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«Il faut laisser du temps au temps»

A 21 ans d'intervalle, les accidents de Clay Regazonni (noire/blanc) et de Silvano Beltrametti brisent deux carrières sportives. swissinfo.ch

Clay Regazzoni est choqué par le terrible accident du skieur suisse Silvano Beltrametti. Paraplégique, lui aussi, l'ancien pilote de F1, est passé par là.

Val d’Isère dimanche 9 décembre 2001. Un trou béant dans une bâche. Et, quelques mètres plus loin, en contrebas, le corps meurtri du jeune espoir grison du ski suisse. Touché au niveau des 6e et 7e vertèbres et de la moelle épinière, Silvano Beltrametti ne remarchera plus.

Circuit de Long Beach 30 mars 1980. La pédale des freins du bolide du suisse Clay Regazzoni ne répond plus. Le Tessinois fonce à près de 240 km/h droit dans un mur. Atteint au niveau de la 12e vertèbre, il restera, lui aussi, paraplégique.

A 21 ans et une génération d’intervalle, deux fous de vitesse se retrouvent dans une chaise roulante. Aujourd’hui, pour la première fois, l’ancien pilote de F1 s’exprime sur les risques inhérents aux sports de vitesse et sur un destin brisé qui n’est pas le sien, celui de Silvano Beltrametti.

Swissinfo: Clay Regazzoni, quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris l’accident dramatique de Val d’Isère?

Clay Regazzoni: J’étais en voyage en Italie et je n’ai appris la nouvelle que le soir aux informations télévisées. J’étais fâché. Rempli de rage. De tels accidents ne doivent plus se produire à l’heure actuelle, même dans des disciplines de vitesse telles que le ski et la F1.

Dans un accident comme celui de Silvano Beltrametti, les responsabilités sont avant tout humaines. La fatalité n’a pas grand chose à voir là-dedans. Lorsque j’ai eu mon accident, les conditions étaient différentes. Rien n’était pareil. Ni la médiatisation, ni les enjeux économiques, ni les mesures de sécurité.

Quelles mesures supplémentaires devrait-on prendre, selon vous, pour éviter la répétition de tels accidents?

C. R.: Je suis violemment opposé à tous ceux qui nous poussent à aller toujours plus vite. Dans le monde de la F1, les progrès technologiques sont constants. Mais ils ne servent à rien, sinon à augmenter les risques que courent les pilotes. D’autant plus que les mesures de sécurité, elles, ne suivent pas.

Il faut toujours qu’un accident grave se produise pour que les choses changent dans ce domaine. Et puis, dans ce genre d’accident, personne n’est jamais responsable. Ni les organisateurs, ni les fédérations. Voyez ce qui s’est passé après la mort du pilote brésilien Ayrton Senna.

Lorsque l’on est un sportif de pointe, pense-t-on à l’accident? A la mort? Se sent-on invulnérable?

C.R.: C’est impossible de penser à l’accident. Sinon on ne prend pas le départ de la course. Sinon on est incapable de réaliser une performance. Et, même si on est conscient des risques, lorsque l’on est jeune, on est grisé par la vitesse.

Lors de son accident, Sivano Beltrametti était à l’aube de sa carrière. Vous, vous aviez déjà un palmarès impressionnant à votre actif. Est-ce que ça vous a aidé à supporter votre nouvelle vie?

C. R: Il ne faut surtout pas faire l’amalgame entre la paraplégie et les risques du sport que l’on a pratiqué avec passion. Un accident peut arriver n’importe où, n’importe quand.

Le plus important, pour Silvano Beltrametti, c’est de pouvoir maintenant compter sur sa famille et ses amis. Ils l’aideront à encaisser le choc. Ce sont les premières années qui sont difficiles. Après, on se rend compte peu à peu de tout ce que l’on est capable de faire. Même en chaise roulante.

Quelle leçon tirez-vous de votre propre expérience?

C. R: Il faut laisser du temps au temps. Ne pas forcer les choses. Contrairement à moi, Silvano Beltrametti doit prendre le temps de réfléchir à ce qui lui est arrivé.

Avant tout, il doit penser à lui. Moi, après mon accident, j’étais trop sous pression pour le faire. Les journalistes et les visites se succédaient à un rythme effréné au pied de mon lit d’hôpital. Je n’ai pas pu faire la part des choses.

Propos recueillis par Mathias Froidevaux

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