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Promouvoir le ski suisse à la sauce américaine

La Suisse de la neige dans l'attente de jours meilleurs. ST/swiss-image.ch

Les stations de sports d'hiver européennes et suisses attirent de moins en moins de monde. La solution à ce malaise pourrait venir des Etats-Unis.

Selon certains experts en tourisme, les stations alpines devront se plier à de radicales réformes pour redevenir compétitives.

Les vols charters, en partance de Londres, avec à leur bord des skieurs britanniques, prennent plus souvent la destination des stations nord-américaines que celles des Alpes. Telle est le constat édifiant asséné en ouverture du Symposium international sur le tourisme, tenue récemment à Zermatt.

Les raisons de ce déclin de la compétitivité européenne sont nombreuses selon les experts présents dans la station valaisanne : coûts élevés, service indifférencié, techniques de marketing obsolètes et manque de soutien des gouvernements.

Alain Dupeyras, chef du programme tourisme de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) indique que l’industrie européenne est aussi caractérisée par une prédominance de petits exploitants. Ceux-ci souffrent d’un déficit de poids pour effectuer un lobbying efficace.

Microcosme de l’Europe

La Suisse est un microcosme illustrant parfaitement le problème européen. Quelque 650 compagnies de remontées mécaniques sont actives dans plus de 200 stations du pays. De l’avis des analystes, seules douze d’entre elles affichent un potentiel de développement intéressant.

Pour la plupart petites et situées dans des régions périphériques, les stations helvétiques ne disposent que d’une faible capacité d’autofinancement et n’ont pas l’envergure pour attirer de nouveaux capitaux d’investissement.

Thomas Bieger, professeur à l’Univesité de St-Gall estime qu’elles sont aussi handicapées par un coût élevé des emplois, des services et de la restauration.

«L’industrie du ski suisse est divisée en deux camps : d’un côté de grandes compagnies, établies sur des domaines conséquents, innovantes et capables de suivre le développement ; et de l’autre, trop de petits exploitants, confinés dans un espace restreint et sans capacité d’investissement.»

Selon Thomas Bieger, le regroupement des forces est une des solutions à ce problème: «Il permet de réunir l’argent nécessaire pour investir.»

Plusieurs fusions ont eu lieu ces dernières années et d’autres sont envisageables. Mais le processus est lent.

Nouveaux challenges

Ces problèmes structuraux sont de plus aggravés par de nouveaux défis, souligne le conseiller français, Joël Gayet. La population adepte du ski vieillit, la concurrence avec les stations balnéaires s’accroît, les séjours plus courts se développent et les conditions d’enneigement sont de plus en plus imprévisibles.

Directeur de l’Association nationale des régions de ski (NSAA) aux Etats-Unis, Michael Berry se félicite que l’industrie américaine ait relevé avec succès plusieurs de ces challenges.

La vente d’abonnements de ski est ainsi passée de 53 millions dans les années 1980 et 1990 à 57 millions cette décennie.

Une grande partie de cette croissance aux Etats-Unis s’explique certes par les mouvements de population en direction des régions rurales, en particulier dans les Etats montagneux de l’ouest.

Michael Berry estime toutefois que 20 pourcents des stations américaines auraient connu la faillite si elles n’avaient pas entrepris des réformes.

Une marche en avant

«Dans le futur, nous ne pouvons agir comme nous le faisions autrefois, affirme Michael Berry. Nous devons faire preuve d’innovation, principalement à l’égard des personnes qui s’initient aux sports de neige.»

Afin de répondre à cet objectif, de nouvelles infrastructures dédiées aux débutants ont été réalisées en priorité. Des aires d’apprentissage séparées et des tarifs de location revus à la baisse leur ont aussi été accordés.

Les pistes ont également été dessinées sur plusieurs espaces différents pour satisfaire skieurs et snowboardeurs. Enfin, l’accent a été mis sur l’installation de remontées mécaniques modernes. Elles doivent être confortables et rapides, à l’intention de la clientèle plus âgée.

D’une planche à l’autre

«Le snowboard touche aujourd’hui toutes les classes sociales et tous les groupes ethniques. La deuxième génération hispanique troque ainsi par exemple planche à roulettes contre planche à neige en hiver», note Michael Berry.

Concernant la controverse sur la flexibilisation des prix qui divise l’industrie européenne, Thomas Bieger est persuadé que des enseignements peuvent être tirés du modèle américain.

Le ski ne cesse de perdre de sa popularité auprès des Suisses. Les stations de ski affichent en effet une diminution de leur vente de 5% par habitant, imputable en partie par l’augmentation de la population immigrée.

De nombreux résidents étrangers, venant de pays sans tradition de sports d’hiver, n’encouragent pas leurs enfants à la pratique du ski. «Les stations de ski devraient justement faire des efforts pour séduire ce public-là», conclut le professeur à l’Université de St-Gall.

swissinfo, Dale Bechtel à Zermatt
(Traduction et adaptation de l’anglais par Raphael Donzel)

– Il existe en Suisse quelque 650 exploitations de remontées mécaniques, réparties sur environ 230 stations de ski et employant 11’000 personnes.

– Nombre d’entre elles assurent la survie économique des villages de montagne dans les Alpes suisses.

– La saison de ski représente entre 70 à 80% du chiffre d’affaires de la plupart des stations de montagne.

– Le taux de croissance de l’emploi dans ces régions périphériques n’est que de 1,36% contre 1,86% pour la moyenne nationale.

– Les experts de l’industrie de ski prévoient la disparition de 10 à 20% des stations de ski actuelles pendant la prochaine décennie.

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