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Ralph Krueger, le maître d’oeuvre du miracle helvétique

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Ralph Krueger a fait de l'équipe suisse de hockey l'une des huit meilleures formations de la planète. Le prochain championnat du monde qui se déroule en Suisse offre au coach germano-canadien et à son équipe la chance d'accomplir un nouvel exploit.

Dans l’univers des entraîneurs, Ralph Krueger fait figure de légende. Le patron de l’équipe nationale suisse et ancien joueur professionnel se prépare à disputer son douzième championnat du monde!

Il y a néanmoins peu de chances pour qu’il batte le record détenu en la matière par son homologue russe Viktor Tikhonov, qui a dirigé d’une poigne de fer la «Sbornaja» pendant 18 ans.

«A mes yeux, il est bien plus important de décrocher un bon résultat aux Jeux Olympiques de Vancouver l’hiver prochain. Les JO priment par-dessus tout. Et avant ce rendez-vous, je ne prendrai aucune décision», déclare Ralph Krueger, interrogé par swissinfo. Et quel plus beau défi pour les hockeyeurs comme pour leur entraîneur que de briller dans un championnat du monde qui se déroule à la maison?

Comme en 1998?

Mais pour y parvenir, il faudrait néanmoins réussir une prestation exceptionnelle. Un exploit qu’avaient pourtant signé les protégés de Ralph Krueger lors du dernier championnat du monde de hockey organisé en Suisse et qui avait fait rêver les supporters. Rencontre après rencontre, le charismatique entraîneur avait poussé ses hommes aux confins de leurs limites, et permis à ce petit miracle helvétique du hockey – l’équipe venait d’émerger du groupe B – de se hisser au quatrième rang mondial.

Depuis, la formation n’a plus connu pareille envolée. Mais le mérite de l’entraîneur n’en est pas moins grand; il est parvenu à asseoir la Suisse au firmament des huit grandes puissances du hockey sur glace. Les joueurs de Ralph Krueger n’ont raté que trois fois la qualification pour les quarts de finale.

Des pages d’histoire du palet

Il n’est d’ailleurs pas rare que les Suisses parviennent à barrer la route des géants dans des grands événements, comme les championnats du monde ou les Jeux olympiques.

L’équipe doit beaucoup au talent de hockeyeurs comme les portiers David Aebischer et Martin Gerber, les défenseurs Goran Bezina, Severin Blindenbacher, Mathias Seger ou Mark Streit et sa puissance de tir ou encore les audacieux attaquants que sont Andres Ambühl, Paul di Pietro ou Sandy Jeannin.

La victoire contre la Russie lors des mondiaux de Saint-Pétersbourg et les succès engrangés aux Jeux olympiques de 2006, à Turin, contre le Canada et la Tchéquie, ont marqué l’histoire du hockey sur glace helvétique. Le dernier coup de génie, les joueurs de Ralph Krueger l’ont réussi face à la Suède (3-1) lors du dernier championnat du monde. C’était aussi la première victoire suisse contre l’équipe scandinave ces 15 dernières années.

La fin des progrès

Mais malgré les exploits répétés de David contre Goliath, les quarts de finale ont souvent rimé avec la fin du tournoi pour l’équipe rouge à croix blanche.

Ralph Krueger connaît les limites de ses hommes, qui empêchent ces derniers de se battre jusqu’au bout. Il faut dire que les meilleures équipes mondiales peuvent compter presque exclusivement sur des champions engagés en NHL. Et bien que la Suisse appartienne elle aussi au club des huit meilleures formations du monde, seule une poignée de ses joueurs évoluent pour l’heure en NHL.

Malgré cela, le coach des hockeyeurs suisses est parvenu à combler le manque d’expérience de l’équipe au plus haut niveau de la compétition, par des qualités techniques, une stratégie de jeu et est aussi parvenu à inculquer à ses joueurs un sens du combat et un esprit d’équipe devenu légendaire.

La discipline, le maître mot

Avec trois ou quatre joueurs de l’envergure de Mark Streit – le Bernois qui défend les couleurs des New York Islanders – l’équipe de Suisse serait mieux dotée pour affronter les prochain mondiaux.

Mais Ralph Krueger tient fermement à sa ligne de jeu et à privilégier l’esprit d’équipe, davantage que de miser sur des têtes d’affiches du championnat nord-américain. «Nous ne promettons rien pour ce qui est des prochains championnats du monde», tient-il à souligner. «Notre équipe a une certaine expérience et nous n’allons pas opérer de grands changements au sein de la formation dans la perspective des mondiaux et des JO».

