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Adolf Ogi rêve d’un monde meilleur

Adolf Ogi, missionnaire du sport et de la paix. swissinfo.ch

Le sport est un facteur de développement: c’est la conviction d’Adolf Ogi, initiateur de l’Année internationale du sport 2005 sous l’égide de l’ONU.

Lors de la conférence mondiale des ministres du sport, l’ancien ministre suisse défendra son idée.

Début novembre à New York, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, son conseiller spécial pour le sport Adolf Ogi et le tennisman suisse Roger Federer ont lancé «2005, Année du Sport et de l’Education physique».

Dans une interview à swissinfo, l’ancien conseiller fédéral (ministre) et grand communicateur espère que son projet déclenchera «des avalanches d’enthousiasme» et marquera un tournant.

swissinfo: Quand vous est venue cette idée brillante d’utiliser le sport comme moyen de promouvoir la paix?

Adolf Ogi: Je suis heureux de vous entendre la qualifier de «brillante», car cette idée n’est pas encore perçue partout comme telle.

Mon mandat onusien m’a permis de parcourir la planète et de constater que le monde est malade. La politique, l’économie, la science ou la religion ne nous ont pas permis de créer un monde de paix.

C’est pourquoi nous avons besoin d’un nouvel instrument. Je n’ai pas eu à chercher trop longtemps: c’est le sport et l’éducation.

swissinfo: Vous êtes donc l’initiateur de l’Année du sport de l’ONU pour 2005. Quel but avez-vous en tête?

A. O.: Mon but – c’est peut-être un peu naïf – est de former de meilleures générations qui, grâce à cette école de la vie qu’est le sport, dans 20, 30 ans, seront prêtes à prendre de hautes fonctions et à construire un monde meilleur pour ce qui est de la politique, de l’économie, de la science, de la religion et du sport.

swissinfo: Comment avez-vous convaincu Kofi Annan et les Etats membres de l’ONU du bien-fonde de votre idée?

A. O.: Avec Kofi Annan, je n’ai eu aucun problème, il m’a toujours laissé les coudées franches. Avec l’ONU, cela a été moins facile car, étant placé sous l’autorité directe du secrétaire général, je n’ai pas la compétence de faire des propositions.

J’ai lancé l’idée le 9 janvier 2003, à la Conférence des ministres du Sport à Paris. Avec l’appui de la Tunisie, qui a des relations dans le monde entier, nous avons mis au point une résolution.

J’ai dit au président de l’Assemblée générale de l’ONU: ‘J’apporte le soleil. Vous n’avez affaire qu’à du négatif: l’Afghanistan, l’Irak, la Palestine, Israël.’ II s’est laissé convaincre et a ajouté le sujet à l’ordre du jour.

Je m’attendais à ce que ma proposition figure à l’ordre du jour aux alentours de 2008 et aboutisse en 2012. Le 3 novembre dernier, c’est-à-dire moins de 12 mois après le lancement de l’idée, les 191 Etats membres out approuvé la résolution.

C’est un résultat très réjouissant, qui implique un bon réseau de relations, j’ose le dire pour une fois.

swissinfo: Pouvez-vous donner un exemple concret de la manière dont le sport peut servir la paix?

A. O.: Dans Le tiers monde, les programmes actuels de l’ONU n’ont rien de très enthousiasmant pour les jeunes. Si vous voulez qu’ils aient du plaisir et coopèrent, il faut leur offrir la possibilité de faire du sport. Le sport, dans beaucoup de pays, c’est le seul espoir.

Simplement: donnez-leur un ballon, formez une équipe de football, de volley ou de handball. Ainsi, ils jouent ensemble, s’intègrent, oublient leurs soucis quotidiens et apprennent à respecter l’adversaire, les règles et les décisions de l’arbitre.

swissinfo: Le fair-play en sport conduit donc au fair-play en politique et dans la société?

A. O.: Le fair-play en sport peut servir d’exemple. Malheureusement, il est parfois aussi utilisé comme un défoulement pour les casseurs, surtout dans le monde occidental.

Mais, dans l’ensemble, on peut le comparer à un iceberg: vous ne voyez que la partie émergée mais tout ce qui, en dessous, est amélioré grâce à une éducation physique, est invisible.

swissinfo: Mais le sport n’est-il pas un luxe? Les pays pauvres n’ont-ils pas plutôt besoin d’hôpitaux et d’écoles?

A. O.: Aussi, oui, et ils bénéficient pour cela aussi de l’aide des Nations Unies.

Mais le sport n’est pas une question d’argent ou de luxe. Par exemple, j’ai été en Palestine et j’ai vu tout ce que le sport y apporte. Pour les enfants, le jeu et le sport sont la seule possibilité d’oublier deux minutes leur situation traumatisante.

swissinfo: Le sport n’est pas uniquement une distraction, selon vous, mais il contribue aussi au développement économique, social et humanitaire. Concrètement, qu’est-ce que cela vent dire?

A. O.: Par exemple, avec l’Organisation internationale du travail (OIT), nous avons créé de petites et moyennes entreprises au Mozambique, qui produisent des articles de sport comme des ballons et des uniformes.

Vous voyez: le sport, ce n’est pas seulement le sport, cela signifie aussi du travail, du commerce, de l’argent. Le sport, c’est tout.

swissinfo: Le sport doit contribuer à diminuer la pauvreté dans le monde, c’est l’un des but du Millenium de I’ONU. Mais ce n’est pas avec un ballon de football qu’on calmera la faim.

A. O.: Vous ne pouvez pas en accuser le sport. Les buts du Millenium ont été fixés en 2000. Le sport n’est intégré à l’intérieur de l’ONU que depuis 2001.

Je suis convaincu qu’il peut aider à atteindre plus vite et mieux les buts que le monde s’est fixé pour 2015.

swissinfo: En Suisse, des milliers de manifestations sont prévues l’année prochaine. Est-ce à cause de vous que la Suisse est si active?

A. O.: D’abord, j’ espère que ces projets verront vraiment le jour. Ce n’est pas une question d’argent mais de bonne volonté.

C’est très bien que la Suisse ait choisi pour thème principal «Le Mouvement», parce que nous rencontrons ici des problèmes de surpoids. C’est pourquoi cette année du sport tombe peut-être à pic pour la Suisse.

Cette Année – qui est une plate-forme pour l’ensemble des 191 membres de l’ONU – ne devrait pas se terminer au 31 décembre 2005, mais elle devrait aussi déclencher une sorte d’avalanche qui entraîne tout le monde, pour un monde meilleur, plus pacifique, plus sain, plus gai et plus beau.

swissinfo: Gaby Ochsenbein
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

Une déclaration sur le sport et le développement a été adoptée en 2003 à Macolin. Une nouvelle conférence sur ce thème s’y tiendra en décembre 2005.
En 2005, de nombreuses autres réunions doivent avoir lieu:
Tunis: le sport et la santé.
Bangkok: le sport et l’éducation.
Moscou: le sport et la paix.
Japon: le sport et l’environnement.

– Adolf Ogi a été membre du gouvernement suisse de 1988 à 2000.

– Depuis 2001, il est conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU pour le sport au service du développement et de la paix.

– En Suisse, cette Année de l’ONU sera marquée par plusieurs milliers d’événements dans tout le pays.

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