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Un islamiste sous haute surveillance

Récemment élu président du Bureau exécutif national du Font islamique du salut (FIS), Mourad Dhina réside depuis dix ans à Genève.

La Suisse tolère ses activités politiques. Mais, plus que jamais, elle est vigilante.

Mourad Dhina est depuis le 5 octobre le patron du Front islamique du salut (FIS). Il a été élu chef du bureau exécutif de ce parti d’opposition radicale, dissous en 1992 par les généraux. Une décision qui a donné le coup d’envoi à une longue guerre civile.

Cet ingénieur de formation succède ainsi à Abdelkader Hachani, un «politique» du FIS, assassiné dans son pays en 1999 dans des circonstances troubles.

Mourad Dhina avait déposé une demande d’asile politique en 1995. Cette dernière ayant été rejeté, il bénéficie aujourd’hui encore d’un droit de recours introduit en 1999 qui est toujours en suspens.

Mais, dans les faits, Mourad Dhina est simplement toléré sur le territoire helvétique. Et cela au même titre que d’autres sympathisants reconnus du FIS.

Protégé par le droit international

«Pour des raisons de droit international, la Suisse n’est pas autorisée à expulser des requérants d’asile reconnus comme membres dirigeants du FIS», explique Dominique Boillat, porte-parole de l’Office fédéral de réfugiés.

En clair, la communauté internationale reconnaît que, depuis la dissolution officielle du Front islamique du salut en 1992, les membres du parti sont victimes de persécutions commises par l’Etat algérien.

A ce titre, les dirigeants du FIS répondent directement au critères d’admission de l’asile.

Pour autant, la Suisse n’entend pas accorder le statut de réfugié à des personnes susceptibles de soutenir des actions violentes. Et, en la matière, le FIS n’est pas exempt de tous soupçons.

Sous haute surveillance

La Suisse se limite donc à accepter momentanément ce type de requérant d’asile, aussi particulier qu’encombrant, sur son territoire.

Toutefois, rappelle pour sa part, l’Office fédéral de la police (OFP), au même titre que d’autres membres du FIS, Mourad Dhina est surveillé.

«Mais, pour l’heure, précise Danièle Bersier, porte-parole de l’OFP son comportement a toujours été conforme à la législation suisse». De son côté, Mourad Dhina fait savoir à qui veut l’entendre qu’il respecte les lois de la Confédération.

Les armes de la Confédération

Et Danièle Bersier souligne que «le Conseil fédéral serait toutefois compétent pour interdire au nouveau leader du FIS d’exercer des activités politiques sur le territoire suisse.»

La Constitution fédérale permet par ailleurs aux autorités de renvoyer des «étrangers compromettant la sécurité externe ou interne du pays».

C’est du reste au nom de l’article 70 que la Confédération a expulsé Ahmed Zaoui vers le Burkina en 1998.

Car de lourds soupçons pesaient sur ce militant islamiste algérien, accusé notamment par la France et la Belgique d’activités terroristes.

Pour l’heure, Mourad Dhina n’a rien à craindre. Il n’a aucun acte criminel à se reprocher. Il n’a été à l’origine d’aucune incitation à la violence. Seul cas de figure qui autoriserait le Conseil Fédéral à prononcer son expulsion du territoire helvétique.

swissinfo/Vanda Janka

Mourad Dhina est né le 6 août 1961 à Blida.
À 22 ans, il obtient un diplôme de physique à l’Université de Bab Ezzouar (Alger).
Il décroche ensuite un PHD au MIT (Massachusetts Institute of Technology, 1983-1987), sous la direction du Prix Nobel de Physique, le professeur Samuel Ting.
De 1987 à 1989, il fréquente des laboratoires de recherche allemands et français.
Il s’installe en Suisse en tant que chercheur au CERN (organisation européenne pour la recherche nucléaire) et enseigne à l’Ecole Polytechnique fédérale de Zurich.
En 1992, il condamne l’arrêt du processus électoral en Algérie.
En 1994, il connaît ses premiers ennuis, lors d’une série d’arrestations menées en France à l’encontre d’islamistes liés au FIS.

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