Des milliers de mains rouges pour les enfants soldats
Un nouveau droit international pour protéger les enfants soldats est entré en vigueur. L'ONU, à Genève, l'a célébré comme une victoire.
Mardi, dans le parc du Palais des Nations à Genève, les ONG de la «Coalition pour mettre fin à l’utilisation d’enfants soldats» ont planté symboliquement des milliers de cartons portant leur logo «main rouge». Une façon de se souvenir des 300 000 enfants impliqués dans des guerres.
Les Nations Unies se sont attaquées à ce problème. Il y a deux ans, les gouvernements ont même adopté un compromis. Leur texte prévoit que les moins de 18 ans ne devraient ni être enrôlés dans les armées ni participer directement à des combats.
«Il n’y a plus aucune excuse»
Ce protocole, qui complète la Convention sur les droits de l’enfant, reste cependant facultatif. Les États sont libres ou non d’y adhérer. N’empêche. Pour Mary Robinson, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, qui s’était jointe à la manifestation des ONG, «il n’y a désormais plus aucune excuse pour utiliser des enfants dans la guerre».
Ce texte sera-t-il vraiment appliqué? Faut-il applaudir ce premier pas ou dénoncer le manque de courage de certains gouvernements qui voulaient garder la porte ouverte aux plus jeunes? Il n’y a pas de quoi verser dans l’optimisme béat. Si 94 États l’ont jusqu’à présent signé, 14 seulement l’ont ratifié.
Aller plus loin que le protocole
A l’époque de la négociation diplomatique, la délégation suisse s’était prononcée clairement en faveur de la limite d’âge de 18 ans. Elle demandait aussi une protection spéciale et effective des enfants dans les conflits. Le résultat n’a pas été totalement à la hauteur de ses espérances.
La Suisse a néanmoins signé ce protocole lors du Sommet du millénaire à New York, en septembre 2000. Elle prévoit de le ratifier avant la fin de cette année. Le gouvernement préconise d’aller plus loin que le texte onusien. Il souhaite une interdiction totale de recrutement en-dessous de 18 ans. Ce qui correspond d’ailleurs au projet de réorganisation de l’armée.
Les discours universels et les réalités locales
Une chose est d’interdire, une autre d’apporter une réponse concrète, sur le terrain, à la situation des enfants soldats. Sur ce sujet, Katia Pilati, ancienne étudiante de l’Institut universitaire d’études du développement à Genève, se montre particulièrement critique.
Il y a quelques semaines, elle a publié une brève recherche sur les enfants soldats, «objets de discours et sujets oubliés». Les discours, dit-elle, véhiculent une image qui relève davantage des schémas mentaux occidentaux que de l’analyse et de la compréhension des réalités locales.
Si des jeunes deviennent soldats, c’est sans doute aussi parce que la pauvreté les y pousse. Parce qu’ils perçoivent peut-être l’armée «comme une source de revenu ou comme une organisation où l’on peut trouver protection, nourriture, abri».
Des enfants en quête d’identité
Dès lors, écrit Katia Pilati qui a mené une partie de son étude à Kinshasa, ces enfants soldats «pourraient être considérés comme des sujets, luttant contre l’exclusion sociale dans laquelle la mondialisation risque de les reléguer».
Dans ces conditions, «le langage juridique international ne semble ni suffisant ni adéquat pour établir qui sont les enfants soldats réels». Quant à la morale de l’histoire, selon elle, c’est que la vision unilatérale des Occidentaux pourrait totalement fausser leurs programmes de réinsertion et de réhabilitation. Leur échec serait ainsi quasi programmé.
Bernard Weissbrodt, Genève
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