Des perspectives suisses en 10 langues

Ces affiches originales et… atomiques

Un atome qui surplombe une pyramide stylisée de drapeaux et le Nautilus, premier sous-marin à propulsion nucléaire, qui sort d'un fossile d'ammonite. Deux affiches réalisées en 1955 par Erik Nitsche pour General Dynamics. Galerie un deux trois Genève

Plongée au cœur de la Galerie genevoise un deux trois, une des rares galeries spécialisées dans les affiches anciennes originales. L’occasion de découvrir les affiches exceptionnelles élaborées dans le cadre de la première conférence de l’Agence internationale de l’énergie atomique, en 1955.

Des affiches, partout, exposées sur les murs, entreposées dans des tiroirs ou des armoires. Commerce, tourisme, transports, sports, politique ou encore culture, les quelques 10’000 œuvres qui garnissent la petite Galerie un deux trois, à Genève, sont issues de secteurs variés. Affiches originales, elles représentent de précieux témoins du 19ème siècle. Ce siècle, où les affiches avaient valeur d’œuvre d’art.

«Jusqu’en 1960, l’affiche, c’était vraiment le must, les annonceurs y consacraient la plus grande part  du budget publicitaire. Ils faisaient attention à choisir les meilleurs artistes, de bons imprimeurs et du bon papier. Ensuite, la qualité des affiches a baissé, les budgets publicitaires sont partis vers le cinéma et la télévision. Aujourd’hui, c’est encore pire, l’affiche sert à promouvoir le site Internet et les sponsors», relève Jean-Daniel Clerc, fondateur et directeur de la galerie.

Alors, pour honorer ces reliques d’un glorieux âge d’or et les sauvegarder, Jean-Daniel Clerc s’est attaché à les collectionner, les restaurer et les cataloguer. Une passion née par hasard, en 1977. «A cette époque, j’ai trouvé 21 affiches de la compagnie Renault sous un parquet en bois. Elles servaient d’isolant. Leur beauté m’a interpellé, j’ai alors commencé  à me renseigner, à l’aide de livres, auprès de collectionneurs, de marchands, entre Paris, New York et Genève. A l’époque, il existait très peu de documentation sur l’affiche ancienne», note ce Vaudois, détenteur d’un master en  linguistique générale et littérature française, qui a alors choisi de se plonger dans le domaine des arts visuels et de l’histoire.

L’atome au service de la paix

Car chaque affiche constitue un garant du passé et permet de prendre le pouls de l’histoire. Ainsi, par exemple, en cette période de vive remise en question de l’énergie nucléaire, il est spécialement intéressant de se pencher sur les affiches de la compagnie américaine General Dynamics. Une entreprise fondée en 1952, qui a notamment conçu le Nautilus, premier sous-marin à propulsion nucléaire.  Et qui a été appelée à effectuer une exposition pour la première conférence de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), en 1955 à Genève. Une première réunion visant à déterminer le cadre pour une  utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques.

«L’atome au service de la paix», en russe, en japonais, en hindi, en allemand, en anglais, en espagnol, ou en français, ce slogan garnira les sept affiches créées par le graphiste suisse Erik Nitsche pour la General Dynamics. «L’affiche la plus connue, montre sur un fond gris dégradé très pur, un fossile d’ammonite qui possède en son centre un petit globe terrestre. Le Nautilus, sort de ce fossile et représente symboliquement l’évolution de la terre, de l’homme, de la technologie», commente Jean-Daniel Clerc. L’atome s’assimile alors au progrès. Placé au sommet, comme sur cette affiche où il surmonte une pyramide de drapeaux stylisés, il dessine l’avenir.

D’ailleurs lors de la deuxième conférence de l’AIEA, en 1958, General Dynamics montera à Genève, au fond d’une piscine, un petit réacteur expérimental. L’affiche créée pour l’occasion en témoigne. «La population genevoise, les enfants en tête, venaient regarder cette mini centrale nucléaire au fond de la piscine. C’était une autre époque, le scientisme pur et dur, où les militaires observaient les explosions nucléaires en plein air avec des lunettes de soleil», relève le responsable de la galerie.

