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Carla Del Ponte se contentera d’un mandat rétréci

La Suissesse regrette les pressions subies. Keystone

Au cas où elle devait être remplacée au tribunal pour le Rwanda, la magistrate suisse se dit prête à poursuivre son travail comme procureur du tribunal pour l’ex-Yougoslavie.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a entendu à huit clos la Tessinoise vendredi.

A l’issue de sa réunion avec le conseil de sécurité, Carla Del Ponte s’est confiée à la presse. Elle a déclaré qu’elle «accepterait» de rester à la tête du TPI pour l’ex-Yougoslavie car elle est «très attachée à ce qui y est fait».

Toutefois, elle n’a pas caché qu’elle serait «triste» de ne pas pouvoir achever son travail au nom des victimes qui attendent justice.

En juillet, Kofi Annan avait recommandé au Conseil de sécurité de dédoubler les postes de procureurs du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

Ce double mandat, Carla Del Ponte l’assume depuis septembre 1999. Et ce, jusqu’au 14 septembre prochain.

Le Rwanda, appuyé par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, souhaite la mise à l’écart de la Suissesse depuis qu’elle a indiqué son intention d’enquêter sur des membres de l’actuelle armée rwandaise (APR).

Cette armée a combattu les auteurs du génocide de 1994 mais est soupçonnée d’avoir, elle aussi, commis des exactions.

Pressions politiques

Selon son conseiller personnel Dominique Reymond, Carla Del Ponte a défendu sa position durant une vingtaine de minutes devant les quinze états membres du conseil de sécurité.

Elle a estimé que le moment était mal choisi pour changer de procureur, «alors que l’on se trouve dans une stratégie d’achèvement des travaux du tribunal».

Carla Del Ponte regrette d’avoir eu à subir des pressions politiques et des campagnes de dénigrements au Rwanda, précise Dominique Reymond.

Selon lui, des ambassadeurs ont assuré à la procureure qu’elle n’est pas visée personnellement par la proposition du secrétaire général de l’ONU. En clair, la qualité de son travail au TPIR n’est pas remise en question.

Carla Del Ponte a mené plus loin sa défense vendredi. Pour elle, en cas de séparation des postes entre Arusha (Tanzanie) et La Haye, le Conseil devra s’interroger sur l’impact qu’une telle décision aura sur la justice internationale.

Il devra aussi se poser la question de l’indépendance du futur procureur et de sa liberté à mener des enquêtes. En particulier sur les membres de l’armée au pouvoir.

Aucune date n’est fixée pour la décision du Conseil de sécurité. Mais elle devrait intervenir «assez rapidement», indique Dominique Reymond.

Il revient maintenant à un état membre du Conseil de préparer une résolution qui devra ensuite être discutée et adoptée.

Kofi Annan écouté

Selon le scénario le plus probable aux yeux des diplomates, le Conseil de sécurité suivra les recommandations de Kofi Annan.

«Je crois que les propositions du secrétaire général jouissent d’un vaste soutien. Nous pensons qu’elles vont être adoptées», déclare un diplomate rwandais.

Au Rwanda justement, des responsables accusent Carla Del Ponte de ne dispenser qu’une «justice de seconde classe». Les causes invoquées en sont une gestion inefficace et le fait qu’elle passe la majeure partie de son temps à La Haye.

Et en privé, certains responsables américains et britanniques disent comprendre cette position.

Ils craignent en effet que les poursuites du TPIR à l’encontre de soldats perçus dans leur pays comme de véritables héros ne déstabilisent un gouvernement déjà soumis à de fortes pressions.

Eviction redoutée

Du côté des organisations de défense des droits de l’Homme, on redoute l’éviction de Carla Del Ponte. Car cela ne ferait que souligner la sensibilité du tribunal d’Arusha aux pressions politiques.

Quatre organisations ont d’ailleurs écrit au Conseil de sécurité avant la réunion de vendredi.

«En tentant d’améliorer l’efficacité du bureau du procureur, le Conseil de sécurité doit faire en sorte que ces changements ne fragilisent pas l’indépendance et l’impartialité du Tribunal pénal international pour le Rwanda», avertissent-elles.

swissinfo et les agences

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