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La paix israélo-palestinienne n’a plus la cote

Une photo du dénuement de Gaza prise lors du tournage de aisheen [still alive in gaza], un film du suisse Nicolas Wadimoff avec la collaboration de Béatrice Guelpa. Akka films

Faute de produire des effets sur le terrain, l’Accord de Genève, comme les autres plans de paix, ont laminé l’intérêt des Palestiniens et des Israéliens à s’engager pour une solution à deux Etats. C'est l'analyse de Robert Malley, ex-conseiller du président Bill Clinton pour le Moyen-Orient. Interview.

Directeur pour le Proche-Orient de l’International Crisis Group, un think tank basé à Bruxelles, Robert Malley a conseillé le président Bill Clinton entre 1998 et 2001 sur les questions touchant le Moyen-Orient. Et ce dans le cadre de ses initiatives de paix.

Ce fin connaisseur du conflit israélo-palestinien était cette semaine à Genève pour participer à un débat consacré à Gaza et au processus de paix israélo-palestinien avec, notamment, Jean-Daniel Ruch, envoyé spécial du gouvernement suisse pour le Moyen-Orient. Ce débat avait pour cadre une soirée organisée par le Festival du film et forum international sur les droits humains.

swissinfo.ch: L’irruption au grand jour de la Turquie via l’affaire de «la flottille de la liberté» ouvre-t-elle de nouvelles perspectives de paix ou complique-t-elle le jeu diplomatique?

Robert Malley: Cela peut compliquer ou faciliter les choses. Tout dépend de la Turquie et des autres pays de la région. Potentiellement, la Turquie a un rôle extrêmement important à jouer, parce qu’elle est un des rares pays à avoir des liens forts avec les Occidentaux, une relation aujourd’hui difficile mais ancienne et profonde avec Israël, des liens avec tous les acteurs de la région, que ce soit l’Iran, la Syrie, le Hamas, le Hezbollah ou l’Arabie saoudite.

En plus, et c’est un facteur exceptionnel, la Turquie jouit d’une forte crédibilité au sein de ce qu’on appelle la ‘rue arabe’. Ankara peut donc développer une diplomatie pragmatique avec une légitimité populaire. Aucun autre pays dans la région ne dispose d’un tel statut et de telles cartes.

Mais les réactions des autres pays peuvent alimenter de nouvelles rivalités. Des pays comme l’Egypte, l’Arabie saoudite, les Etats-Unis ou l’Europe peuvent ne pas profiter de ce nouvel acteur et ne pas le laisser réussir là ou ils ont échoué. Pour l’heure, c’est cette voie qui semble être suivie.

swissinfo.ch: Justement, n’est-ce pas la grande difficulté des Palestiniens que d’être l’otage d’Etats qui règlent leurs rivalités sur leur dos?

R.M.: C’est une des tragédies de la cause palestinienne depuis ses débuts. Malgré tous ses défauts, Yasser Arafat avait réussi à préserver l’indépendance de la décision palestinienne. Et ce en obtenant – avec parfois des méthodes contestables – un certain consensus entre les différents courants palestiniens. Dès lors, les interlocuteurs de Yasser Arafat ne doutaient pas de sa légitimité quand il agissait ou parlait au nom des Palestiniens.

Aujourd’hui, la fragmentation du mouvement national palestinien ouvre la porte à toutes sortes d’interférences, qu’elles viennent de l’Iran, de la Syrie, de l’Egypte, des Etats-Unis, d’Israël et d’autres encore.

Raison pour laquelle la réconciliation inter-palestinienne est si importante. Même si justement, cette réconciliation est rendue très difficile à cause de parties tierces qui au nom de leurs intérêts, cherchent à la bloquer. Nous sommes donc dans un cercle vicieux.

swissinfo.ch: N’est-il pas trop tard pour une solution à deux Etats, comme l’affirment certains, en faisant référence aux impasses évoquées plus haut et à la poursuite de la colonisation dans les Territoires occupés?

R.M.: Cette hypothèse n’est pas récente. Elle est posée depuis au moins 10 ans. Certains estiment qu’un accord sur deux Etats est impossible puisqu’il impliquerait d’importants déplacements de population et provoquerait un trop grand déchirement en Israël.

