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Chamade à la rencontre improbable de greffés russes

La neuchâteloise Muriel Ceppi (à gauche), greffée du rein, aux côtés d'une patiente de la doctoresse néphrologue Anna Vlasenko dans l'hôpital de Murmansk. Marcel Decrey

C'est au centre d'hémodialyse de l'hôpital de Murmansk, dans le Grand Nord Russe que s'est déroulée la première rencontre entre des greffés embarqués sur le voilier suisse Chamade et des malades russes. Mais surprise, côté russe les greffés n'étaient pas au rendez-vous.

« C’est formidable, je n’ai jamais vu un centre de dialyse aussi moderne ! Vous avez vu, il y a même des écrans de télévision pour se divertir durant les 4 heures que dure le traitement ! Je n’ai jamais vu ça en Suisse, ni à Neuchâtel, ni à Lausanne ». Gisèle Ceppi, greffée d’un rein depuis 10 ans, et équipière de Chamade n’en revient pas.

Modernisme et confort sommaire

Nous sommes au centre d’hémodialyse de l’hôpital de Mourmansk. Si l’extérieur se fond dans le décor décrépit de l’hôpital, à l’intérieur tout est neuf et ultramoderne. Inauguré en 2008, ce centre privatisé géré par le groupe Hemocare, fait partie d’un partenariat public-privé qui permet d’offrir les meilleurs soins aux insuffisants rénaux de la région qui bénéficient de la gratuité des soins garantie par l’Etat. Un modernisme qui tranche avec le reste de l’hôpital qui offre un confort bien plus sommaire. C’est là que nous avons rendez-vous avec la doctoresse Anna Vlasenko.

L’accueil est chaleureux et dans les deux salles de dialyse, Gisèle échange son expérience avec les malades, surtout des femmes au moment de notre visite. Gisèle Ceppi, 63 ans, qui leur parle de sa dialyse, de sa greffe et de sa nouvelle vie où le sport occupe une place essentielle. Elle leur raconte ses participations aux jeux mondiaux des transplantés, ses médailles en course à pied et ski de fond. Son énergie, sa joie de vivre communicative fait jaillir les sourires sur les visages de ses interlocutrices russes.

Regards d’envie

Mais l’on voit aussi les regards d’envie quand elle leur parle de sa greffe du rein, de ce « cadeau » reçu il y a 10 ans, « ma deuxième vie » leur dit-elle. Car ici, c’est une perspective presque impossible. D’abord parce qu’on ne pratique pas de greffe à l’hôpital de Mourmansk, et que c’est au malade ensuite de trouver un autre institut à Moscou où à St Petersbourg pour y effectuer une transplantation.

Mais pourquoi le patient doit-il s’en occuper, comment le faire, qui va payer et qui s’occupe de trouver un donneur ? Poser ces questions à la doctoresse Vlasenko, c’est obtenir des réponses peu claires et quelque peu évasives.

« Oui, oui, la greffe existe en Russie, mais pas ici. Oui, il y a des greffés à Mourmansk, une vingtaine, mais ils ont été greffés à Moscou, à St Petersbourg ou à Novossibirsk. » Mais dès qu’on entre dans les détails, les modalités pratiques, les questions légales, la recherche de donneurs, le visage de notre interlocutrice se ferme « je ne sais pas, nous ne faisons pas de greffe ici. »

Les pires suspicions

Tiens à propos, ne devions-nous pas rencontrer des greffés russes ? « Non ce n’est pas possible… ils ne sont pas disponibles, ils sont en voyage ou ne veulent pas vous rencontrer, n’ont pas envie qu’on sache qu’ils ont été greffés ». Insister ne ferait qu’augmenter le malaise de notre hôte, nous ne pouvons que la remercier de son accueil et repartir enrichis de cet échange plein de chaleur avec ces malades en traitement dans leur centre ultramoderne.

Un malaise, une retenue qui ne surprend pas notre interprète Tatiana qui s’est démenée pour organiser cette rencontre. Elle qui a dû d’abord essuyé un refus, qui a pu ensuite, munie du fameux décret signé par Vladimir Poutine, obtenir l’accord des autorités de la ville et finalement de l’hôpital.

La greffe, ici, est un problème délicat. Il y a quelques années encore les médecins prélevaient dans la plus grande opacité des organes sur les personnes décédées. De quoi faire naître les pires suspicions ; ils étaient d’ailleurs surnommés « les médecins tueurs ». Une pratique interdite par la loi depuis 2003. Mais sans qu’un système organisé de don d’organe volontaire soit mis en place. Un travail qui reste à faire. Certain s’y emploie.

Nous devrions rencontrer à Arkhangeslk une militante, Anna, greffée du rein et membre de l’association « Le droit à vivre ». Une histoire à suivre.

Marc Decrey à Murmansk en Russie, swissinfo.ch

69° de latitude nord. Le soleil ne s’y couche plus durant 2 mois l’été, mais ne s’y lève pas non plus durant 2 mois l’hiver.

Fondée en 1916, développée par les Soviétiques pour des raisons stratégiques, base de la Flotte du Nord qui comprend de nombreux sous-marins nucléaires, la ville compte aujourd’hui 350’000 habitants.

Elle a perdu près de 100’000 habitants à la fin des années 90 après l’effondrement du régime soviétique.

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