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Genève innove et s’offre un «pacs» sans ghetto

En 1997, les homosexuels avaient défilé à Genève pour dénoncer les discriminations dont ils sont victimes. Keystone / Patrick Aviolat

Le parlement cantonal genevois fait parler de lui. Après avoir voté en décembre la première assurance maternité de Suisse, il innove encore en promulguant une loi sur le partenariat. Mais il refuse un «pacte civil de solidarité» («pacs») qui enfermerait les homosexuels dans un ghetto.

«Ce n’est pas de l’avant-gardisme, mais du réalisme», déclare la député de gauche Sirika Wenger, qui est aussi membre de la direction de l’association homosexuelle romande «Dialogai». Nous n’avons fait que légiférer sur un état de fait».

Mais il aura tout de même fallu du temps, puisque ce projet de loi sur le partenariat, déposé en mai 1997, aura connu trois moutures avant de recevoir jeudi soir l’aval de 49 députés genevois contre 39.

C’est qu’indépendamment du débat de fond, il fallait trouver d’un côté une formule compatible avec le droit fédéral et de l’autre un texte dans lequel les associations homosexuelles reconnaissent qu’il répond à une partie au moins de leurs revendications.

Sur le plan fédéral, c’est encore le désert ou presque. Un Genevois, Jean-Michel Gros, avait déposé à Berne une initiative parlementaire, sans succès. Mais le gouvernement avait ensuite lancé une procédure de consultation pour voir si se dessinait en Suisse un consensus sur la reconnaissance juridique des couples homosexuels.

En octobre dernier, la directrice du Département de justice et police secouait quelque peu la monotonie fédérale. Ruth Metzler annonçait en effet qu’elle présenterait cette année un projet de loi instituant, pour les couples homosexuels, «un partenariat enregistré assorti d’effets relativement autonomes». Ce n’est pas encore demain la veille où cette loi sera adoptée.

Les Genevois n’ont pas voulu attendre plus longtemps. Ils ont donc décrété que «deux personnes qui souhaitent faire reconnaître leur vie commune et leur statut de couple peuvent faire une déclaration de partenariat».

Elles auront alors le droit d’être traitées «de manière identique à des personnes mariées dans leurs relations avec l’administration publique, à l’exclusion de la taxation fiscale et de l’attribution de prestations sociales».

En clair, la loi genevoise non seulement reconnaît tout à fait officiellement les couples homosexuels, mais elle remplit également un vide juridique pour les personnes, veuves ou divorcées par exemple, qui vivent en couple mais ne veulent pas contracter le mariage.

Cette extension de la loi à n’importe quel couple quelque que soit son mode de vie a été combattu jusqu’au bout par la minorité du parlement cantonal. Mais en vain. «Nous ne voulions pas discriminer les homosexuels en votant pour eux une loi spéciale, explique Sirika Wenger. Cela aurait été une façon de recréer un ghetto».

Les opposants montrent également du doigt le côté «trop facilement résiliable» de ce contrat de partenariat. Ils en redoutent les effets néfastes et regrettent que l’on prenne ainsi le risque de vouloir faire du neuf sur des bases aussi fragiles.

Concrètement, les couples genevois non mariés mais dûment enregistrés à la chancellerie d’État ou devant notaire pourront donc louer un appartement selon les règles en vigueur pour les couples mariés. Ils auront aussi, par exemple, leur mot à dire quand l’un des partenaires devra suivre un traitement médical.

Reste que le droit fédéral ne laissait qu’une marge de manœuvre fort réduite au législateur genevois. La loi cantonale ne changera rien dans le calcul des impôts ou des indemnités sociales. Quant aux partenaires étrangers en quête d’autorisation de séjour, Genève leur donnera certes un préavis favorable que la Berne fédérale ne sera pas obligée de suivre.

Alors, la portée de ce partenariat à la genevoise ne serait-elle pas au bout du compte que très symbolique? Oui, mais à condition de donner aussi au mot symbole un sens positif. Genève, dit-on, a balayé le vocabulaire homophobe, ouvert la porte à l’égalité de traitement entre les couples et envoyé un signal fort à Berne.

Genève innove, sans doute, mais ne se sent pas seule. L’an dernier, les Neuchâtelois se sont donné une nouvelle constitution cantonale qui garantit l’égalité de droit et qui stipule que nul ne doit subir de discrimination du fait, notamment, «de son mode vie». De ce principe particulier qu’ils n’ont pas encore inscrit dans leurs propres textes, les députés genevois ont déjà déduit une application concrète.

Bernard Weissbrodt

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