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90 jours dans «un microcosme de l’occupation»

Claire-Lise Corbaz souhaitait être au coeur d'un conflit et a choisi Hébron.

Pasteure lausannoise, Claire-Lise Corbaz vient de passer 3 mois à Hébron, en Cisjordanie, dans le cadre d'un programme d'observation internationale lancé par le Conseil Oecuménique des Eglises.

Comme d’autres à Bethléem, Jérusalem-Est, Tulkarem ou d’autres endroits des territoires occupés, elle y a mené un travail de solidarité auprès des populations palestiniennes. Témoignage.

Avant d’être pasteure à Lausanne, Claire-Lise Corbaz était active à Fribourg dans des mouvements pacifistes. A 51 ans, mettant à profit une pause sabbatique de cinq mois, elle s’est consacrée à un temps d’étude à Jérusalem et à un engagement pour la paix à Hébron.

«Dans les années 2000, lors de la deuxième intifada, les Eglises de Jérusalem ont appelé à l’aide le Conseil Oecuménique des Eglises, explique-t-elle. Elles lui ont demandé d’envoyer des observateurs pour découvrir sur place la situation dans les Territoires, prendre conscience de l’occupation et en rendre compte à la communauté internationale».

Claire-Lise Corbaz souhaitait être au coeur d’un conflit. Sensible à cet aspect de terre déchirée, elle voulait faire quelque chose de concret pour la paix. Etre présente dans des situations de tension. Par exemple aux barrages des militaires israéliens, quand les enseignants palestiniens doivent subir des tracasseries pour recevoir l’autorisation de passage.

Elle a choisi Hébron, parce que, dit-elle, «c’est un microcosme de l’occupation». Hébron, où règne une situation explosive. Ici, les colons n’hésitent pas «à jeter des pierres sur les enfants palestiniens, à se livrer à des actes de vandalisme et à tenter d’effrayer les populations de la ville».

Une présence dissuasive

Dans le quartier de Tel Romeida, où se trouvent deux colonies, le travail de la Suissesse a consisté à accompagner chaque matin les enfants sur le chemin de l’école. Une présence dissuasive. Une présence parfois gênante aussi pour les militaires.

«Souvent, la directrice de l’école ou les parents d’élèves nous ont dit que si nous n’étions pas là, les enfants n’oseraient pas aller à l’école», confie-t-elle.

«Notre rôle aux barrages se limitait parfois simplement à une présence. Cela peut paraître tout bête, mais sans cette présence internationale, il y aurait beaucoup plus d’abus», souligne Claire-Lise Corbaz.

Parfois, ajoute-t-elle, les militaires israéliens contrôlent de manière humaine. Mais certains d’entre eux font aussi preuve d’un acharnement très humiliant et arbitraire.

Les observateurs comme Claire-Lise Corbaz sont témoins de ce qui se passe aux barrages. Ils prennent des photos. Ils participent également à d’autres initiatives d’associations pour la paix.

Exemple: ils ont collaboré aux activités de Terre des Hommes, à celles du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et donné un coup de main au comité local qui tente de réhabiliter les maisons de la vielle-ville.

Partager la vie des Palestiniens

«L’occupation ne signifiait rien de concret pour moi, se rappelle Claire-Lise Corbaz. Je n’avais aucune idée de ce qu’implique vivre sous occupation. On parle souvent de territoires occupés, mais rarement de l’occupation.»

«Le fait de vivre avec ce carcan, ces contrôles constants, le blocage des échanges commerciaux, les relations familiales, les besoins médicaux, cela rend la vie [des populations palestiniennes] très difficile. Il faut être combattif pour tenir le coup à Hébron. D’autant que le taux de chômage atteint les 75% et le climat y est dépressif».

Claire-Lise Corbaz en vient à saluer l’action d’organisations pacifistes israéliennes, qui alertent les autorités, les médias, devant les exactions des colons. Ces organisations aident aussi les paysans palestiniens pendant la cueillette des olives.

«L’idée est surtout de partager la vie des Palestiniens, d’en rendre compte à notre retour, de sensibiliser nos opinions publiques respectives», poursuit la pasteure.

Résistance non-violente

Son regard de Suissesse se veut lucide, admiratif aussi. «J’ai beaucoup d’admiration pour les Palestiniens. J’ai rencontré beaucoup de résistance non-violente. De bonnes énergies qui essaient de construire leur vie malgré tout. Peu de Suisses et d’Européens accepteraient cette vie sans liberté et sous contrôle, avec des familles séparées (par le mur) et des agriculteurs séparés de leurs terres.

Claire-Lise Corbaz lance aussi un cri du cœur. «Les colonies défient le droit international et continuent à s’implanter, assure-t-elle. Elles continuent à grignoter les terres et se font les instruments d’une politique qui vise à provoquer le départ des Palestiniens!»

swissinfo, Simon Leger en Israël

Le Conseil œcuménique des Églises (COE), dont l’objectif est l’unité des chrétiens, rassemble plus de 340 Églises, dénominations et communautés d’Églises d’une bonne centaine de pays et territoires.

Ses membres comprennent la plupart des Églises orthodoxes, un grand nombre de dénominations issues des traditions historiques de la Réforme protestante – anglicane, baptiste, luthérienne, méthodiste et réformée – ainsi que de nombreuses Églises unies et indépendantes.

Si les Églises fondatrices du COE se trouvaient pour la plupart en Europe et en Amérique du Nord, de nos jours ce sont les Églises membres en Afrique, en Asie, aux Caraïbes, en Amérique latine, au Moyen-Orient et dans la région du Pacifique qui sont majoritaires.

Pour ses Églises membres, le COE constitue un lieu où elles peuvent réfléchir, parler, agir, prier et travailler ensemble, s’interpeller et se soutenir mutuellement, partager et discuter.

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