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La réforme des retraites sous les tirs croisés des partis

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Avec la réforme Prévoyance vieillesse 2020, le gouvernement et la majorité du parlement veulent garantir le financement futur des rentes de retraite, menacées par le vieillissement de la poppulation. Keystone

Trop injuste et trop coûteuse, selon les partis de droite. Trop injuste et antisociale pour certaines franges de la gauche. Alors que les opposants sont passés à l’attaque pour dénoncer les points faibles de la Prévoyance vieillesse 2020, en votation le 24 septembre, ses défenseurs sont appelés à expliquer les avantages de la réforme du système suisse de prévoyance la plus complexe à ce jour.

La Prévoyance vieillesse 2020Lien externe «trahit les jeunes et punit les retraités»: c’est avec cet argument que l’Alliance des générations contre la pseudo-réforme de l’AVSLien externe, formée surtout de représentants du Parti libéral radical (PLR) et de l’Union démocratique du centre (UDC), a lancé à mi-août sa campagne contre l’ambitieux projet de réforme du système de prévoyance pour la vieillesse.

Les deux partis de centre-droite et de droite, qui en règle générale défendent les intérêts des milieux économiques, dénoncent cette fois le manque d’«équité» de la réforme, soutenue par le gouvernement et approuvé en mars à une courte majorité par le centre et la gauche du parlement. Au centre des critiques figure le supplément de 70 francs par mois sur les rentes de l’Assurance-vieillesse et survivants (AVS)Lien externe, prévu à partir de 2019 seulement pour les nouveaux retraités.

Pour Christian Lüscher, député du PLR, ce projet «crée une AVS à deux vitesses, puisque les retraités de demain ne seront plus traités de la même manière que les retraités d’aujourd’hui. Les principes fondamentaux de l’AVS sont attaqués, notamment l’équité entre les retraités, qui ne sera plus respectée». Les retraités actuels devront en revanche assumer la hausse de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui touchera de nombreuses personnes âgées bénéficiant seulement d’un revenu modeste.

Selon les opposants, les jeunes aussi feront les frais de la Prévoyance vieillesse 2020. En effet, ils devront supporter également une augmentation des contributions à l’AVS et à la prévoyance professionnelleLien externe, qui entraînera une diminution de leur salaire. Et cela sans avoir la certitude de percevoir un jour les rentes de vieillesse. De cette manière, affirme Christian Lüscher, le «contrat intergénérationnel» est rompu, et «on trahit les jeunes».

L’avenir de l’AVS garanti

Ce sont là des scénarios purement catastrophiques, estiment les défenseurs de la réforme, qui se sont lancés dans la campagne avec trois comités, le premier représentant les partis du centre, le deuxième la gauche et le troisième les syndicats. «Les opposants à la réforme tentent de dresser les jeunes contre les personnes âgées. En réalité, ce sont justement les jeunes qui ont intérêt à ce que cette réforme soit approuvée, puisqu’elle permet de garantir l’avenir du système de prévoyance et de stabiliser les rentes à un bon niveau. Sans un consolidement de l’AVS et de la prévoyance professionnelle, les jeunes risquent de devoir recourir un jour à de coûteuses assurances privées», déclare Christian Levrat, député et président du Parti socialiste.

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Sans cette réforme, à partir de 2030, l’AVS ne sera plus en mesure de verser les rentes pour les retraités et les survivants, relève l’alliance de ses défenseurs. Les mesures prévues, à commencer par l’augmentation de la TVA, permettront d’accroître de 2,5 milliards de francs par an les rentrées de l’assurance étatique qui, ces prochaines décennies, devra affronter les départs à la retraite de la génération du baby-boom. La hausse de 0,3% de la TVA devrait avoir un impact financier soutenable pour tous, puisqu’elle correspond à 3 centimes sur chaque achat de 100 francs.

La baisse du taux de conversion (de 6,8 à 6%) du capital accumulé dans le cadre de la prévoyance professionnelle profitera aux assurés et surtout aux jeunes. Actuellement, ce taux étant trop élevé, les assurés se retrouvent contraints à financer une partie des rentes des retraités. Sa future réduction doit être compensée par différentes mesures afin de garantir le niveau des rentes.

Une pseudo-réforme trop chère

Pour les opposants, cette «pseudo-réforme» est en outre trop coûteuse et servira à assurer les bases du système de prévoyance pour quelques années seulement. «Dans 5 ans déjà, la prochaine réforme devra être à l’ordre du jour. Pour combler le trou financier généré par cette pseudo-réforme, il faudrait compter sur d’énormes augmentations de cotisations ou une augmentation inévitable de l’âge de la retraite, alors que les entreprises, agriculteurs et consommateurs doivent déjà mettre la main au portemonnaie pour financer l’augmentation de l’AVS», affirme le député de l’UDC Jean-Pierre Grin.

