Des perspectives suisses en 10 langues

La Suisse contrainte de s’expliquer au BIT

Entre syndicat et patronat, le climat des négociations s'est durci, comme à l'usine Swissmetal Boillat. Keystone

Le Bureau international du travail (BIT) a admis, vendredi, une plainte de l'Union syndicale suisse (USS) sur l'érosion de la négociation collective en Suisse.

Une commission du BIT, réunie à l’occasion de la conférence internationale du travail à Genève, a demandé à la Suisse de s’expliquer. Une première.

Sans doute pour la première fois de son histoire, la Suisse est citée à comparaître devant la Commission des normes de la 95e Conférence internationale du travail, qui siège jusqu’au 16 juin à Genève.

Vendredi, cette commission d’experts du Bureau international du travail (BIT,
l’organe permanent de l’Organisation internationale du travail) a admis une plainte de l’Union syndicale suisse (USS).

Satisfaction syndicale

Les griefs faits à la Suisse portent sur la protection contre les licenciements antisyndicaux, le remplacement des syndicats par des commissions du personnel pour négocier les conditions de travail ainsi que la promotion de la négociation collective.

Les experts ont enjoint les autorités suisses à répondre aux critiques de l’USS sur l’application dans la pratique de la Convention 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective, ratifiée en 1999. La Suisse doit présenter un rapport cette année.

«Nous sommes satisfaits de la décision des experts. Notre plainte n’a pas été rejetée par le BIT. C’est un début», s’est réjoui le secrétaire central de l’USS, Jean-Claude Prince.

Poursuivre le dialogue

La commission du BIT a invité également «le gouvernement suisse à poursuivre un dialogue réel avec les partenaires sociaux sur la discrimination anti-syndicale».

La commission a en outre regretté que la Suisse n’ait pas répondu, depuis 2004, à de précédentes critiques de l’USS. Les experts ont pris note de l’engagement du gouvernement, représenté par l’ambassadeur Jean-Jacques Elmiger, du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), de présenter son rapport au comité sur la liberté syndicale en novembre.

En mars 2004, le Conseil fédéral avait demandé au BIT de ne pas donner suite à une autre plainte introduite par l’USS devant le comité de la liberté syndicale sur la protection contre les licenciements antisyndicaux.

Le représentant des employeurs, Alexandre Plassard, de l’Union patronale suisse (UPS) a estimé pour sa part que l’Etat ne doit pas s’ingérer dans le dialogue entre les entreprises et les syndicats.

Hémorragie de CCT

Jean-Claude Prince a dénoncé devant les experts «l’hémorragie qui frappe les conventions collectives en Suisse». En 1990, la couverture des conventions collectives s’étendait à 50 % des emplois. Elle n’atteignait plus que 36,7 % en 2003, a indiqué le délégué de l’USS, avec de grandes disparités selon les cantons.

Il a aussi critiqué «la mise à l’écart des syndicats par certains employeurs qui préfèrent négocier directement avec les représentants de leur personnel», en contradiction avec les conventions du BIT.

Et de souligner à l’intention des autorités suisses: «à quoi bon élaborer des normes et exiger leur respect par d’autres pays, qui dans leur grande majorité sont bien plus mal lotis que le nôtre», si la Confédération «ne s’inspire pas des dispositions de droit international du travail auxquelles elle a adhéré».

Pas de sanctions

L’USS est intervenue pour la première fois devant le comité sur la liberté syndicale du BIT en mai 2003 et était revenue à la charge en octobre 2004.

Les comités d’experts du BIT ne décident pas de sanctions (sauf dans des cas extrêmes, comme le travail forcé en Birmanie), mais adoptent des recommandations transmises au conseil d’administration du BIT.

Il peut être demandé au gouvernement de prendre des mesures pour remédier au problème. Ces recommandations ne sont pas obligatoires, mais elles constituent une pression «politique et morale».

swissinfo et les agences

– En Suisse, environ 700 conventions collectives de travail (CCT) sont régulièrement négociées.

– La CCT est un accord conclu par écrit entre une ou plusieurs associations de travailleurs et une ou plusieurs associations d’employeurs.

– La loi sur le travail confère aux parties la compétence d’élaborer des règles sur la conclusion, l’objet et la fin des relations de travail entre employeurs et travailleurs ainsi que leurs droits et obligations réciproques.

Suite à des regroupements, il existe deux organisations faîtières: l’Union syndicale suisse (USS), qui regroupe 16 syndicats et environ 380’000 membres et Travail.Suisse, avec 13 syndicats et environ 160’000 membres.
Il existe des associations d’employé(e)s qui ne sont pas rattachées à une organisation faîtière.
En 1990, la couverture des conventions collectives s’étendait à 50% des emplois mais plus que 36,7% en 2003.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision