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Affaire Bhutto: revers pour la justice suisse

Benazir Bhutto et son mari Asif Ali avaient été reconnus coupables d'avoir accepté des pots-de-vin de deux sociétés suisses. Keystone Archive

L'entraide judiciaire peut se révéler une arme à double tranchant. Et, la justice helvétique vient d'en faire la cuisante expérience. La Cour suprême pakistanaise a, en effet, annulé vendredi la condamnation pour corruption de Benazir Bhutto, l'ancien Premier ministre.

Certains dossiers récents ont déjà démontré que sous d’autres cieux, l’administration de la justice fluctue parfois au gré des circonstances politiques locales, et c’est peut-être ce qui vient de se passer aussi au Pakistan.

La condamnation de Benazir Bhutto, ancien Premier ministre aujourd’hui en exil, et de son mari, Asif Ali, un homme d’affaires actuellement détenu pour d’autres délits, reposait sur des accusations de corruption.

Le couple avait été reconnu coupable d’avoir accepté des pots-de-vin de deux sociétés suisses, la Société générale de surveillance (SGS) et sa filiale Cotecna.

Selon le juge d’instruction genevois Daniel Devaud, les sommes représentent environ 6% des contrats attribués en 1994 aux deux entreprises, soit quelque 10 millions de dollars. La Suisse a, alors, accordé l’entraide judiciaire au Pakistan et ouvert de son côté une enquête pour blanchiment d’argent.

La procédure n’est pas encore terminée côté suisse, a indiqué Falco Galli, porte-parole de l’Office fédéral de la justice (OFJ). Plusieurs comptes sont toujours bloqués à Genève. M. Galli n’a toutefois pas voulu s’exprimer sur leur montant.

En 1997, le chiffre de 20 millions de francs a été avancé, mais plusieurs comptes ont depuis été débloqués.

En février et en mars, les autorités genevoises ont rendu plusieurs ordonnances exigeant la remise de documents bancaires au Pakistan, a ajouté M. Galli. Des recours sont encore pendants contre ces décisions. Ils pourraient aller jusqu’au Tribunal fédéral.

Mme Bhutto a toujours clamé son innocence, arguant du fait qu’elle était victime d’une vengeance politique. La Cour suprême a cassé le jugement et ordonné un nouveau procès.

Sans préjuger de l’issue de cette nouvelle instruction, il reste que ce qui apparaît comme un revers pour les magistrats genevois ayant traité cette délicate affaire ajoute à leur réputation de faire trop souvent chou blanc à cause d’un zèle intempestif.

La justice a certes ses raisons sur les rives du Léman, mais elles ne sont pas forcément valables au-delà des frontières helvétiques. Comme cela peut être le cas dans des pays où la politique et la justice entretiennent des rapports moins strictement définis ou étanches.

Signe d’ailleurs révélateur de cet état d’esprit, les partisans de Benazir Bhutto attendent maintenant son retour au pays pour relancer l’opposition à l’actuel gouvernement militaire dont le bilan est jusqu’ici loin d’être convaincant.

L’avocat de l’ex-Premier ministre s’est déclaré moyennement satisfait, car il s’attendait à un acquittement. Même son de cloche du côté du Parti du Peuple Pakistanais (PPP) de Mme Bhutto, qui voit dans ce verdict «une victoire du peuple pakistanais bien que la Cour suprême aurait dû prononcer un acquittement pur et simple».

Claude Levenson

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