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Scandale autour de «Pétrole contre nourriture»

Benon Sevan à Bagdad en 2000. Keystone Archive

La Commission d'enquête sur le programme «Pétrole contre nourriture» accuse des hauts fonctionnaires de l'ONU de corruption.

Membre suisse de la commission indépendante d’enquête, Mark Pieth a confié à swissinfo que des officiels avaient sollicité des pots-de-vin en échange de contrats et accepté des paiements illicites.

La Commission d’enquête sur le programme «Pétrole contre nourriture» de l’ONU a publié un troisième rapport d’étape lundi à New York. Elle accuse le chef du programme Benon Sevan et un autre haut fonctionnaire de l’ONU d’avoir touché des pots-de-vin.

Il s’agit de «cas de corruption clairs», a déclaré le professeur de droit bâlois Mark Pieth, l’un des trois membres de la commission. Face à la presse lundi à New York, il a expliqué qu’il disposait d’indices forts contre Benon Sevan lors de la vente de pétrole irakien à l’African Middle East Petroleum (AMEP).

150’000 dollars sur des comptes

Selon le rapport, 580’000 dollars (727’000 francs) pris sur les 1,5 million de dollars de revenus d’Amep ont été transférés sur un compte privé dans une banque genevoise, Union Bancaire Privée.

Ce compte était détenu par un intermédiaire égyptien du nom de Fred Nadler, et géré par une société genevoise de gestion de fortunes, Genevalor.

Selon le rapport, en 1998 ou 1999, Fred Nadler a indiqué à Genevalor qu’il recevait sur ce compte des commissions en rapport avec des opérations pétrolières.

De ce compte, Nadler a retiré du cash – habituellement en billets de 100 dollars – à de nombreuses reprises entre novembre 1998 et octobre 2001. Le rapport indique qu’un total de 432’983 dollars ont été retirés en diverses monnaies, et que 257’500 dollars de cette somme l’ont été aux dates où Benon Sevan et/ou Fred Nadler se trouvaient à Genève ou s’apprêtaient à regagner New York.

Selon le rapport, entre décembre 1998 et janvier 2002, Sevan et son épouse ont effectué des dépôts en cash pour presque 150’000 dollars sur leurs comptes à New York.

Selon le rapport, Nadler a dit à un représentant de Genevalor le 20 janvier 2005 qu’il n’avait pas donné d’argent à Sevan. Il a aussi indiqué que personne ne pourrait prouver des paiements à Sevan étant donné que tous ses retraits étaient opérés en cash – il n’y avait pas de trace papier.

Le rapport dit que des représentants de Genevalor «ont été alarmés par les déclarations de Nadler disant que personne ne pourrait prouver qu’il avait fait des paiements à Sevan» (lequel n’était pas connu des représentants de Genevalor jusque-là) et ont démissionné le jour suivant.

Tentative auprès de la SGS

La Commission d’enquête, dirigée par l’ex-président de la Banque centrale américaine, Paul Volcker, pointe également du doigt le Russe Alexander Yakovlev, haut fonctionnaire de l’ONU chargé des achats, qui a participé à l’attribution de contrats de l’ONU pour l’Irak.

Celui-ci a reconnu avoir tenté de corrompre la Société générale de surveillance (SGS). La société genevoise cherchait à obtenir un contrat d’inspection pétrolière, a déclaré Mark Pieth, précisant que la société genevoise avait résisté à ses avances.

Alexander Yakovlev est aussi responsable de l’attribution de contrats à la société genevoise Cotecna, qui fait elle aussi l’objet d’une enquête dans le cadre du scandale «Pétrole contre nourriture». Le propre fils de Kofi Annan, Kojo, travaillait pour la Cotecna.

Le rôle de Kofi Annan

Le précédent rapport d’étape de la Commission Volcker avait exonéré le secrétaire général de l’ONU de tout trafic d’influence, mais lui avait reproché de ne pas s’être suffisamment assuré qu’il n’existait pas de conflit d’intérêt dans les affaires de son fils.

Selon Mark Pieth, la Commission examine désormais des informations selon lesquelles Kofi Annan aurait été mieux informé de ces affaires que ce que l’on pensait jusqu’ici.

Cet aspect du dossier sera l’un des points forts de la première partie du rapport final de la Commission Volcker, qui sera publiée en septembre.

swissinfo et les agences

Professeur de droit pénal à l’Université de Bâle, Mark Pieth a été nommé en avril 2004 à la Commission d’experts indépendants chargée d’enquêter sur les détournements de fonds du programme « Pétrole contre Nourriture », l’un des plus grands scandales de l’histoire de l’ONU.
La Commission est présidée par Paul Volcker, ancien président de la Réserve fédérale américaine.
L’autre membre de la Commission est Richard Goldstone, l’ancien procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.

– En 1990, le Conseil de sécurité de l’ONU impose un embargo contre l’Irak, suite à l’invasion du Koweït.
– En vigueur entre 1996 et 2003, le programme «Pétrole contre nourriture» devait permettre à l’Irak de Saddam Hussein de vendre de l’or noire pour acquérir des biens de première nécessité pour la population.
– Mais les dignitaires du régime ont largement profité de ce programme d’une valeur de 64 milliards de dollars.

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