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Visite du président sud-africain en Suisse

Le président Mbeki avec son homologue suisse Pascal Couchepin, lors du sommet élargi du G8 à Evian. Keystone

Thabo Mbeki est arrivé mardi pour sa première visite officielle en Suisse afin de renforcer des relations «déjà excellentes».

Officiellement, il n’est pas question d’évoquer les dossiers «gênants» sur la coopération entre Berne et le régime d’apartheid.

Le président d’Afrique du Sud Thabo Mbeki a rencontré son homologue Pascal Couchepin. Ainsi que le ministre de l’économie, Joseph Deiss, et la cheffe de la diplomatie, Micheline Calmy-Rey.

Une nouvelle déclaration de coopération a été signée au cours de cette visite tout comme a été évoquée la situation internationale, notamment le soutien que la Suisse peut apporter au Nepad, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

Depuis 1994, la Suisse a accordé 150 millions de francs pour soutenir la transition en Afrique du Sud, en finançant des projets axés sur la bonne gouvernance, l’éducation, les réformes agraires et la paix en Afrique australe.

Elle est aussi le premier pays à avoir contribué au fonds de réparation de la «Commission Vérité et Réconciliation», chargée de faire la lumière sur les violations de l’homme pendant l’apartheid.

Relations économiques fortes

Des entreprises privées suisses, actives en Afrique du Sud, ont créé, avec le gouvernement fédéral, un fonds spécial, doté de 2 millions de francs par an, pour soutenir des projets de création d’emploi.

A l’avenir, de nouveaux projets sont envisagés par le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco) pour renforcer le commerce régional en Afrique australe, encourager le secteur privé et financer des projets de déminage dans la région.

Les échanges économiques entre les deux pays ont atteint un milliard de francs en 2002.

L’Afrique du Sud est le premier partenaire commercial de la Suisse en Afrique, tandis que la Suisse est le 6e investisseur privé en Afrique du Sud (777 millions de francs).

Les firmes suisses y emploient environ 22 000 personnes. Cette forte présence remonte aux années d’apartheid: alors que les entreprises françaises et américaines ont désinvesti dans les années 80 pour protester contre l’apartheid, les sociétés suisses (et allemandes) n’ont jamais quitté le pays.

Douloureux passé de l’apartheid

Aujourd’hui les organisations de victimes du régime d’apartheid, soutenues par les Eglises, demandent réparation.

Elles ont intenté plusieurs actions en justice aux Etats-Unis contre des entreprises qui ont «collaboré» avec le gouvernement raciste de Pretoria.

La première plainte a été déposée le 20 mai 2002, par l’avocat américain Ed Fagan contre 34 grandes banques et entreprises internationales, dont trois groupes helvétiques (Novartis, Credit Suisse et UBS).

Mais le 15 avril, le président Thabo Mbeki a fermement condamné ces poursuites: «Il est complètement inacceptable que des questions centrales pour l’avenir de notre pays soient jugées à l’étranger».

Dès le lendemain, le ministère suisse des Finances a annoncé qu’il interdirait l’accès aux dossiers des entreprises suisses, conservés dans les archives nationales.

Une décision critiquée par Georg Kreis, président du Programme national de recherche sur l’Afrique du Sud (PNR 42+), qui doit remettre un rapport, d’ici à l’année prochaine, sur les liens entre la Suisse et le régime d’apartheid. Or, le refus des sociétés suisses d’ouvrir leurs archives freine considérablement les recherches.

Rôle trouble des services secrets suisses

Officiellement, la question des réparations ne sera pas évoquée pendant la visite de Thabo Mbeki en Suisse, pas plus d’ailleurs que la collaboration entre les services secrets suisses et sud-africains entre 1977 et 1994.

L’ancien chef des services secrets suisses Peter Regli, en particulier, a eu des échanges fréquents avec ses homologues sud-africains, notamment le colonel Wouter Basson.

Celui-ci, maître d’œuvre du programme d’armes chimiques et biologiques, a été acquitté, l’année dernière, après un long procès en Afrique du Sud.

Cette collaboration semble s’être surtout limitée à un échange d’informations, d’après le rapport remis en décembre 2002 par l’universitaire suisse Rainer Schweizer, à la demande du Département fédéral de la défense.

Mais le professeur Schweizer a déploré la destruction d’une partie des archives de l’armée suisse.

On ne connaîtra sans doute jamais toute la vérité sur l’étendue des relations entre la Suisse et le régime d’apartheid. Mais, la visite du président Mbeki le prouve, le gouvernement de l’ANC ne tient pas rigueur à la Suisse de son passé.

swissinfo, Valérie Hirsch, Johannesburg

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