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L’Autriche vire à droite suite à un vote sanction

L'incapacité de la coalition au pouvoir en Autriche à éviter les luttes intestines a largement profité aux deux formations d'extrême droite. swissinfo.ch

Les législatives anticipées autrichiennes ont été marquées par la progression massive de l'extrême droite et par la défaite des deux grands partis gouvernementaux. En multipliant les querelles au sein de leur coalition, ces derniers ont favorisé la percée populiste, estime la presse suisse.

Au terme de vingt mois de paralysie gouvernementale, les Autrichiens ont sévèrement sanctionné la coalition gauche-droite lors des législatives anticipées de dimanche.

Les deux grands partis gouvernementaux, soit le SPÖ (social-démocrate) et l’ÖVP (conservateur) ont enregistré leurs plus mauvais scores depuis 1945. Une débâcle qui a profité à l’extrême droite.

Ensemble, le FPÖ – ex-parti de Jörg Haider aujourd’hui dirigé par son frère ennemi Heinz-Christian Strache -, ainsi que la nouvelle formation du charismatique gouverneur de Carinthie, le BZÖ, ont réuni plus de 29% des voix.

L’extrême droite dépasse donc son score historique de 1999 lorsque le parti de Haider – qui a ensuite fait sécession au sein du FPÖ pour former le BZÖ – avait obtenu 26,9% des voix.

Un vote de protestation

En Suisse, c’est la presse alémanique qui commente le plus abondamment ces élections. Le terme de «raz-de-marée» revient à plusieurs reprises lundi sous la plume des éditorialistes pour parler de la progression des deux formations d’extrême droite et de la défaite de la coalition gauche-droite.

«Ces résultats sont un vote de protestation contre l’ÖVP et le SPÖ, qui, au sein de la coalition, ont livré un indigne spectacle de blocages et de luttes intestines», souligne le Tages Anzeiger.

Pour le quotidien zurichois, les gagnants ne sont cependant pas ceux qui le méritent. Aux Verts, qui ont mené une «sérieuse politique d’opposition», les Autrichiens ont préféré «deux partis qui au lieu de proposer des solutions désignent des boucs émissaires: l’Union européenne, l’islam, les étrangers, les requérants d’asile».

De son côté, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) estime que les Autrichiens ont ainsi présenté au SPÖ et à l’ÖVP la facture pour «une année et demi de petits marchandages et de basses querelles entre rivaux jaloux».

Multiples causes

Unanimes à souligner l’échec de la coalition gouvernementale sur tous les grands dossiers, les commentateurs helvétiques analysent la défaite des «vieux partis» autrichiens, comme les nomme Le Temps, en relevant qu’ils en sont les principaux artisans.

La Basler Zeitung estime par exemple que la sanction populaire vis-à-vis du SPÖ et de l’ÖVP est le fruit d’erreurs stratégiques de leur part. Et la commentatrice du journal bâlois d’énumérer les mesures populistes prises par les deux partis à la veille de cette échéance électorale.

«Le résultat des élections autrichiennes enseigne qu’il peut être contre-productif d’essayer de combattre les partis d’extrême droite en utilisant leurs propres armes. […] En cas de doute, l’électeur préfère de toute manière la radicalité du modèle original à ses pâles imitations», écrit-elle.

Un point de vue partagé par le Tages Anzeiger: «La stratégie du SPÖ et de l’ÖVP, qui ont tenté de freiner la progression de la droite en lui empruntant certaines de ses idées, a échoué», note le journal.

Le Bund juge pour sa part que les responsables de cette situation sont le vice-chancelier conservateur Wilhelm Molterer et l’ex-chancelier Wolfgang Schlüssel. «L’ex-chancelier Schlüssel n’a jamais surmonté son éloignement de la vie politique en 2006 et Molterer n’a pas réussi à faire autre chose qu’à marcher dans son ombre», critique le journal bernois.

Un avenir plutôt sombre

Quant à l’avenir politique de l’Autriche après ces élections anticipées, il semble plutôt compromis aux yeux des commentateurs suisses. Le Bund n’est pas seul à exprimer quelques craintes.

«Le FPÖ et le BZÖ sont certes légitimés démocratiquement, mais leur structure et leur vision du monde sont d’inspiration autoritaire», note ainsi le quotidien bernois. «Le plus important virage à droite de l’Autriche depuis l’après-guerre ne contribuera pas à renforcer la démocratie parlementaire», continue-t-il.

Comme le reste de la presse, le Bund relève aussi que la progression de l’extrême droite pourrait signifier la fin du modèle de coalition qui a prédominé en Autriche depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Reste que les éditorialistes jugent ce scénario peu vraisemblable. «Le SPÖ a déjà exclu une coalition avec la droite radicale et une coalition entre ÖVP, FPÖ et BZÖ est peu probable en raison de la politique anti-européenne des deux formations d’extrême-droite», poursuit le Bund.

Un avis que partage la NZZ. Même s’il sera «très difficile» de remettre sur pied un gouvernement viable après un tel «gâchis», le quotidien zurichois estime qu’il n’en sortira rien d’autre qu’une nouvelle grande coalition «typiquement autrichienne».

Certes une coalition de «perdants», comme le note Le Temps, la même «qui a échoué jusqu’ici à mener les réformes des assurances sociales, de la fiscalité et s’est divisée face au Traité européen».

swissinfo, Carole Wälti

Les deux partis autrichiens d’extrême droite, le FPÖ et le BZÖ, apparaissaient comme les grands vainqueurs de ce scrutin.

Selon des résultats officiels mais non encore définitifs, le Parti de la liberté (FPÖ) récolte 18,0% des voix.

L’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ) de Jörg Haider obtient elle 11,0% des suffrages.

C’est cependant le parti social-démocrate (SPÖ) qui arrive en tête des élections législatives anticipées avec 29,7% des voix.

Il se place devant le Parti conservateur (ÖVP), crédité de 25,6% des voix.

Derrière ces quatre formations, les Verts sont crédités de 9,7% des suffrages.

En terme d’évolution par rapport aux élections de 2006, les sociaux-démocrates perdaient plus de six points et les conservateurs près de dix points.

A l’inverse, le FPÖ gagnait plus de sept points, tandis que le BZÖ triplait presque son score d’il y a deux ans.

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