L’entraîneur germano-canadien sait mieux que personne comment inculquer à ses joueurs et leurs supporters la conviction que tout est possible. Mais le coach de l’équipe nationale reste néanmoins lucide et sait aussi faire comprendre au public que les objectifs trop ambitieux sont inutiles.

Consolider, telle est la devise

Ralph Krueger ne veut pas comptabiliser les défaites et les victoires et préfère s’appuyer sur un chiffre probant: «En 1997, nous occupions le 18e rang mondial; aujourd’hui, nous sommes à la huitième place», rappelle-t-il.

Et pour les rencontres du championnat du monde qui se tiendront à Berne et à Zurich, le but est précisément de défendre cette huitième place dans le concert des grandes nations. Mais en coulisses, tout le monde sait que Ralph Krueger rêve secrètement d’une place sur le podium pour ses hommes. «Les chances de décrocher une médaille aux championnats du monde sont minces. Mais nous travaillons très dur pour y parvenir. En tant que canadien, je ne connais rien d’autre», dit-il sur un ton de défi.

Le patron de l’équipe suisse sait aussi compter sur le public, un peu comme un sixième homme sur la glace. «Les supporters sont de notre côté, l’ambiance à Berne va être formidable», se réjouit le coach. A noter que les rencontres se dérouleront dans la patinoire rénovée de Berne, d’une capacité de 12’000 places.

Nul n’est parfait

Mais malgré son brillant palmarès, Ralph Krueger ne fait pas pour autant l’unanimité dans le milieu du hockey suisse. Quelques unes de ses décisions ont même soulevé la controverse, comme celle de renvoyer chez eux les précieux Reto von Arx et Marcel Jenny, pour une prétendue beuverie durant les Jeux Olympiques de 2002.

L’entraîneur avait peut-être laissé libre cours à ses frustrations, parce que son équipe s’était mal défendue à Salt Lake City. Il n’empêche que depuis cet épisode, Reto von Arx a juré qu’il ne défendrait plus les couleurs de l’équipe nationale tant que Ralph Krueger en serait le patron.

D’autres critiques émanent également des clubs. Ainsi, des dirigeants, à Berne et à Davos notamment, lui reprochent de trop utiliser les joueurs et jugent que le salaire du Germano-Canadien – estimé à près de 700’000 francs par an – pèse trop lourd dans le budget.

Le début de la fin

«Si on venait à réduire les séances d’entraînement, ce serait une catastrophe pour notre travail et pour le hockey suisse. Nous avons impérativement besoin de chacun des jours à disposition pour l’équipe nationale», rétorque le principal intéressé à ses détracteurs.

Un bras de fer qui n’est pas gagné d’avance pour Ralph Krueger. Au début de mois de février, les clubs de la Ligue suisse de hockey ont repris les rênes du pouvoir. Et quand bien même le Germano-Canadien rêverait de battre le record de son homologue russe Viktor Tikhonov, il est peu vraisemblable qu’il y parvienne. Les championnats du monde de 2010 pourraient bien être ses derniers à la tête de l’équipe nationale suisse.

swissinfo, Renat Künzi (citations de Justin Häne)
(Traduction de l’allemand: Nicole della Pietra)

Joueur. Ralph Krueger a d’abord évolué dans la catégorie juniors en WHL nord-américaine (Western Hockey League), avant de partir pour l’Allemagne. Ralph Krueger a joué 350 rencontres en Allemagne et défendu les couleurs nationales lors de 45 matches.

Entraîneur. En 1989, il troque ses patins de joueurs contre ceux d’entraîneur. De 1994 à 1998, il dirige l’équipe de Feldkirch et remporte cinq fois d’affilée le championnat autrichien. 1998 marque aussi sa victoire en European Hockey League, contre les équipes russe, suédoise, finlandaise et tchèque. Il prend ensuite la tête de l’équipe nationale suisse.

Hors glace. Hormis ses talents d’entraîneur, Ralph Krueger est aussi auteur de livres et dans les milieux économiques on apprécie le coach pour ses qualités de spécialiste de la motivation.

Deux sites. Le Championnat du monde de hockey sur glace aura lieu du 24 avril au 10 mai 2009 à Berne et Zurich. La patinoire de Berne pourra accueillir 11’600 spectateurs par rencontre, le Schlüfweg de Kloten 6800.

Mode. Seize équipes participent au tournoi. La Suisse disputera ses trois premières rencontres, dans le groupe B, face à la Russie, à l’Allemagne et à la France. Les 3 meilleures équipes des 4 groupes disputeront ensuite un tour intermédiaire dans deux groupes de 6 équipes d’où sortiront les 8 quarts de finalistes. Dès les quarts de finale, chaque rencontre est éliminatoire.

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