La beauté de l’Afrique au coeur du Village
Après la Coupe du Monde qui a braqué les feux sur l’Afrique du Sud, sa présence au Village du Monde du Paléo semble aller de soi. Rencontre avec Pascal Holliger, qui s’occupe là-bas de sport, d’éducation et d’échanges culturels, et qui parle avec passion de sa chère deuxième patrie.
Cette année, la place du Village est occupée par trois «colliers», sortes d’immenses huttes à ciel ouvert où une palissade en branchages abrite marchés africains, stands d’information et d’animation pour les grands et les petits (on peut s’y faire peindre le visage, pour de vrai), et même un authentique chaman.
Un de ces trois havres d’ombre dans la fournaise de l’après-midi affiche les couleurs d’Imbewu, l’ONG que Pascal Holliger a co-fondé en 2001. Cette année, elle est partenaire social du Village du Monde.
swissinfo.ch: Partenaire social du Village du Monde, ça veut dire quoi au juste ?
Pascal Holliger: Il y a presque deux ans, on avait approché Paléo en leur disant que 2010 serait une année spéciale pour l’Afrique du Sud et que ce serait une bonne idée pour le Village. Et ils ont mordu à l’hameçon. Il faut dire que Daniel Rosselat, patron du Paléo, est un fan d’Afrique du Sud. Il y va régulièrement et il connaît très bien le pays et toutes ces facettes.
Partenaire social, ça veut d’abord dire qu’on est au centre du Village du Monde. On a collaboré de manière assez étroite avec Paléo sur le concept et sur le message que nous voulons faire passer au sujet de l’Afrique australe.
Ça nous donne une plateforme de visibilité très importante, avec tout ce public, tous ces médias et les efforts que Paléo a fait dans la communication de nos activités. Et c’est aussi une reconnaissance de la qualité de notre travail.
Après, c’est à nous, avec les activités que l’on organise dans notre «collier», de permettre aux gens de participer et d’apprendre à connaître l’Afrique du Sud. Car ce n’est qu’en suscitant l’intérêt des gens, d’une manière positive, qu’on va pouvoir faire avancer les choses.
swissinfo.ch: On voit vos yeux s’allumer quand vous parlez de l’Afrique du Sud, ce pays qui est le vôtre depuis maintenant 18 ans. Pour son avenir, vous êtes plutôt optimiste ou pessimiste?
P. H.: Là-bas, tout peut changer du tout au tout très rapidement. On a vu le Zimbabwe: il y a encore 15 ans, c’était le joyau et le grenier à céréales de l’Afrique australe. Et aujourd’hui, 80% de la population est à l’assistance alimentaire. Et tout ça en gros à cause d’un seul homme, même si c’est un peu simplifier de le dire comme ça.
Alors, comment va évoluer l’Afrique du Sud, qui a une histoire finalement très similaire à celle du Zimbabwe? On ne sait pas. Il y a eu une génération de leaders, notamment sous Mandela, qui a été absolument extraordinaire, qui s’est battue pour un idéal, quasiment toute une vie. Certains en sont même morts. Et on a l’impression qu’ils n’ont rien fait de négatif, qu’ils n’ont pas été salis par des scandales…
Alors malheureusement, avec les défis du 21e siècle, les chaussures qu’ont laissé ces pionniers paraissent bien grandes pour les dirigeants actuels…
Je pense que pour l’instant, le verre est à moitié plein, si l’on considère l’ampleur des changements qui ont eu lieu en Afrique du Sud. Est-ce que dans cinq ou dix ans, on le verra plutôt à moitié vide, et en train de se vider de plus en plus? Je ne sais pas.
Mais je crois vraiment que ce pays a un potentiel énorme. Il a une infrastructure beaucoup plus développée que n’importe quel pays d’Afrique et des compétences beaucoup plus importantes. Il y a donc vraiment le potentiel pour réussir et pour tirer les autres pays du continent dans la bonne direction. Reste à espérer que le nivellement se fera par le haut et pas par le bas.
swissinfo.ch: Dans votre quotidien, vous côtoyez la jeunesse, soit ceux qui feront le pays de demain. Leur attitude renforce-t-elle plutôt votre optimisme ou votre pessimisme?
