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Réfugiés: un statut conforme aux nouvelles réalités

Les réfugiés des Balkans n'ont profité que d'une "admission provisoire". Keystone Archive

Petite révolution, la Suisse va redéfinir la notion de réfugié.

Berne veut étendre ce statut aux victimes de persécutions dites non-étatiques.

L’actuelle loi suisse sur l’asile considère comme réfugiés les personnes exposées à de sérieux préjudices en raison de leur race, de leur religion ou de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leurs opinions politiques.

Calqué sur la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, ce texte ne fait aucune distinction entre les persécutions émanant d’une autorité étatique et celles que font subir des groupes «privés» – religieux et ethniques notamment.

Cependant, de tout temps, la Suisse a considéré que seules les personnes persécutées par des autorités étatiques avaient droit au statut de réfugié.

Asile de deuxième classe

Dans tous les cas de persécutions «privées» – quel que soit leur degré de gravité: (intimidations, viols, attentats) – la Suisse refuse le droit d’asile. Néanmoins, elle accorde, suivant le cas, l’ «admission provisoire». Ce fut, d’ailleurs, sa politique tout au long de la guerre des Balkans, pendant les conflits de Bosnie et du Kosovo.

Ce statut permet aux demandeurs d’asile de rester en Suisse tant que les menaces de persécutions subsistent dans leurs pays. Mais il est nettement moins favorable que celui de réfugié.

En effet, il implique une restriction de la liberté de mouvement et l’interdiction de faire venir la famille en Suisse. Il limite l’accès au marché du travail et nécessite un visa obligatoire pour tout voyage à l’étranger.

Or la Suisse est, aujourd’hui, l’un des rares pays du monde à continuer à appliquer cette pratique.

Des réalités nouvelles

C’est politiquement gênant. Au point que, l’an dernier, le directeur de l’Office fédéral des réfugiés, Jean-Daniel Gerber, a suggéré que Berne renonce officiellement à sa pratique à l’occasion du 50e anniversaire de la Convention des Nations-Unies sur les réfugiés, conclue – à Genève – le 28 juillet 1951.

Cela ne s’est pas fait. Car la proposition de Jean-Daniel Gerber a créé de l’agitation. Notamment à droite de l’échiquier politique, où certains craignent qu’un changement de pratique n’entraîne une augmentation massive du nombre des réfugiés.

A l’époque, le gouvernement avait d’ailleurs publié une mise au point, dans laquelle il précisait que rien ne serait décidé avant une analyse minutieuse de la question.

Le gouvernement est d’accord

Depuis, cette analyse a été faite. Et le gouvernement en a communiqué les résultats au Parlement le mois dernier dans un chapitre – passé inaperçu jusqu’ici – de son rapport sur une révision de la loi sur l’asile.

Pour la première fois, le gouvernement «préconise» un changement de pratique, qu’il juge politiquement souhaitable. Et qui n’entraînerait, selon lui, qu’un accroissement minime du nombre des personnes qui obtiendraient le statut de réfugié. (une cetaine environ).

Le gouvernement en profite pour répéter par ailleurs ce qu’il avait déjà dit l’an passé. A savoir que ce n’est pas à lui de décider mais à l’Office fédéral des réfugiés (ODR).

«Dans les mois à venir… »

Or l’ODR est aujourd’hui dans l’embarras. D’une part, il aimerait changer de pratique dans un délai rapproché – et à cet égard, le feu vert du Conseil fédéral devrait l’y encourager. Mais, dans le même temps, il est parfaitement conscient que sa décision suscitera des remous, à droite en particulier.

Il pourrait donc être tenté d’attendre. Par exemple, jusqu’à ce que le Parlement se soit saisi du projet de révision de la loi sur l’asile. Ce qui renverrait probablement toute la chose d’une année.

Quoi qu’il en soit, le vice-directeur de l’Office fédéral des réfugiés, Urs Hadorn confie à swissinfo que la décision sera prise «dans les mois à venir» sur la base d’un cas concret particulièrement exemplaire

swissinfo/Michel Walter

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