Graphisme inédit

Perles historiques, les affiches de General Dynamics, qui traitent également de la géothermique ou encore, de l’astrodynamique, représentent aussi des joyaux artistiques. «C’est une série exceptionnelle, ces affiches sont très rares. Elles possèdent un graphisme inédit et révolutionnaire. Et, elles ont été imprimées en Suisse, avec un procédé lithographique de haute précision. Aujourd’hui, il n’y a plus de machines et d’ouvriers capables de faire ça», souligne Jean-Daniel Clerc.

Et d’ajouter, «j’ai eu la chance de tomber sur une petite archive qui contenait cette série d’affiches, des lettres, des photos et des coupures de journaux rassemblées par l’artiste dans les années 50. Tous ces éléments m’ont permis, après quatre mois de recherche, de reconstituer la chronologie et le sens de chacune de ces affiches et pour la première fois de les dater précisément .»

Par contre, pas question de savoir comment le collectionneur a découvert ces documents, ni l’endroit où ils étaient stockés. «C’est  confidentiel», lâche-t-il de manière lacunaire. L’homme, qui a touché en 34 ans environ un demi-million d’affiches originales et qui possède une archive personnelle de 15’000 affiches tient à garder ses sources secrètes. Une manière, peut-être, de ne pas dévoiler ses contacts aux autres chineurs d’affiches anciennes. Car, dans le monde, ils ne sont qu’une centaine à exercer ce métier en tant que professionnels.

Le fondateur, se contente, donc, de noter «trouver des affiches, c’est toujours un hasard, une petite histoire qui fait qu’elles ont été sauvées. A la base, il peut y avoir aussi bien un amoureux d’un endroit qu’un grand-père, un imprimeur ou encore un graphiste. Quelqu’un qui a pensé à un moment donné, je ne vais pas jeter cette affiche, mais la conserver….»

Débuts. L’affiche dite moderne apparaît à la fin du XIXème siècle. Elle débute en France, avec des artistes comme Henri de Toulouse-Lautrec, Alphonse Mucha ou Jules Chéret. En Suisse, elle se développera plus tard, de pair avec l’essor de l’industrie du tourisme.

Deux courants. En matière de graphisme, deux courants de pensée vont émerger. L’un issu de l’école de Zurich et l’autre de l’école de Bâle. La première adhère au mouvement de «l’Art concret». Avec des affiches qui se caractérisent par la ligne, les couleurs et les surfaces. Les formes géométriques de base, tels le carré, le rond, le triangle ou le rectangle sont pris pour référence. La seconde s’appuie sur le mouvement de la «Nouvelle objectivité», qui se caractérise par une volonté de représenter le réel tel qu’il est.

Sachplakat. De 1920 à 1950, les graphistes suisses se distinguent dans la réalisation de l’Affiche objet (Sachplakat). Ces affiches représentent des objets de manière surdimensionnée, avec un texte réduit au minimum.

Style Suisse. De 1950 à 1970, le graphisme suisse connaît son âge d’or avec le Style suisse, qui aura une renommée internationale. Il met l’accent sur les éléments typographiques et utilise un réseau de lignes et de courbes basées sur des calculs mathématiques. La composition doit être la plus dépouillée et éloignée de l’ornementation. Ce style sera remis en question dans les années 70 et l’affiche évoluera ensuite au gré des nouvelles méthodes de travail.

La lithographie. Les affiches sont d’abord imprimées grâce au procédé de la lithographie. Inventé par Alois Senefelder en 1798, en Bavière, ce procédé permet de dessiner directement sur une pierre calcaire avec un crayon ou une peinture grasse qu’on lave ensuite avec une eau acidulée mais qui retiendra l’encre du rouleau que l’on passera par-dessus. Il ne reste plus alors qu’à poser une feuille de papier pour pouvoir y imprimer le motif dessiné.

 

L’offset. C’est le procédé d’impression majoritairement utilisé aujourd’hui. Il permet des tirages à plusieurs millions d’exemplaires. Il utilise la technique du décalquage. L’impression s’effectue par décalque de l’image sur un cylindre en caoutchouc, puis du cylindre au papier. Cette opération se fait à partir de plaques en aluminium.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision