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Zurich: fautes graves à l’Hôpital universitaire

L'Hôpital universitaire de Zurich. Keystone

La Clinique dermatologique de Zurich se fait taper sur les doigts par l’Office fédéral de la santé publique.

Elle ne pourra reprendre une recherche contestée sur un vaccin contre le mélanome qu’à certaines conditions strictes.

Entre 1996 et février 2003, la Clinique dermatologique de l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ) a mené des essais cliniques visant à développer un traitement et un vaccin contre le mélanome malin, un cancer de la peau qui peut être mortel.

Des promesses annoncées, il reste aujourd’hui trois rapports d’enquêtes, internes et externes, concluant tous à une longue liste d’erreurs et de manquements.

L’étude pilote a démarré en 1996, puis s’est développée et a laissé la place, en 2000, à une autre étude s’inscrivant dans une recherche internationale dirigée en Allemagne.

Critiques internes

Plus de cent patients ont participé à la première phase et 238 sont comptabilisés dans la seconde, toutes cliniques confondues.

Mais Zurich a tout stoppé en février dernier, suite à des critiques internes. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est intervenu au titre d’autorité de contrôle des transplants, les chercheurs recourant à des cellules vivantes transplantées.

L’USZ reconnaît aujourd’hui les faits, dont certains sont qualifiés de graves: protocoles lacunaires, intégration dans la recherche de patients qui n’auraient pas dû l’être, absence d’accord écrit pour certains d’entre eux, préparation lacunaire de substances, etc.

Aucun danger pour les patients

«Nous ne nous attendions pas à ce que la clinique dermatologique de Zurich fasse ce genre d’erreurs», explique Theodor Weber, directeur de la section Transplantation et recherche sur l’être humain de l’OFSP, qui a conduit l’inspection.

«Mais il est important de souligner que les patients ont été bien traités et qu’à aucun moment ils n’ont été mis en danger», précise-t-il.

Cet élément est «primordial pour nous», selon les mots du professeur Alexander Borbély, responsable de la recherche de l’Université de Zurich.

La directrice de l’USZ Christiane Roth a de son côté souligné que de nombreux patients avaient écrit pour manifester leur soutien au chercheur. «En outre, aucun n’a réclamé un remboursement de ses frais», a-t-elle précisé.

Participation financière.

Car les patients devaient payer, un autre point critiqué, non par Berne mais par la Commission cantonale d’éthique.

Les besoins des patients et de leurs proches figurent d’ailleurs en première place dans la liste des causes possibles des erreurs commises, avant le manque de ressources financières et les problèmes d’organisation.

«Nous subissons bien sûr les pressions de ces personnes, souvent prêtes à tout pour guérir», a déclaré Alexander Borbély.

Questions éthiques

Le recteur de l’Université Hans Weder est allé encore plus loin: «L’éthique ne se résume pas à un seul aspect. Qu’est-ce qui est éthiquement correct, faire payer des patients pour un éventuel traitement ou renoncer à toute recherche faute de financement?»

Les responsables ajoutent encore, à leur décharge, que tout projet innovatif contient un risque d’erreurs et que de nombreux règlements régissant les recherches cliniques n’étaient pas en vigueur en 1995, au moment du lancement de l’étude pilote.

«Peut-être d’autres cas»

Alexander Borbély imagine même «vraisemblable que des cas similaires existent ailleurs en Suisse.» Une supposition que rejette Theodor Weber:

«Il serait injuste de prétendre que, parce que les lignes directrices sont entrées en vigueur en 2001 dans la révision de l’ordonnance sur le contrôle des transplants, d’autres cliniques ont commis des fautes similaires.»

«Avant cela, précise le directeur, de nombreux cantons appliquaient déjà les règles GCP (Good Clinical Practice) devenues obligatoires dans toute la Suisse en 2001.»

Conditions strictes

Dans son ordonnance, l’OFSP autorise une reprise de l’étude à condition, notamment, que la Clinique suive désormais les fameuses règles GCP («Bonnes pratiques des essais cliniques» reconnues sur le plan international).

Seuls les patients déjà inscrits dans la précédente étude pourront être suivis. Les chercheurs doivent en outre définir des critères de succès et les soumettre à la Commission d’éthique, qui doit approuver toute la procédure.

Pour Hans Weder et Alexander Borbély, ces conditions sont très «restrictives». «Il faut se demander, et la discussion a lieu dans d’autres pays également, si ce genre de directives ne vont pas empêcher la recherche.»

Là encore, Theodor Weber dément: «Il est strictement faux de dire que ces directives rendent la recherche clinique plus difficile qu’à l’etranger. La Suisse suit les mêmes règles que les autres pays et ses chercheurs ne sont pas désavantagés.»

En attendant, l’USZ a décidé de ne prendre aucune sanction. «Il faut regarder vers l’avenir», ont répété les responsables.

Quant à savoir si la réputation des chercheurs est remise en question, Theodor Weber est confiant: «Je ne pense pas que la réputation de la recherche en Suisse, en général, puisse être touchée par ce seul cas.»

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

La Clinique dermatologique de Zurich a mené plusieurs recherches cliniques entre 1996 et février 2003, avec pour objectif le développement d’un traitement et d’un vaccin contre le mélanome malin.
L’étude pilote a démarré en 1996, puis s’est développée et a laissé la place, en 2000, à une autre étude s’inscrivant dans une recherche internationale dirigée en Allemagne.
Plus de 100 patients ont participé à la première phase et 238 sont comptabilisés dans la seconde, toutes cliniques confondues.
En février, tout a été stoppé suite à des critiques internes.
Plusieurs enquêtes ont conclu à des manques méthodologiques parfois graves.
Le mélanome malin touche environ 1500 personnes chaque année en Suisse, dont 20% en meurent.

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