P. H.: Comme dans tous les pays du sud, la jeunesse forme l’immense majorité de la population. Et malheureusement, c’est probablement la partie de la population qui souffre le plus, encore aujourd’hui, parce que c’est celle qui n’arrive pas à trouver d’emploi.
Du temps de l’apartheid, le gouvernement a tout mis en œuvre pour que les populations de couleur ne soient pas trop qualifiées. Il y avait des niveaux d’éducation et des emplois auxquels elles n’avaient pas accès. Et aujourd’hui, ce sont ces personnes-là qui doivent conduire le pays vers les sommets.
Alors, c’est vrai, l’Afrique du Sud souffre d’un gros gros déficit au niveau de son système d’éducation. Est-ce que la jeunesse arrivera à compenser son manque d’éducation formelle? Je ne sais pas. Par contre, il y a dans cette jeunesse un esprit, une énergie extraordinaires.
Et puis, vous savez, il n’y a pas une seule jeunesse sud-africaine. C’est très hétéroclite. Il y a la majorité des noirs, qui n’ont hélas pas eu accès à une éducation de qualité. Il y a ceux qui ont pu aller dans les écoles autrefois réservées aux blancs et qui sont occidentalisés au point de se trouver presque en perte d’identité par rapport à leurs familles. Il y a la jeunesse blanche, qui a les opportunités éducatives, mais qui souvent ne trouve pas d’emploi à cause de la discrimination positive…
Bref, là encore, le pays est complexe.
swissinfo.ch: Un mot sur la Coupe du Monde. Au-delà d’un mois de louanges internationales sur l’excellence de l’organisation, quelles retombées à long terme selon vous?
P. H.: Il y avait eu énormément de sceptiques avant, mais je crois que tout le monde a un peu rangé sa langue dans sa poche après cette Coupe du Monde. Parce qu’elle s’est déroulée quasiment de manière parfaite.
La Coupe du Monde a permis d’oublier l’espace d’un mois tous les problèmes du pays, d’oublier la nature très souvent négative d’un discours politique qui ne vole pas très haut. Elle a aussi permis de fédérer les gens autour d’un projet commun, et rien que pour ça, ce mois-là a été très spécial en Afrique du Sud.
Mais en effet, ce n’est qu’un mois. Et sitôt les feux de la rampe éteints, les choses ont déjà recommencé à tomber dans la routine. Alors, le débat actuel, c’est comment utiliser cet extraordinaire engouement et ce succès de la Coupe du Monde pour affronter les défis autrement plus importants auxquels le pays fait face actuellement, et devra faire face à l’avenir.
Marc-André Miserez, swissinfo.ch au Paléo
Le mot veut dire «graine» en xhosa, une des plus parlées parmi les onze langues nationales sud-africaines. Cette organisation d’origine suisse soutient aujourd’hui plus de 2600 enfants des townships de la Nelson Mandela Bay, à Port Elizabeth (plus de 2200 repas y sont distribués chaque jour), à travers des partenariats avec trois ONG sud-africaines. Son budget atteint quelque 300’000 francs par année.
Son «core business», c’est le développement psycho-social des jeunes, notamment via le sport, surtout le football. A Paléo, Imbewu se fait fort de démontrer via un jeu comment un ballon de foot peut devenir un instrument de prévention contre le Sida, fléau des fléaux en Afrique du Sud.
La devise d’Imbewu: «mieux vaut former un enfant que réparer un adulte».
Crosby, Stills & Nash, Johnny Clegg, Hugues Aufray, Archive, Gaëtan Roussel, Vitalic V Mirror live, Milow, Fanfarlo, Beast, Revolver, Madjo, Okou, Hemlock Smith, The Awkwards.
Et au Village du Monde (Afrique australe): Hugh Masekela, Frédéric Galliano and The African Divas, Dizu Plaatjies.
1500 billets en vente.
Le festival est «sold out» depuis longtemps et aucun billet n’est vendu légalement sur place. Toutefois, pour essayer de casser le marché noir, Paléo met en vente chaque matin dès 9 heures 1500 billets pour le soir même. A saisir sur son site web ou dans les points de vente ticketcorner.
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