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Une étoile du sud au firmament du hockey

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Gardien de l'équipe nationale durant plus de dix ans dans les années 60-70, le Tessinois Alfio Molina a écrit l'une des pages les plus glorieuses du hockey suisse. Vingt ans après son retrait, il revient sur les moments forts de sa carrière.

Rendez-vous est pris à la Resega, la patinoire de Lugano, où il a appris dès son plus jeune âge à jouer au hockey. Entre temps, la modeste installation sportive a été transformée en un véritable palais de glace. Mais c’est encore ici que joue son club de toujours. Et là, bien exposés, des photos d’Alfio Molina et de ses maillots de l’époque.

Aujourd’hui, Alfio Molina a 61 ans. Il est resté le même gentleman, calme, au physique encore très athlétique. En le regardant, on se souvient de ce portier agile et élégant comme un félin, qui se mouvait entre les poteaux comme un poisson dans l’eau.

Mais comment Alfio Molina est-il devenu gardien de but? «C’était l’instinct. Déjà quand j’étais enfant et qu’on jouait dans la rue, que ce soit au hockey ou au football, j’occupais ce poste». Un rôle adapté à son caractère. Molina se définit lui-même comme quelqu’un de «timide, tranquille et taciturne», qui se sent parfaitement à l’aise uniquement devant ses filets.

Un garçon prodigieux

A 15 ans, Molina est sélectionné comme gardien de l’équipe nationale juniors. A l’époque, il n’y avait pas de subdivisions dans cette catégorie de jeu: les jeunes jusqu’à 19 ans étaient réunis dans la même équipe.

Parallèlement, il fait ses débuts dans la première équipe du HC Lugano, qui évolue alors en première ligue. Alfio Molina affirme modestement: «Tout le mérite revient à l’entraîneur Elwyn Friedrich, qui m’a fait confiance et qui a eu le courage de me jeter dans la mêlée».

Il omet de dire qu’il a pleinement mérité cette confiance, ses parades extraordinaires ayant été pour beaucoup dans la promotion du club en Ligue nationale B à la fin de la saison.

Le hockey, un passe-temps

Durant 21 ans, il reste sans interruption le portier titulaire du HC Lugano. A sa 22e saison, il décide de mettre un terme à sa carrière. Il promet cependant au club de rester à disposition «en cas de besoin». Il joue ainsi quatre années supplémentaires en alternance avec les titulaires.

«Les dernières saisons, pour le non-professionnel que j’étais, étaient plutôt lourdes». Depuis ses débuts qui remontent à la saison 1963/64, le hockey helvétique a effectivement beaucoup changé.

Initialement, le hockey sur glace était un «passe-temps, un divertissement du soir, après le travail». Les entraînements se déroulaient trois fois par semaine. Les matchs de disputaient le samedi soir, parfois le dimanche. Le championnat se jouait en deux rondes, sous forme de matches aller et retour, pour un total de 24 rencontres.

L’adieu d’une légende

Avec les années, le rythme s’accélère, le nombre des entraînements et des matches augmente, le championnat se prolonge. Après la promotion en Ligue nationale A, en 1971, Lugano est relégué en Ligue nationale B en 1973. Il y restera jusqu’à la saison 1981/82.

Puis le club «bianconeri» (ndlr: blanc et noir en référence aux couleurs du maillot luganais) retrouve l’élite, déterminé à devenir un protagoniste pour le titre. C’est en 1986 que les Tessinois décrochent leur premier sacre national. Pour les joueurs, l’ère du professionnalisme débute.

Alfio Molina ne sera pas de la partie. Pour ce portier qui a tutoyé les sommets mondiaux, le hockey doit rester un divertissement. Il n’a aucun doute sur les priorités de son existence: la famille et le travail. Il s’en va donc «sans regrets». Exactement comme il avait fait avec l’équipe nationale en 1976, l’année où il est devenu père.

Porter le maillot rouge à croix blanche était son vœu le plus cher. «Depuis le moment, à l’âge de 15 ans et à la surprise générale, où j’ai été convoqué en équipe nationale juniors, intégrer l’équipe de Suisse A était mon objectif secret. Je le gardais pour moi et ne le disais à personne».

Un objectif atteint. En effet, après quatre ans en sélection juniors, il passe à celle des espoirs puis rejoint l’équipe nationale, la grande, la vraie. «J’étais le seul joueur de langue italienne. Je n’étais dans aucun clan, je parlais à tout le monde. J’étais donc bien vu tant des Suisses-Allemands que des Suisses-Romands».

La rencontre avec Vladislas Tretiak

Les Jeux olympiques sont également restés dans le cœur d’Alfio Molina. «C’est quelque chose de fabuleux, parce qu’ils font se rencontrer des athlètes du monde entier et de toutes les disciplines».

La cantine est justement l’un de ces endroits de rencontre. C’est dans ce lieu, en 1972 à Sapporo, qu’il vit l’une des ses plus grandes émotions alors qu’il se trouve dans la file au milieu de l’équipe de hockey de l’URSS. Devant lui se trouve Vladislas Tretiak. Pour une question de langue, ils ne peuvent pas converser, mais ils communiquent avec le regard. «Il y avait le plaisir du langage visuel».

