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Une loi pour punir les trafiquants d’art

Le disque céleste de Nebra, saisi par la police suisse, en 2002, à Bâle. Keystone Archive

Entrée en vigueur le 1er juin, la Loi sur le transfert des biens culturels permet à la Suisse d’appliquer la Convention de l’UNESCO de 1970 sur le trafic d’art.

Longtemps, la Suisse a fait figure d’exception en matière de réglementation du commerce de l’art, devenant ainsi une plaque tournante pour le trafic.

«Les biens culturels ne sont pas des biens communs… Il y a une grande différence entre se faire voler son téléviseur ou se faire voler une œuvre d’art», souligne Andrea Raschèr, responsable de la section Droit et Affaires internationales à l’Office fédéral de la culture.

«En Suisse, le trafic illicite de biens culturels est devenu une question particulièrement sensible il y a quelques années lors du débat sur le détournement des biens juifs durant la Seconde Guerre mondiale».

La question au sens large a ensuite été débattue au niveau politique pour finalement aboutir à la création d’une loi qui permet désormais à la Suisse d’être en conformité avec la législation internationale.

Mouton noir

La nouvelle loi met un terme au commerce anonyme. Désormais, les marchands d’art et les maisons de vente aux enchères sont obligés de déclarer avec qui ils font des affaires.

Ces institutions doivent aussi tenir des comptes de leurs activités et être en mesure de fournir des informations détaillées concernant les marchandises échangées.

«Il est important que l’on puisse distinguer les moutons noirs des professionnels qui travaillent correctement», ajoute Andrea Raschèr.

Désormais, le propriétaire d’un bien culturel dérobé pourra également exiger sa restitution pendant trente ans, contre cinq ans seulement jusqu’ici. La nouvelle législation ne s’applique toutefois qu’aux œuvres d’art dont le prix d’achat est supérieur à 5’000 francs.

Une unité spéciale de l’Office fédéral de la culture est chargée de contrôler le marché de l’art et de veiller à l’application de la nouvelle loi.

Patrimoine culturel

La Loi sur le transfert des biens culturels joue un rôle essentiel dans la préservation du patrimoine culturel mondial. D’ailleurs, les valeurs archéologiques feront l’objet d’une attention toute particulière.

«C’est l’un des problèmes les plus importants et les plus difficiles, car il est impossible de contrôler tous les objets archéologiques et ethnologiques qui sont mis à jour, souligne Andrea Raschèr. Or ils représentent, plus que tout, l’identité d’une nation.»

Plaque tournante

La Suisse a ratifié la Convention de l’UNESCO en 2003. Le texte règle le transfert des biens culturels dans 94 pays et encourage la coopération internationale.

Selon l’Office fédéral de la culture, la Suisse fait partie des cinq plus grands marchés mondiaux dans le domaine de l’art avec des échanges atteignant 1,5 milliard de francs.

«Sur le plan international, le trafic d’art représente le troisième plus grand marché illégal, après la drogue et les armes», ajoute Andrea Raschèr.

Longtemps, la Suisse a fait figure d’exception en matière de réglementation du commerce de l’art en raison des lacunes que comportait sa législation. En revanche, elle a aussi obtenu quelques succès dans sa lutte contre le trafic de bien culturels dérobés.

Le disque de Nebra

En 2002, le disque céleste de Nebra avait créé la sensation lorsqu’il était apparu sur le marché international de l’antiquité, surgissant de nulle part. Le disque de 32 centimètres, d’or et de bronze, datant de 1600 avant J.-C., est l’une des plus anciennes représentations du cosmos.

Son vendeur assurait qu’il avait été découvert en 1999 par des chasseurs de trésor à Nebra, en Saxe-Anhalt, dans l’ancienne Allemagne de l’Est.

En fait, il avait été dérobé dans la confusion qui régnait lors de la réunification de l’Allemagne et circulait sur le marché noir depuis des années au prix de 10 millions de dollars.

Grâce à la police suisse, qui a saisi l’objet en 2002 à Bâle, le disque de Nebra est revenu à son propriétaire: l’Etat de Saxe-Anhalt, qui détenait le site archéologique où l’œuvre avait été découverte.

swissinfo, Thomas Stephens
(Traduction de l’anglais: Alexandra Richard)

1962: la Suisse ratifie la Convention de La Haye sur la protection des biens culturels en cas de guerre.
Octobre 2003: elle ratifie la Convention de l’UNESCO de 1970 contre le trafic illégal de bien culturels.
1er juin 2005: la nouvelle loi fédérale sur le transfert des biens culturels entre en vigueur. Un texte que le Parlement avait accepté en juin 2003.

– La Loi sur le transfert des biens culturels vise à empêcher le trafic illicite d’œuvres d’art.

– Elle met un terme au commerce anonyme. Désormais, les marchands d’art et les maisons de vente aux enchères doivent déclarer avec qui ils font des affaires.

– Le propriétaire d’un bien culturel dérobé peut exiger sa restitution pendant trente ans, contre cinq ans seulement jusqu’ici.

– La Suisse est l’un des cinq plus grands marchés mondiaux dans le domaine de l’art avec des échanges atteignant 1,5 milliard de francs.

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