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Le festival de Locarno veut parier sur la surprise

L'affiche officielle d'un festival qui entame une ère nouvelle. Festival del Film Locarno

Deux cent-nonante longs métrages, cinquante premières mondiales, vingt premières œuvres: le festival de cinéma de Locarno, qui en est à sa 63e édition, entame cette année l’ère Olivier Père avec moins de films et une exigence réaffirmée. Ouverture le 4 août.

«Locarno n’est pas un festival spécialiste, on ne choisi pas les films selon une thématique. Ce sont les films eux-mêmes qui font le festival», explique Olivier Père, nouveau Directeur artistique, pour justifier sa programmation très éclatée, sans fil conducteur.

«On est là pour créer de la surprise, qui peut passer par de l’audace, de la provocation, de l’émotion, explique le successeur de Frédéric Maire. L’important est de créer une surprise artistique, une découverte, une relation forte entre le spectateur et les films.»

Voilà pour l’approche assumée par le nouveau patron «contenu» du premier festival de cinéma de Suisse – un rendez-vous qui n’a pas vocation suisse ni européenne, mais mondiale, souligne son président.

Marco Solari n’a d’ailleurs pas manqué de faire grincer quelques dents sous les lambris de l’hôtel de ville de Berne, qui accueillait l’équipe du festival devant la presse mercredi.

En dix ans, le budget de Locarno est passé de 4 à 11,3 millions de francs, dont un cinquième autofinancé. Cette progression est une nécessité, selon Marco Solari, pour maintenir la qualité et les perspectives d’avenir du festival.

Appel à la Confédération

Le canton du Tessin, l’économie privée répondent présents côté gros sous, mais la Confédération n’en fait pas assez. D’abord pour Locarno – Solari aimerait voir son enveloppe augmenter d’un montant de l’ordre de 400’000 francs – mais aussi pour les autres festivals de cinéma du pays, parents pauvres à ses yeux de la manne étatique dédiée au cinéma.

Cinéma donc. Et jeune cinéma, puisque cette année, avec notamment une vingtaine de premières œuvres, la jeunesse des réalisateurs est un point commun aux différentes sections du festival, se réjouit Olivier Père. Lequel y voit une preuve de curiosité de Locarno pour «tous les genres et les formes de production les plus indépendantes».

Locarno accueille cette année une cinquantaine de premières mondiales et des films des quatre coins de la planète. Beaucoup de productions françaises, mais aussi «une forte présence roumaine, des films en provenance des Balkans, des pays scandinaves, des deux Amériques, d’Asie», commente Olivier Père.

En compétition

Dix-huit longs métrages sont en course pour le Léopard d’or. Avec des cinéastes confirmés (Christophe Honoré, Bruce LaBruce, Denis Côté, Isild Le Besco), d’autres moins (Pia Marais, Vanja d’Alcantara ou encore le documentaire de Xu Xin). Deux films suisses en première mondiale aussi: «Songs of love and hate», de Katalin Gödrös et «La petite chambre», de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond, avec Michel Bouquet.

L’autre compétition principale, Cinéastes du présent, accueille des premiers ou deuxièmes long-métrages. Elle se veut un tremplin international et un laboratoire. En découdront dix-neuf films, dont le documentaire du Suisse Stéphane Goël, intitulé «Prud’hommes».

La relève a aussi sa compétition à Locarno. Une section double en réalité, suisse/internationale, consacrée aux films de réalisateurs qui n’ont pas encore tourné de longs métrages. Et comme les «Pardi di domani» fêtent leurs vingt ans cette année, les festivaliers auront droit à une rétrospective des films marquants de cinéastes aujourd’hui confirmés.

Hors compétition («Fuori concorso»), le festival présentera des œuvres récentes de cinéastes comme Lionel Baier, également membre du jury principal, de Jean-Marie Straub ou d’Emmanuelle Demoris et son cycle de documentaires «Mafrouza» consacré à la vie d’un quartier pauvre d’Alexandrie. Sans oublier le dernier Jacqueline Veuve.

Soutiens et hommages

Avec le soutien de la coopération suisse (DDC), douze films d’Asie centrale et des cinéastes importants de cette région sont aussi au programme dans la section Open Doors. Dans ce cadre, on aidera des réalisateurs et producteurs d’Asie centrale à trouver des coproducteurs.

Des hommages aussi cette année. D’abord au Suisse Michel Soutter, à l’occasion de la sortie de son œuvre en DVD, mais aussi à l’Italien Corso Salani, décédé prématurément en juin dernier.

Le grand Francesco Rosi, qui sera à Locarno, l’artiste plasticien Philippe Parreno et l’acteur américain John C. Reilly, emblématique du cinéma indépendant des années nonante, qui sort son film «Cyrus», auront aussi droit à un hommage du festival.

Autre grand moment pour les cinéphiles, en plus de la projection de films importants de l’histoire du cinéma: la rétrospective Ernst Lubistch, un des maître incontesté de la comédie, avec en particulier la projection sur la Piazza Grande de «To be or not to be», une table ronde, les analyses de spécialistes et critiques, la présence de la fille du réalisateur…

Le lieu emblématique

Enfin, la Piazza Grande. C’est «le lieu emblématique du festival», qui accueille jusqu’à 8000 spectateurs chaque soir, comme le rappelle Olivier Père. Locarno y propose «des films d’auteurs à vocation populaire».

Et cette année, le film d’ouverture censé donner le ton de l’ère Père est un film français, «Au fond des bois», de Benoît Jacquot, projeté en première mondiale. Autres exemples de la programmation sur la Piazza: «L’avocat», un polar avec Benoît Magimel, «Das letzte Schweigen», thriller allemand de Baran bo Odar ou «The ugly duckling», film d’animation du Russe Garri Bardine.

La Piazza accueille aussi deux films suisses. D’abord la biographie filmée «Hugo Koblet – pédaleur de charme», de Daniel von Aarburg, et «Sommervögel», première fiction du documentariste Paul Riniker, pour mettre un point final au festival.

Swiss films, l’organe de promotion du cinéma suisse propose lui aussi sa section qui comprend cette année quatorze films «à fort potentiel international». Parmi eux, le dernier Godard. Le réalisateur s’était fait porté pâle à Cannes, le verra-t-on bronzé à Locarno?

Pierre-François Besson, swissinfo.ch

Le festival du film de Locarno a lieu du 4 au 18 août 2010.

Le jury compétition internationale est composé de Eric Khoo (réalisateur singapourien), Golshifteh Farahani (actrice iranienne), Melvil poupaud, (acteur français), Lionel Baier (réalisateur suisse) et Joshua Safdie (réalisateur américain).

La distinction suprême récompensant un cinéaste pour l’ensemble de son œuvre sera remise deux fois cette année.

D’abord à Alain Tanner, l’un des plus grands réalisateurs suisses, auteur de vingt-cinq films dont «Charles mort ou vif», «Les Années lumières» ou «Dans la ville blanche».

Au Chinois JIA Zhang-ke ensuite, un des grands cinéastes contemporains, né en 1970, auteur de neuf longs métrages, dont «Plateform», «Still life» et «The world».

Le prix Raimondo Rezzonico qui récompense un producteur indépendant ira à l’Israélien Menahem Golan (Godard, Altman, Schroeder, Chuck Norris…).

L’actrice Chiara Mastroianni, qui viendra rencontrer le public, recevra pour sa part un Excellence Award.

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