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Mike Horn, un livre «pour partager»

La rencontre de plusieurs mondes: un Sud-Africain de Suisse se cogne à l’ex-URSS. Sebastian Devenish

Moins de cinq mois après l’achèvement d’«Arktos», Mike Horn publie «Conquérant de l’impossible», le récit de son expédition.

Une façon dire aux autres ce qu’il a vécu seul… avant de bondir dans d’autres aventures.

Cet été, Mike Horn traversera le Groenland avec sa femme et ses deux filles. Ensuite, en décembre, il tentera une première: rallier le Pôle Nord depuis la côte russe, durant la nuit polaire. Cela en compagnie du Norvégien Borge Ousland.

Puis il rêve, dès 2006, de relier les deux pôles, en passant par les 5 autres continents. A la recherche des «sept merveilles naturelles» de notre planète, et surtout, à la rencontre des peuples oubliés, qu’ils soient esquimaux ou bushmen.

Bref, pour ceux qui en auraient douté, «Arktos», son tour de l’Arctique, bouclé en octobre dernier au Cap Nord, ne représentait pas un point final dans sa carrière d’aventurier. Mais c’est bel et bien sur ce défi réussi que nous fait revenir «Conquérant de l’impossible», qui vient de paraître aux Editions XO.

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Mike Horn, homme de terrain, d’action… Que peut bien représenter pour lui l’objet livre? Une finalité, sans doute pas. Une étape peut-être? «Ce n’est pas vraiment une étape. Mais comme j’ai voyagé en solitaire, c’est plutôt une façon de partager ce que j’ai fait avec les gens», répond-il.

Un besoin auquel s’ajoute l’envie de communiquer un propos: «C’est une façon de dire que, malgré la pollution, malgré le réchauffement de la planète, il y a encore des jolis coins sur Terre, des coins qui ne vont bientôt plus exister si on continue de faire ce qu’on fait. Je ne suis pas aussi extrémiste que Greenpeace, mais je dis… fais gaffe!»

Et l’aventurier d’ajouter: «S’il y a 100’000 personnes qui lisent mon bouquin, qui vont peut-être parler avec 100’000 autres, j’aurai touché 200’000 personnes. Je sais que ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà ça».

L’extrême et le trivial

Arktos… Plus de 20’000 kilomètres parcourus dans des conditions parfois insoutenables. Deux ans et quatre mois passés dans la neige, la glace, les marais, l’eau, à gravir, marcher, pousser, tirer, ramer… Avec l’obscurité de deux hivers arctiques pour couronner le tout.

Des périodes d’avancée, où la joie domine. D’autres où la mécanique de l’aventure se grippe, pour des raisons météorologiques ou parfois, bêtement administratives. Les frontières, même dans la glace, restent les frontières!

«Conquérant de l’impossible» raconte tout cela pas à pas. Si l’on est saisi par les moments extrêmes – l’incendie de la tente, les plongeons impromptus, les rencontres avec les ours – c’est aussi, peut-être surtout, le récit du quotidien qui captive.

Comment survit-on dans cet enfer blanc? Avec combien de paires de chaussettes? Et comment fait-on pipi ou caca par – 50°C? Dans un autre registre, comment parvient-on à l’emporter sur les pratiques mafieuses d’une administration anciennement soviétique totalement sclérosée?

A l’arrivée, ce qui domine c’est la volonté hors du commun de Mike Horn. Le fait que lorsqu’il a décidé quelque chose, rien, sinon la mort, ne pourra l’arrêter.

Quand les mots manquent



Son livre, Mike Horn l’a écrit à partir des notes qu’il prenait chaque jour ou presque, des notes qu’il a eu le temps de développer lors de ses longues pauses involontaires, notamment en Alaska ou en Russie.

Puis l’ensemble a été remis en forme par Jean-Philippe Chatrier, qui avait déjà co-signé «Latitude Zéro», et qui a rejoint l’aventurier sur place à plusieurs reprises.

Pas trop difficile de laisser écrire par un autre des souvenirs aussi intenses? «C’est très difficile. Tout simplement parce qu’il y a des moments où les mots ne peuvent pas vraiment raconter ce que tu as vécu à l’intérieur de toi.»

Mourir ou vivre

Alors qu’il progresse dans les glaces, Mike Horn – il le dit dans son livre – pense souvent à ses prédécesseurs… Greely, Nansen, Amundsen. Les récits de leurs expéditions l’habitent depuis longtemps.

«Certainement, oui. Je voulais savoir pourquoi on mourait dans ces expéditions… Dans chaque bouquin il y avait une catastrophe! Je voulais savoir quel élément de la nature peut nous forcer à oublier tout ce que l’humain ne doit pas faire. Car rester vivant est notre plus grande envie. En ajoutant la nuit polaire au froid, je me suis dit que j’allais trouver des réponses à mes lectures d’enfant», répond-il.

Justement, à la lecture de «Conquérant de l’impossible», on est frappé par un paradoxe. D’un côté, Mike Horn insiste beaucoup sur le fait que sa priorité est de rester en vie, qu’il n’est pas une tête brûlée. Et de l’autre, on ne compte pas les «imprudences» qu’il commet, et qu’il reconnaît comme telles.

«Le problème, c’est que plus longtemps tu restes dans l’Arctique, moins tu as de chances de rester vivant. Des fois tu n’as pas le temps de prendre une décision, tu es forcé par les circonstances de faire quelque chose que tu n’as pas envie de faire. C’est la météo qui dirige. Et moi, si j’ai fait des erreurs, c’est tout simplement parce que j’étais un apprenti, là-dedans», dit-il, pragmatique.

La dimension philosophique de sa démarche ne vient que dans un deuxième temps: «Et puis, j’ai beaucoup de respect pour la mort, mais je n’ai pas peur de mourir. J’ai beaucoup plus peur d’être un vivant mort. C’est-à-dire d’être en vie, mais de ne rien foutre de ma vie. C’est un autre aspect.»

En effet. Et peut-être le plus important. Celui qui apporte un véritable éclairage sur ce qui, fondamentalement, fait marcher Mike Horn.

swissinfo, Bernard Léchot

«Mike Horn, conquérant de l’impossible» est publié chez XO Editions, Paris.
400 pages, deux cahiers de photos.
L’ouvrage est signé Mike Horn et Jean-Philippe Chatrier, comme «Latitude Zéro», paru en 2001 chez le même éditeur.
Par ailleurs, un DVD devrait paraître d’ici l’été.

– Mike Horn est né à Johannesburg en 1966. Il est diplômé en sciences humaines à l’Université de Stellenbosch.

– Il quitte l’Afrique du Sud en 1990 pour voyager en Europe. Débarqué à Zurich, il s’installe à Château d’Oex, dans le Pays-d’Enhaut (Alpes vaudoises).

– C’est là qu’il vit avec ses deux filles, Annika et Jessica, et sa femme, Cathy, qui participe à l’organisation (logistique, nourriture, communication) de ses expéditions.

– L’expédition «Arktos», soit le tour de la Terre par le Cercle polaire, a eu lieu entre août 2002 et octobre 2004. Moyens de locomotion: voilier monocoque, trimaran, kayak, raquettes, skis et kite.

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