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Le combat d’un idéaliste entêté

Bernard Rappaz a été arrêté en novembre dernier. Keystone Archive

Jeudi, la justice statue une nouvelle fois sur la mise en liberté du chanvrier valaisan Bernard Rappaz, en grève de la faim depuis 71 jours. Histoire d'un long bras de fer.

D’un côté, le Zorro du chanvre, prêt à tout pour défendre sa cause. A 49 ans, Bernard Rappaz a consacré une grande partie de sa vie à ce combat. Pour dénoncer ce que lui et ses amis appellent le marché gris du chanvre ou encore l’hypocrisie helvétique.

De l’autre, le juge, qui a déjà refusé trois fois de libérer le Valaisan, pour risque de collusion. Le juge qui est confronté à une décision difficile. Soit il prolonge la détention d’un homme dont la santé est en jeu. Soit il le libère et cède, en quelque sorte, à la pression.

«Têtu comme une mule»

Le premier n’est pas un ange. Considéré comme le plus gros fournisseur de cannabis en Suisse, il a été arrêté en novembre dernier pour avoir, entre autres, stocké 50 tonnes de chanvre. On lui reproche de vendre des stupéfiants parallèlement aux thés, huiles et autres produits autorisés à base de chanvre.

Placé en détention préventive, Bernard Rappaz a entamé une grève de la faim il y a 70 jours. Et il n’entend pas baisser les bras. Cet ancien vigneron est obstiné. «Têtu comme une mule», disent ses proches.

Lors d’une précédente détention en 1996, le Valaisan avait déjà refusé de s’alimenter pendant une quarantaine de jours. Jusqu’à sa libération. Aujourd’hui, il recommence pour dénoncer ce qu’il considère comme une injustice.

«Le combat d’un idéaliste»

Au moment où les autorités se prononcent pour la libéralisation du cannabis, le chanvrier ne comprend pas pourquoi il est maintenu en détention. «Il se bat pour un idéal, commente son avocat Aba Neeman. C’est un combat de principe. Il n’a rien à y gagner.»

L’avocat a rencontré son client mardi. «Il est affaibli. Il se déplace avec une canne et parle très doucement. Mais il a décidé de poursuivre sa grève de la faim, précise Aba Neeman. J’ai peur qu’il en arrive à un tel stade de faiblesse qu’il ne soit plus capable de dire stop.» En 70 jours, Bernard Rappaz serait passé de 90kg à 66kg.

Selon une nutritionniste du CHUV, à Lausanne, on peut survivre 100 à 120 jours sans s’alimenter, sans perfusion, ni boissons énergétiques. Uniquement avec de l’eau.

La vie est réellement en danger lorsque le poids a diminué de moitié. Cela dit, en 1981, Bobby Sands, activiste de l’IRA, était mort après 65 jours de jeûne.

En comparaison, le combat de Bernard Rappaz semble pourtant bien absurde. Même ses amis estiment que la cause du chanvre ne mérite pas de mettre sa vie en danger. Son avocat a, lui aussi, tenté de le convaincre: «Humainement, je ne peux que lui conseiller d’arrêter son jeûne.»

Pour l’instant, on ne sait pas si Bernard Rappaz sera présent ce jeudi lors de l’audience, à Sion. De toute façon, si la justice décide de le libérer, ce sera provisoire.

En effet, le Valaisan doit purger 16 mois de prison ferme. Une peine qui relève d’une autre histoire datant de 1996, l’affaire des coussins au chanvre.

Alexandra Richard

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