Personnellement, je ne sais si nous avons déjà atteint ce point de non-retour puisqu’il dépend à la fois de la situation concrète sur le terrain et de la volonté des parties à mettre en œuvre un accord de paix avec deux Etats.

Une chose est sûr: chaque jour qui passe rend un accord de paix moins facile, que ce soit à cause des évolutions sur le terrain mais aussi dans les esprits. Lors de mes voyages en Israël et en Palestine, je constate que non seulement on ne croit plus à un accord de paix, mais on ne s’y intéresse même plus.

Il faut donc redoubler d’efforts pour aboutir à un accord en tirant les leçons des échecs passés.

swissinfo.ch: Depuis l’Accord de Genève, les contours d’un accord de paix sont connus. N’est-ce pas un élément de blocage pour de futures négociations de paix, puisque les parties connaissent d’avance ce qu’elles peuvent obtenir et concéder?

R.M.: C’est possible. Vu que cet accord ne s’est pas concrétisé et qu’il n’a rien changé sur le terrain, il est devenu un aimant pour ses adversaires.

Voyant vers quoi l’on se dirigeait, certains ont pu se mobiliser contre tout ou partie de cet accord. De fait, l’Accord de Genève a donné lieu à plus de manifestations négatives que positives. Et ce même si le bilan de cette initiative n’est pas encore écrit et qu’il a aussi eu des retombées positives.

Reste que cet accord et les autres tentatives de paix ont rendu les propositions et les solutions qu’ils contiennent de moins en moins alléchantes. Aujourd’hui, ces idées ne sont plus en mesure de déclencher l’enthousiasme, puisque les populations ont pu mesurer le prix à payer pour obtenir un tel accord sans en voir les bénéfices. De plus, ces idées ont perdu leur effet de surprise, un élément qui peut aider à la conclusion d’un accord.

Raison pour laquelle, il faut cesser de dire que l’on connait la solution au conflit israélo-palestinien. Il me semble nécessaire de repenser cette question et d’y injecter des élément nouveaux. On voit mal en effet les négociateurs israéliens et palestiniens prendre le risque d’obtenir moins que leur prédécesseurs.

J’ai proposé par exemple de repenser la question des réfugiés palestiniens de 1948, en mettant aussi sur la table la possibilité que certains colons puissent habiter en Cisjordanie sous souveraineté palestinienne.


Frédéric Burnand, Genève, swissinfo.ch

Gilad Shalit. Israël a annoncé par la bouche du Premier ministre Benjamin Netanyahu être prêt à libérer 1000 prisonniers palestiniens si le Hamas rendait la liberté au soldat Gilad Shalit, capturé il y a quatre ans par le mouvement islamiste.
Sain et sauf. Dans un discours à la nation retransmis en direct, Netanyahu a dit que tous les Israéliens souhaitaient voir Shalit revenir sain et sauf mais que le pays ne pouvait pas « payer n’importe quel prix », pour obtenir cette libération.

Dialogue Le chef de la diplomatie turque a détaillé à un membre du gouvernement israélien les conditions d’une reprise des relations bilatérales mises à mal par l’assaut de la flottille d’aide à destination de la bande de Gaza.

Confirmant la rencontre, mercredi à Bruxelles, entre Ahmet Davutoglu et Benjamin Ben-Eliezer, ministre israélien du Commerce et de l’Industrie, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué que les conditions en question n’avaient pas changé.

La Turquie réclame des excuses, des indemnités, l’ouverture d’une enquête de l’ONU et la levée du blocus de la bande de Gaza.

Source: Reuters

Le 12 octobre 2003, un groupe de personnalités israéliennes et palestiniennes a présenté un projet d’accord définitif entre les deux parties en conflit au Moyen-Orient.

Ce projet d’accord nommé dans un premier temps Initiative de Genève proposait un modèle pour le règlement de certains aspects particulièrement importants du conflit, notamment la sécurité, le statut de Jérusalem, les tracés de frontières et le sort des réfugiés.

L’Initiative a été officiellement lancée le 1er décembre 2003 à Genève, au cours d’une cérémonie formelle organisée par le Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse (DFAE), soutien et facilitateur de l’Initiative de Genève.

Source: Centre pour le dialogue humanitaire (HD Centre)

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