Le plaisir sera renouvelé sur la glace, deux mois plus tard, aux Mondiaux de Prague. Le Tessinois et l’homme qui est considéré comme le plus grand portier soviétique de tous les temps, réussissent finalement «à dialoguer un peu, grâce à un interprète», à l’occasion d’un match à Lugano entre l’équipe locale et le CSKA de Moscou. «Il m’a fait très plaisir», commente Alfio Molina, sans dévoiler les paroles qu’ils se sont échangées.

Parmi les monstres sacrés

Son plus beau souvenir avec l’équipe nationale remonte au Championnat du monde du groupe A à Prague, en 1972. «C’est peut-être la saison durant laquelle j’ai réussi à donner le maximum de moi-même. Entre les joueurs suisses et les monuments du hockey mondial, il y avait un écart abyssal. Le jeu était si rapide que nous n’avions le temps de penser à rien. C’était cependant un pur plaisir de jouer contre ces équipes».

Pour preuve de son habileté, il termine deuxième meilleur gardien du tournoi, juste derrière Jorma Valtonen, malgré la relégation de la Suisse et des adversaires évoluant avec le statut de professionel. «Le choix a en outre été effectué alors que le dernier match n’avait pas été disputé».

Si on avait attendu la dernière rencontre, il aurait probablement été désigné meilleur portier du tournoi, car il joue à cette occasion très bien, au contraire du gardien finlandais. Ce titre, il le décrochera finalement deux ans plus tard au Mondial en France.

Des progrès sont possibles

Qu’est-ce que pense Alfio Molina des portiers qui évoluent actuellement en Suisse? «Le niveau a augmenté. C’est aussi dû au fait qu’ils reçoivent maintenant un entraînement spécifique». Cependant, il y a encore des choses qui peuvent être améliorées.

«Ils me semblent très statiques. Ils utilisent moins les mains que par le passé». Il y a en outre une tendance à une uniformisation des styles. «S’il est nécessaire de savoir bouger, il y a des situations différentes pour lesquelles les systèmes de parade doivent être différents. Les gardiens doivent avoir des alternatives. Il est important de développer les capacités individuelles».

A son avis, durant cette saison 2008/09, le gardien le plus complet de Suisse a été Ari Sulander. Le dernier rempart des Lions de Zurich «a réussi à faire un bon mélange avec les anciens et les nouveaux systèmes de jeu et à les utiliser selon les situations». Mais Sulander est Finlandais. Nous ne le verrons donc pas sous le maillot rouge à croix blanche durant le championnat du monde 2009.

swissinfo, Sonia Fenazzi
(traduction de l’italien: Samuel Jaberg)

Lugano. Alfio Molina est né le 20 avril 1948 à Lugano. Son père, gardien du Hockey Club Lugano (HCL), lui enseigne le patinage dès son plus jeune âge sur le lac de Muzzano, aux portes de Lugano. A 8 ans, il commence à jouer au hockey. Il choisit le poste de gardien.

Promotion. A 15 ans, il est sélectionné en équipe de Suisse junior et devient titulaire de la première équipe du HCL, en première ligue. Durant cette saison – 1963/64 – il est l’un des grands artisans de la promotion du club en Ligue nationale B. Après 4 ans en équipe nationale junior, il est sélectionné durant une année en équipe nationale espoirs. Puis en équipe nationale A. Depuis ce moment, il est sélectionné chaque année jusqu’en 1976, année où il décide de se retirer.

500 matches. Il reste le gardien titulaire du HCL sans interruption jusqu’en 1992, quand, après la promotion en Ligue nationale A, il décide de ranger ses patins. Le club réussit à lui arracher la promesse de rester à disposition en cas de blessure des gardiens titulaires. De fait, il joue encore régulièrement jusqu’en 1987, année où Lugano est sacré champion de Suisse pour la 2e fois d’affilée. Au total, il a disputé plus de 500 matches avec Lugano, 64 avec l’équipe de Suisse.

Niveau mondial. Il a participé aux Jeux olympiques de 1972 à Sapporo et de 1976 à Innsbruck. Il participe aux Championnats du monde de 1971 en Suisse (groupe B), de 1972 à Prague (groupe A), de 1974 en France (groupe C), de 1975 à Sapporo (groupe B) et de 1976 en Suisse. Il ne peut pas participer au Mondial de 1973 à Graz en raison d’une blessure. En 1974, il est désigné meilleur gardien au Mondial du groupe C. Avant les Jeux olympiques à Turin en 2006, il est le premier porteur de la flamme en Suisse.

Profession. Dessinateur de bâtiment de formation, il a travaillé pour la commune de Lugano depuis l’obtention de son diplôme jusqu’à sa retraite à 60 ans. Marié, il est père de deux fils.

Maillot retiré. Quand Alfio Molina décide de se retirer, le Hockey Club Lugano décide de lui rendre hommage avec un geste particulier: plus aucun joueur de l’équipe ne pourra porter le maillot no1. C’est la première fois qu’un maillot est retiré au sein d’une équipe du championnat suisse, un geste qui deviendra plus courant par la suite.

Une exception. Ce numéro restera pour toujours celui du gardien qui a dédié toute sa carrière de hockeyeur au club, sans jamais céder aux offres attrayantes de l’extérieur. Seul le jeune Fraschina a eu l’honneur par la suite de porter ce maillot durant une année, avec la permission de Molina, qui était son entraîneur. David Aebischer, actuel portier du club, a vu sa demande de porter le no1 refusée.

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