle des frontières passé avec l’UE qui entrera en vigueur en 2008 au plus tard, le nombre de visas accordés par la Suisse devrait baisser à 400’000 par an.
La Suisse enquête sur plusieurs cas de corruption relatifs à l’octroi de visas, notamment en Erythrée, à Oman, au Pérou, en Russie, au Nigeria et en Serbie.

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