Des critiques rejetées par le président du Parti démocrate-chrétien (PDC), Gerhard Pfister. «Cette réforme permet de garantir le financement de la prévoyance vieillesse au moins pour une dizaine d’années. Et cela constitue déjà un grand progrès si l’on considère qu’une réforme est nécessaire depuis 20 ans déjà, et que jusqu’à maintenant, nous n’avions jamais réussi à trouver une solution soutenue par la majorité. Dans le cas d’un rejet, le besoin d’une réforme sera encore plus urgent, et n’importe quelle autre solution encore plus coûteuse. Une réforme conçue pour les prochaines 30 années n’a aucune chance d’être approuvée dans les urnes».

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La gauche divisée

Prévoyance vieillesse 2020 est également combattue par certaines franges de la gauche et par de petits syndicats, surtout de Suisse romande, qui ont recueilli les 50’000 signatures nécessaires au référendum. Alessandro Pelizzari, vice-président de la Communauté genevoise d’action syndicale, en explique les raisons: «Depuis qu’ils existent, les syndicats se battent pour réduire le temps de travail. Il est donc exclu pour un syndicat de soutenir l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes, qui sont déjà discriminées dans le monde du travail et peinent à trouver une activité professionnelle après 60 ans».

Les défenseurs de la réforme soulignent que diverses mesures sont prévues pour atténuer la hausse à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes, parmi lesquelles justement le supplément de 70 francs sur les rentes AVS et l’extension du salaire assuré dans le cadre de la prévoyance professionnelle. Une solution qui ne convainc toutefois pas les promoteurs du référendum: «Au lieu de refinancer l’AVS avec la hausse de la retraite des femmes et la TVA, il y a plusieurs autres possibilités, parmi lesquelles une taxation des transactions financières, des revenus des capitaux ou encore des robots, qui détruisent les emplois. Le système de la retraite a été conçu en fin de compte comme un système de redistribution des revenus et des richesses», souligne Alessandro Pelizzari.

Une position certes compréhensible pour Christian Levrat, mais irréalisable aujourd’hui sur le plan politique. «Avec cette réforme, nous avons dû faire un compromis, à mi-chemin entre les deux parties opposées. Des positions maximalistes, comme le maintien du statu quo ou une hausse massive de l’AVS, ne sont malheureusement pas réalistes».

Les points principaux de Prévoyance 2020

L’âge de la retraite (appelé à l’avenir «âge de référence») des femmes est adapté sur celui des hommes et passe donc de 64 à 65 ans, tant pour l’AVS que pour la prévoyance professionnelle. Il est prévu une augmentation graduelle de trois mois par an à partir de 2018. Grâce à cette mesure, l’AVS devrait disposer de quelque 1,3 milliard de francs en plus par an.

Chaque assuré pourra choisir librement le moment de sa retraite entre 62 et 70 ans (aujourd’hui entre 63 et 70 ans), l’âge de référence étant fixé à 65 ans tant pour les hommes que pour les femmes. Celui qui partira avant cet âge de référence subira une diminution de ses rentes, tandis que celui qui partira plus tard touchera une rente plus importante.

Le taux de conversion minimal des avoirs accumulés dans la prévoyance professionnelle obligatoire descend de 6,8 à 6%, avec des baisses de 0,2 point par an sur quatre ans. En d’autres termes, celui qui a accumulé 100’000 francs recevra une rente annuelle de 6000 francs au lieu de 6800 actuellement. Cette réduction touche seulement les assurés qui n’auront pas encore atteint 45 ans le 1er janvier 2019. Des mesures compensatoires sont toutefois prévues pour maintenir le niveau de leurs rentes.

Toujours en ce qui concerne la prévoyance professionnelle, les primes des assurés entre 35 et 54 ans augmentent de 1%. Les primes pour l’AVS augmentent en revanche pour tout le monde de 0,15%.

Pour compenser ces mesures défavorables, à commence par l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes, les nouveaux bénéficiaires de l’AVS recevront 70 francs de plus par mois dès 2019. Actuellement, la rente mensuelle minimale est de 1175 francs et la maximale de 2350.

Les contribution de la Confédération en faveur de l’AVS sont légèrement augmentées. Les caisses de l’assurance seront alimentées dès 2018 avec les 0,3% d’augmentation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), augmentation actuellement consacrée au financement de l’Assurance invalidité. Par ailleurs, une nouvelle augmentation de 0,3% interviendra en 2021. 

Vous pouvez contacter l’auteur de cet article sur Twitter: @ArmandoMombelliLien externe

Traduit de l’italien par Barbara Knopf

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