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Jeunes et drogue: la controverse

Les jeunes persistent et fument. Le point de vue de politiciens sur le cannabis ne les intéresse pas. Keystone

Les jeunes et la drogue, ce thème échauffe l’esprit des adultes, surtout lorsqu’il est question légaliser le cannabis, ainsi que le prévoit la révision de la loi.

Les jeunes, eux se montrent peu concernés par le débat. Ils continuent de fumer leur joint, légal ou non.

Tandis que les uns considèrent le joint comme un agréable délassement, les autres montrent du doigt une jeunesse dépressive et schizophrène.

En fait, il y a un gouffre entre la pratique actuelle et la législation. Car le cannabis fait partie du quotidien pour beaucoup de jeunes, même si la consommation de cette présumée drogue douce est toujours interdite.

Un quart des 15-25 ans fument un joint quotidiennement ou plusieurs fois par semaine. Comme Serge (prénom fictif), 17 ans, gymnasien à Berne. Il a commencé à 14 ans. «C’est bien trop tôt», déclare-t-il aujourd’hui.

Sa camarade Ariane (prénom fictif) se décrit, elle, comme une «fumeuse occasionnelle». Elle contrôle sa consommation. «Avec les drogues, il faut être responsable.»

Antoine (prénom fictif), lui, boit une petite bière de temps en temps, mais n’a encore jamais fumé de cannabis. Il peut se distraire sans ça: «Je n’en ai pas besoin, je n’en ai pas envie, je ne le fais pas.»

«L’alcool est aussi une drogue»

Ariane et Serge ne fument pas pendant les heures d’école. C’est réservé aux loisirs, indique Séverin. Ariane, elle, sait que ça ralentit ses réflexions et modifie ses sensations.

Serge n’y voit aucune problème pour sa santé. Même s’il ne vit pas de manière très saine, il fait beaucoup de sport sans problème.

Ariane voit les choses différemment. Elle a l’impression que la consommation de cannabis affaiblit son système immunitaire et qu’elle tombe plus souvent malade.

Pour les trois collégiens, il est clair que l’alcool est aussi une forme de drogue. La bière et le vin ne posent pas de problème, estime Antoine, mais une certaine quantité d’alcool peut faire du mal.

«L’alcool modifie la conscience, donc c’est une drogue», déclare Anna, pragmatique.

Quelqu’un qui boit trop peur mourir à 50 ans d’une cirrhose du foie, un fumeur de cannabis ou de tabac d’un cancer du poumon.

Egalité de traitement exigée

On peut faire la fête avec une bière ou avec un joint, pour Serge, c’est du pareil au même. «Il faut légaliser le cannabis, ou alors pénaliser l’alcool», juge-t-il. Toute autre alternative est hypocrite et contradictoire.

De son côté, Antoine ne met pas les deux «drogues» dans le même panier. L’alcool fait partie des traditions, pas la marijuana.

L’alcool et le tabac rapportent d’énormes sommes, explique Ariane. Et la publicité s’adresse directement aux jeunes. «Pour moi, c’est légal parce qu’on fait de l’argent avec.»

Et d’expliquer que l’alcool cause beaucoup de problèmes à la société, comme la conduite en état d’ivresse, par exemple. Tous trois, ils sont opposés à l’impôt sur l’alcool.

Le plaisir du fruit défendu

Le gouvernement lui-même a reconnu qu’il est urgent de trouver une solution. En proposant une révision de la loi qui prévoit de dépénaliser le cannabis, son objectif vise à contrôler le marché, à protéger la jeunesse et à améliorer la prévention.

Ariane et Serge y sont favorables. Pour Antoine, «en cas de dépénalisation, la consommation pourrait légèrement augmenter au début. Mais le nombre de consommateurs pourrait diminuer ensuite, parce que le plaisir du fruit défendu serait perdu.»

Celui qui a besoin de fumer du hasch en consommera, interdit ou pas, estime Ariane. Pour Séverin, c’est une question de pure forme: «Maintenant, on en prend comme s’il était légal. Nous fumons quand et où nous voulons.»

Ce qui dérange Ariane, c’est que, en l’état actuel des choses, les jeunes sont criminalisés: «En fait, beaucoup de jeunes fument, que ce soit légal ou non. On est catalogué et on devient une sorte de criminel, je trouve ça bête.»

Protéger les enfants et les jeunes

Pour les trois gymnasiens, il est indispensable de protéger les enfants et les jeunes. Alex souhaiterait que le même traitement soit le même que pour l’alcool: la liberté dès 16 ans. Mais, concède-t-il, il serait difficile de faire des contrôles.

Ariane ne sait pas où fixer la limite. «Quand on a envie de quelque chose, on se le procure d’une manière ou d’une autre.»

Les parents d’Ariane savent qu’elle consomme du hasch. La mère de Serge est également au courant. «Elle ne l’encourage pas du tout, au contraire. Mais elle préfère que je fume sur le balcon, à la maison, plutôt que dans la rue, où je risque d’être coincé par les flics.»

swissinfo, Gaby Ochsenbein
(Traduction: Isabelle Eichenberger)

– La Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotiques date de 1951 et a été révisée en 1975.

– A la fin des années 90, le peuple suisse a rejeté une initiative populaire restrictive, «Une jeunesse sans drogue», ainsi que l’«Initiative Droleg», qui prévoyait une large libéralisation du cannabis.

– L’actuelle révision de la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotiques prévoit de dépénaliser la consommation de chanvre, de réglementer son commerce et sa culture ainsi que d’améliorer la prévention et la protection de la jeunesse.

– Les opposants considèrent la révision comme un encouragement à la consommation de stupéfiants et un mauvais signal à la jeunesse.

– En 2003, le Conseil national (chambre basse) a décidé de ne pas entrer en matière sur la révision de la loi.

– Le 14 juin dernier, la révision de la loi revient devant la chambre basse du parlement. En cas de nouveau refus d’entrer en matière, le projet sera définitivement est enterré. La consommation de chanvre demeurera interdite, sa production et son commerce restant dans un flou juridique.

– Le président des commandants de polices cantonales ainsi que l’Association suisse des policiers demandent la légalisation du chanvre.

– L’association faîtière des enseignants suisses a émis des réserves et posé des conditions: renforcer la protection de la jeunesse et la prévention.

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