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Les ratés l’affaire Achraf montrés du doigt

Mohamed Achraf est désormais détenu à Madrid. Keystone

Une délégation parlementaire souligne le manque de coopération entre les différents services de sécurité helvétqiues dans l'affaire Mohamed Achraf.

Ce terroriste présumé avait été arrêté en août 2004 à Zurich et remis en avril 2005 à la justice espagnole, qui le soupçonne d’avoir monté un projet d’attentat à Madrid.

Le 28 août 2004, Mohamed Achraf, 32 ans, présumé terroriste et algérien, est appréhendé à l’aéroport de Zurich pour le vol d’un simple téléphone portable. Il est alors en Suisse comme requérant d’asile, mais sa demande a été rejetée.

Dès le début de ce mois d’août 2004, les services de renseignements suisses ont reçu plusieurs demandes concernant Mohamed Achraf émanant d’un service partenaire espagnol. Le 8 septembre de la même année, ils apprennent que l’homme se trouve en détention dans le canton de Zurich en vue de son refoulement.

Huit jours plus tard, le service des infractions à caractère idéologique de la police cantonale zurichoise est informé plus en détail, mais pas les autres organes fédéraux.

Mais il faudra attendre jusqu’au 21 octobre pour que le parquet fédéral ouvre une procédure. Le ministre de justice et police Christoph Blocher ne manque alors pas de se vanter de l’efficacité de ses services.

Une version moins glorieuse


Or aujourd’hui, la Délégation des Commissions de gestion du Parlement fédéral livre une version moins glorieuse des événements. Son rapport sur le dispositif de sécurité dans le cas Achraf a été transmis au gouvernement et restera secret. Jeudi toutefois, les services du Parlement en publient un résumé de huit pages.

Il en ressort qu’aux yeux de la Délégation, le dispositif de sécurité peut être amélioré dans plusieurs domaines. Les députés soulignent que même des lacunes de peu d’importance peuvent s’avérer lourdes de conséquences lorsqu’il en va de la sécurité et tout particulièrement en matière de terrorisme. La réputation de la Suisse est aussi en jeu.

Le document condensé souligne certes qu’Achraf a pu être localisé à temps. Mais il regrette notamment le manque d’échange d’informations entre les services de renseignement intérieur et extérieur, soit le SAP (Service d’analyse et de prévention) et le SRS (Service de renseignement stratégique), ainsi qu’entre le SAP et la Police judiciaire fédérale.

Le SAP a reçu en août 2004 une demande des services espagnols concernant Achraf. Mais la direction de ce service n’a été informée de la présence de Achraf dans une prison zurichoise que deux mois et demi plus tard, le 19 octobre. La durée du processus est «relativement longue», estime la Délégation.

Polémique


Il a même fallu un coup de téléphone à cette date entre le ministre espagnol de la justice et Christoph Blocher pour que le chef du SAP, Urs von Däniken, soit mis au courant. Il a ensuite informé le chef de l’Office fédéral de la police, Jean-Luc Vez.

La Délégation recommande d’améliorer l’organisation du SAP pour faire remonter l’information à sa tête et de trouver des solutions pour vérifier plus rapidement la détention d’une personne en Suisse.

Elle souhaite également une meilleure coopération entre les services impliqués ainsi qu’entre la Confédération et les cantons. Elle demande enfin que les requêtes des services étrangers soient traitées avec davantage d’attention.

Mohamed Achraf a été livré à l’Espagne en avril 2005. Cette affaire avait provoqué une polémique en Suisse. Les dysfonctionnements des services concernés avaient failli conduire au refoulement d’Achraf vers son pays d’origine supposé, l’Algérie.

Mohamed Achraf est soupçonné par les autorités espagnoles d’être le cerveau d’une cellule islamiste radicale connue sous le nom de «Martyrs pour le Maroc», qui aurait planifié un attentat à l’explosif contre l’Audience nationale à Madrid, la plus haute instance pénale du pays.

swissinfo et les agences

28 août 2004: arrestation de Mohamed Achraf à Zurich-Kloten.
19 octobre : les autorités fédérales apprennent qu’Achraf est détenu à Zurich.
21 octobre: le Ministère public de la Confédération ouvre une procédure pénale.
28 janvier 2005: la Suisse approuve la demande d’extradition vers l’Espagne.
13 avril: le recours d’Achraf est rejeté par le Tribunal fédéral.
22 avril: extradition vers l’Espagne.

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