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‘Mon pays reste la Suisse’

Marlise Etienne, journaliste et femme d'affaires. (collection privée)

La journaliste Marlise Etienne dirige l'hôtel El Palacio d'Ibiza depuis 1995. Elle raconte son parcours peu commun, de l'écriture à l'hôtellerie, des rives du Seeland à l'île des Baléares.

Biennoise de naissance, et donc bilingue par excellence, Marlise Etienne partage sa vie entre sa cité natale et la localité touristique d’Ibiza.

Co-propriétaire du bureau de presse Cortesi, fondé en 1965 par le cinéaste Mario Cortesi, Marlise Etienne s’est principalement consacrée au journalisme et à la rédaction de l’hebdomadaire bilingue “Biel-Bienne” jusqu’à la moitié des années 1990.

Le tournant – dans sa carrière comme dans sa vie – a eu lieu en 1995, lorsque la Biennoise a repris la direction de l’hôtel El Palacio, à Ibiza.

Acheté en 1986 par le Bureau Cortesi qui l’a rénové, cet édifice historique situé dans la vieille ville d’Ibiza, au pied du château, est l’un des hôtels les plus étonnants d’Europe.

Parfum d’Hollywood

Ses chambres et suites sont décorées d’objets de collection rassemblés par Mario Cortesi lors de ses voyages à Hollywood, des objets qui ont appartenu aux légendes du cinéma américain.

Au “Palacio”, on trouve ainsi la suite rose Marylin Monroe, la chambre blanche Greta Garbo, les chambres Walt Disney, Humphrey Bogart ou James Dean. Et les empreintes de main de célébrités qui ont séjourné là, comme Penelope Cruz ou Nina Hagen, ornent la façade de l’hôtel.

“J’ai repris la direction de l’hôtel en 1995, mais je fais la navette depuis une vingtaine d’années entre la Suisse et les Baléares”, raconte Marlise Etienne.

Cette femme d’affaires, blonde et énergique, est restée la responsable d’édition du Bureau Cortesi.

“Bien sûr, admet-elle, je n’ai pratiquement plus le temps d’écrire. Mais à Bienne, je peux compter sur une superbe équipe.”

“Au début de mon séjour à Ibiza, je croyais avoir trouvé le paradis sur terre”, se souvient-elle. “Au fil des ans, j’ai changé d’avis. La Suisse me semblait petite, mais elle reste en fin de compte un pays où tout fonctionne, surtout si je le compare à l’Espagne.”

Les temps changent

Marlise Etienne regrette le changement qu’a connu l’île d’Ibiza ces vingt dernières années: “L’amabilité des gens du lieu a fait place à une mentalité différente, celle de la jeune génération.”

“L’Espagne est devenue stressante, fonctionnarisée à l’extrême. Seule la sieste est restée bien ancrée dans les traditions, mais elle crée des difficultés à qui a besoin des services administratifs, puisque les bureaux bouclent vers 14h déjà», explique-t-elle.

Et la vie sur l’île? “Les étrangers des Baléares sont confrontés à un vrai problème de langue”, constate la Biennoise. “Tous les textes juridiques ou administratifs, les noms de rues et les inscriptions sont en catalan, une langue bien différente du castillan.”

“Il est difficile de se sentir intégré à Ibiza. Les touristes sont tolérés par les indigènes car ils laissent beaucoup d’argent sur l’île. Mais les ‘Ibicencos’, même s’ils sont aimables, ne se mêlent pas volontiers aux étrangers”, ajoute-t-elle.

Rythme débridé

Basée à Ibiza durant toute la belle saison, Marlise Etienne gère El Palacio d’une main de maître. Un professionnalisme qui lui a valu d’être citée par le magazine économique “Cash” dans la liste des 40 hôteliers suisses ayant le plus de succès à l’étranger. La seule et unique femme de la liste, de surcroît.

“La gestion d’un petit hôtel comme le nôtre bouffe tout le temps à disposition. Chacun de nos clients, dont beaucoup de célébrités qui veulent rester incognito, désire un traitement spécial”, poursuit la directrice. “Il faut être constamment présente. La journée de travail débute vers 8h et ne se termine jamais avant 23h.”

Rendez-vous par excellence des noctambules, Ibiza fait le plein de “jeunesse dorée” durant trois mois au moins. “Les jeunes sont les rois d’une île qui compte plusieurs discothèques parmi les plus connues au monde”, rappelle Marlise Etienne.

“L’entrée peut coûter jusqu’à une centaine de francs, boissons non comprises. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir parfois des clients qui, en une semaine, ne voient jamais le soleil!”

Pas de colonie suisse

Et les Suisses d’Ibiza? “Je ne connais aucune colonie helvétique sur l’île”, déclare la Biennoise. “Beaucoup de Suisses vivent ici, mais aucun club ou société helvétique ne s’y est constitué. Rares sont d’ailleurs nos compatriotes qui restent plus de cinq ans. Ils laissent derrière eux de magnifiques propriétés. Ici, ces dernières années, le marché immobilier s’est renchéri de 30%.”

Marlise Etienne se considère-t-elle comme une Suissesse de l’étranger ou une Suissesse tout court? “Mon pays d’origine et de cœur reste la Suisse, même si je n’ai pas de problème d’identité, puisque je jongle depuis ma naissance avec une double culture. J’ai aimé ce temps ‘ibicenco’ de ma vie, ce rôle de ‘ministre de l’extérieur’ du Bureau Cortesi. Mais, les années passant, je pense toujours plus sérieusement à rentrer au pays.”

swissinfo, Gemma d’Urso

Ibiza, “Eivissa” en catalan, la plus méridionale des îles de l’archipel des Baléares, dite aussi “l’île blanche”, a connu un énorme boom touristique à partir des années 1960 avec l’arrivée des premiers hippies.

En 654 avant J.C déjà, les Phéniciens y fondèrent un port pour le commerce du vin, du marbre et du plomb.

Baptisé “Ibossim”, l’île devint “Ebusus” sous les Romains. Les Grecs qui s’y installèrent donnèrent à Ibiza et Formentera le nom de “Pythiuses” (“couvertes de pins»). Avant d’être envahie par les musulmans au 8ème siècle, Ibiza était passée sous le joug de Carthage.

La superficie d’Ibiza est de 572 km2; elle culmine à 475 mètres. L’île compte 80’000 habitants, dont 30’000 – hors saison touristique – dans sa capitale. La langue officielle est le catalan. L’espagnol (castillan) y est enseigné dès la première année scolaire.

Ibiza est réputée pour ses fêtes estivales nocturnes. Elle accueille les meilleurs DJ’s qui se produisent dans les discothèques mondialement connues comme Le Pacha, L’Amnesia, Le Privilège et Le Space.

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