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Mourad Dhina, leader du FIS réfugié en Suisse

La nommination du réfugié algérien à l'exécutif du FIS met la Suisse dans l'embarras. Keystone

Etabli dans le canton de Genève depuis 1995, l'Algérien Mourad Dhina n'a pas de statut définitif.

Cet informaticien vient d’accepter le poste de responsable du bureau exécutif du Front islamique du salut (FIS), un parti interdit en Algérie. Interview.

swissinfo: Quelle est exactement votre situation en Suisse?

Mourad Dhina: Ma demande d’asile a été refusée en 1996 par l’Office fédéral des réfugiés. Mon recours est toujours pendant. Je suis donc toujours requérant d’asile.

Est-il possible de diriger une organisation politique algérienne depuis la Suisse sans bénéficier d’un statut clair?

M. D.: J’ai toujours respecté les lois suisses. Mon arrivée à la tête du bureau exécutif du FIS va nous obliger à mettre en place une structure solide, en particulier sur le plan financier, pour permettre de faire face à mes nouvelles responsabilités

Avez-vous eu des contacts officiels avec les autorités suisses?

M.D.: Pas pour le moment. Les relations que je peux entretenir avec certains responsables suisses sont bonnes. L’une des priorités du FIS est d’entamer des contacts diplomatiques avec les pays européens. Nous voulons montrer que notre parti n’a pas renié ses principes mais qu’il a mûri. Le FIS veut se présenter comme un parti qui pourrait gouverner l’Algérie.

Allez-vous demander au pouvoir algérien de lever l’interdiction qui frappe votre parti?

M.D.: Oui. Nous voulons remettre le FIS sur la scène politique algérienne, et pour cela nous réclamons sa légalisation. Le Front islamique du salut reste la principale force politique du pays, la seule capable de trouver une solution à la lutte armée. Toutefois, nous mettons un préalable à toute ouverture de négociations: la libération de nos deux leaders historiques, Abassi Madani et Ali Benhadj.

Vous êtes toujours condamné à vingt ans de réclusion criminelle en Algérie, et l’ambassadeur de votre pays auprès des Nations Unies n’apprécie guère votre présence en Suisse.

M.D.: C’est la réaction logique d’un ambassadeur représentant une junte, un Etat totalitaire qui n’admet aucune opposition. Le FIS va mettre les projecteurs sur ces généraux algériens, criminels de guerre. Ils devront être jugés par des juridictions internationales pour les milliers de disparus. A côté d’eux, Pinochet est un enfant de chœur.

Condamnez-vous la lutte armée en Algérie?

M.D.: le FIS n’a pas de branche armée, Nous considérons que le Groupe islamique armée (GIA) est en fait un groupe infiltré par l’armée, qui a exécuté des centaines de militants du FIS. Toutefois, nous considérons qu’il y a bien un conflit, une lutte armée en Algérie. Ce ne sont pas que des hors-la-loi, des terroristes, qui s’opposent aux forces de l’ordre.

swissinfo/Propos recueillis par Ian Hamel

Mourad Dhina est né en 1961 à Blida.
À 22 ans, il obtient un diplôme de physique à Alger, puis un doctorat au MIT de Boston (USA).
En 1994, les arrestations menées en France à l’encontre d’islamistes liés au FIS le poussent à se réfugier en Suisse.
Il s’installe à Genève et travaille au CERN ainsi qu’à l’Ecole Polytechnique fédérale de Zurich.

Depuis l’emprisonnement des deux fondateurs du FIS, Abassi Madani et Ali Benhadj depuis une décennie, et l’assassinat du numéro trois Abdelkader Hachani en 1999, le FIS n’avait plus de «patron». Mourad Dhina a pris la relève la semaine dernière, après un congrès qui s’est déroulé en Belgique.

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