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Fonds juifs: retard des indemnisations

Jeudi, l’avocat Burt Neuborne (à g.) et Gideon Taylor (à dr.), vice-directeur de la ‘Claims conference’, annonçaient la publication de plus de 3000 nouveaux noms. Keystone

La publication de nouveaux noms d’héritiers potentiels d’avoirs en déshérence auprès des banques suisses va retarder l’indemnisation.

Au sein de la communauté juive-américaine, un consensus se dégage pour déplorer les lenteurs de l’indemnisation. Mais les avis sont partagés sur les responsabilités.

La justice américaine a publié jeudi 3100 noms de titulaires et d’héritiers potentiels de comptes bancaires ouverts en Suisse pendant l’Holocauste des Juifs.

Les personnes concernées ont jusqu’au 13 juillet pour faire une demande d’indemnisation auprès de la Claims Conference, l’institution chargée de distribuer les 1,25 milliard de dollars versés par les banques suisses au titre de l’accord global qu’elles ont conclu avec les organisations juives en 1998.

Les 3100 nouveaux noms s’ajoutent aux 21000 rendus publics en 2001, mais leur addition va prolonger le processus d’indemnisation des ayants droit.

«Nous ne pouvons tout simplement pas distribuer les indemnisations tant que nous n’aurons pas fait tout ce que nous pouvons pour restituer les comptes bancaires en déshérence à leurs propriétaires d’origine», explique au New York Times Burt Neuborne, l’un des avocats qui a négocié l’accord global.

Terrible lenteur

Tout le monde déplore les lenteurs de l’indemnisation, mais les avis sont beaucoup plus partagés quand il s’agit d’en attribuer les responsabilités.

«Il est malheureux que le processus soit si long», déclare ainsi à swissinfo Gideon Taylor, le vice-président général de la Claims Conference depuis son bureau de New York.

«Les survivants sont placés dans une situation horriblement difficile et il est honteux que toute l’affaire prenne tant de temps», confie de son côté Rositta Kenigsberg, la directrice du Centre d’Information et de Documentation sur l’Holocauste à l’Université Internationale de Floride.

Le responsable de la Claims Conference souligne cependant que «sur les 800 millions de dollars du fonds spécial qui sont réservés aux indemnisations des victimes, 690 millions ont été déboursés». «300.000 personnes ont reçu un paiement», indique Gideon Taylor.

Néanmoins, la plupart des personnes indemnisées depuis 1998 n’ont rien à voir avec les avoirs juifs en déshérence. Ces personnes ont en effet reçu un paiement parce qu’elles rentraient dans d’autres catégories envisagées par l’accord global, travailleurs forcés et réfugiés par exemple. Du reste, sur les 690 millions de dollars distribués jusqu’à présent, seulement 219 millions sont allés à des ayants droit des comptes bancaires dormants.

Accusations multiples et contradictoires

Pour Rositta Kenigsberg, la responsabilité du retard dans les indemnisations des ayants droit des fonds juifs en déshérence revient aux banques suisses. «Les banques suisses auraient dû communiquer en toute honnêteté et dans la transparence la plus totale», estime l’universitaire américaine qui est aussi fille de survivant de l’Holocauste.

Bien que plus diplomatique, le vice-président général de la Claims Conference montre aussi du doigt les banques suisses. «Les banques ont mis un temps considérable pour arriver au point où elles ont accepté de publier des noms», affirme Gideon Taylor, avant d’ajouter que le processus qui consiste pour les quelques 90 employés de son organisation à gérer les demandes d’indemnisation «prend un temps phénoménal». «Pensez seulement qu’il existe 17 manières différentes d’écrire le nom de famille Schwartz», relève-t-il.

«Ce ne sont que des mensonges», rétorque Norman Finkelstein, l’auteur controversé de «L’Industrie de l’Holocauste». «Ils prolongent le processus de manière à ce que les survivants meurent sans avoir rien touché et de manière à ce que l’argent qui reste soit versé aux organisations juives, à commencer par la Claims Conference elle-même et le Congrès Juif Mondial», accuse l’historien juif-américain qui qualifie le magistrat chargé du dossier, Ed Korman, de «complice dans ce racket».

Norman Finkelstein, lui-aussi fils de survivants de l’Holocauste, exige par ailleurs plus de transparence de la part de la Claims Conference dans laquelle il voit «une organisation complètement débridée».

«Le site Internet de la Claims Conference ne donne que les noms de ceux qui postulent à une indemnisation, mais nous ne savons pas du tout où va effectivement l’argent», explique en particulier M. Finkelstein.

swissinfo, Marie-Christine Bonzom à Washington

La nouvelle liste révèle 3’100 noms supplémentaires qui s’ajoutent aux 21’000 publiés en 2001.
L’accord global porte sur un montant total de 1,25 milliard de dollars.

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