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La justice suisse embarrasse la France et Taiwan

La justice genevoise met le feu aux poudre entre la France et Taiwan. Keystone

En découvrant 1,2 milliard de francs sur les comptes d'un intermédiaire de Taiwan, la justice suisse complique les relations entre Berne et Taïpeh.

En menant des investigations sur les commissions versées en Suisse par la société française Thomson lors de la vente de six frégates à Taiwan en 1991, le juge d’instruction genevois Paul Perraudin menace tout l’armement français.

Alors qu’il est de notoriété publique qu’aucune vente d’armes dans le monde ne s’effectue sans le versement de pots-de-vin, les pays tentent de jouer la transparence. Résultat, deux articles du contrat (17 et 18), signé par la France et Taiwan en 1991, proscrivent le versement de commissions, sous peine d’annulation du marché ou de versement des fonds indûment versés.

Or, la vente de frégates militaires à Taiwan (alors que la France s’est toujours engagée à ne traiter qu’avec Pékin), a donné lieu à d’incroyables manipulations dans l’Hexagone, mêlant Alfred Sirven, l’ancien numéro deux d’Elf, Christine Deviers-Joncour, surnommé “la putain de la République”, et Roland Dumas, l’ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand.

Procédure d’arbitrage à Paris

En investiguant, à l’origine, sur la société boîte aux lettres Frontier AG, à Berne, le juge Paul Perraudin est tombé à Zurich sur les comptes d’Andrew Wang, 73 ans, considéré comme l’homme clé de l’affaire des frégates à Taiwan. Entre la Suisse, le Liechtenstein et le Luxembourg, le magistrat suisse a séquestré 1,2 milliard de francs.

Cet homme d’affaires, qui vit en Californie, est recherché par Taiwan pour avoir prêté la main à l’assassinat en 1993 d’un officier qui s’intéressait de trop près aux commissions. Les découvertes du juge suisse ont aussi poussé les autorités taiwanaises à engager une procédure d’arbitrage devant la chambre de commerce internationale de Paris.

Si les enquêtes se confirmaient, Paris serait contrainte de rembourser à Taiwan au moins l’argent des commissions (estimées en tout à 599 millions de dollars). Une bien mauvaise opération, d’autant que les contrats ne portaient pas seulement sur la vente de six frégates, ils concernaient également une commande de 60 Mirage 2000 par Dassault à la Chine nationaliste.

“Et dire que des banquiers suisses, incroyablement scrupuleux, vont peut-être obliger la justice française à examiner enfin ces documents, souligne Le canard enchaîné, c’est le monde à l’envers”. Dans le bec de cet hebdomadaire satirique, c’est quasiment un compliment pour la place financière helvétique.

Ian Hamel

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