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Christoph Blocher rencontre ceux du dehors

Le conseiller fédéral avec les jeunes Suisses de l'étranger. Stefano Iori/OSA

Que peut bien dire un ministre de la droite conservatrice à une poignée de jeunes Suisses de la disaspora? Et qu'en pensent ces derniers?

Organisée lors du 84e Congrès des Suisses de l’étranger, la rencontre entrait dans le cadre de la traditionnelle «initiation» à la Suisse offerte à des jeunes du dehors.

Le ministre de la justice tombe le veston. Il va prendre les choses à bras le corps. Rigolard, mais soucieux de jouer le jeu. En «Hochdeutsch» essentiellement, en français par bribes.

Dans la petite salle bourrée à craquer, plusieurs dizaines de jeunes Suisses venus des quatre coins du monde dégoupillent leurs questions.

Des questions générales – Quelles sont les vraies richesses de la Suisse? Pourquoi soutient-elle aussi massivement son agriculture? Comment faire entendre sa voix dans l’Europe sans appartenir à l’Union européenne?

Des questions plus personnelles aussi: Un ministre, ça fait quoi de son temps libre? Soutenez-vous le nucléaire? Pourquoi êtes-vous entré à l’UDC (Union démocratique du centre / droite dure)?

A ces interrogations venues du reste du monde, Christoph Blocher répond avec une bonne dose d’humour et de simplicité, quelques chemins de traverse, et plusieurs professions de foi.

Guère de temps libre

On apprendra d’abord qu’un ministre n’a guère de temps libre, avec ses semaines de six jours et demi. Le conseiller fédéral, qui se déclare «libéral conservateur», souhaite le maintien des valeurs fondamentales (démocratie, souveraineté…) ancrées dans un ordre libéral (pas trop de contraintes et de règles…).

Christoph Blocher explique aussi qu’il choisit la souveraineté nationale plutôt que la possibilité de décider pour toute l’Europe en intégrant l’Union européenne. C’est aussi une des raisons qui le font soutenir le nucléaire.

Le ministre de la justice assure que les salaires minimaux, il n’en veut pas. Pour ceux qui n’arrivent pas à en vivre, il y a l’assistance…

Il rappelle que la Suisse n’est pas assez grande pour faire le bonheur de tous, et souligne les forts taux de population étrangère et de naturalisation. En clair, la Suisse n’est pas égoïste.

«Et si vous souhaitez vous installer en Suisse avec un beau projet d’entreprise, c’est encore mieux!»

«Il est proche des gens»

Campagnes et montagnes doivent rester habitées, estime aussi le ministre. Et ce, grâce en particulier à l’agriculture, que le pays soutient certes, mais de moins en moins. Le ministre constate d’ailleurs que tout le monde n’est pas obligé de produire la même chose. Qu’il y a donc de la place pour tous.

Moins d’une heure plus tard, il est temps de passer à la photo de groupe. Christoph Blocher a l’air heureux. A swissinfo, il déclare apprécier ce type de contacts, soulignant aussi l’aspect concret des questions et l’intérêt apparent pour sa personnalité.

Jeune Suisse de France, Pierre-Alexandre Charton estime en sens inverse que le ministre «a du charisme. Mais il l’utilise moins que les politiciens en France, où les choses sont beaucoup plus appuyées, élitistes peut-être même. Là, il est proche des gens.»

Pour Pierre-Alexandre, le ministre n’était pas tout à fait un inconnu. «On me disait que Christoph Blocher, c’est un Jean-Marie Le Pen un peu atténué. Il y a des ressemblances, peut-être même idéologiques. Mais je ne le trouve pas très extrémiste, contrairement à Le Pen.»

«Ça vous souffle…»

Mathilde Da Rui est une autre Suisse de France. Elle souligne l’intérêt de ce genre de rendez-vous. Mais nuance: «Le problème pour Christoph Blocher était d’aller droit au but. Alors que pour nous, à notre âge, l’intéressant serait plutôt d’avoir des explications sur son cheminement, comment il en arrive à penser telle ou telle chose.»

La même poursuit. «J’ai l’impression qu’il est vraiment concerné par les problèmes qu’il évoque. Et j’ai été surprise par le fait qu’il ose affirmer aussi clairement ce qu’il pense.»

Et de préciser: «En France, beaucoup de mots sont tabous. «Libéral», par exemple. Très peu osent dire : «Je suis libéral», ou «Je ne suis pas pour un salaire minimal garanti». Ça ferait la révolution en France! Et là, d’entendre ça, ça vous souffle…»

Par rapport aux Français justement, «qui sont en général plus politiciens», Mathilde Da Rui voit davantage un «politique» en Christoph Blocher. Mais elle estime aussi que sa «façon de voir les choses est totalement orientée par son chemin de vie et les intérêts de son monde. Il devrait se rappeler que différents mondes coexistent dans un pays.»

«On a vraiment un sentiment d’injustice par rapport à certaines affirmations, confie aussi la visiteuse. En même temps, je ne lui en veux pas. Je me dis qu’il y certaines choses dont il ne doit pas se rendre compte.»

Et la jeune observatrice prévient: «S’il veut continuer à être conservateur mais que son argumentaire fonctionne, il faut qu’il arrive à rester dans le monde. Car tout change très vite.»

swissinfo, Pierre-François Besson à Bâle

A fin 2005, 634’216 Suisses étaient enregistrés à l’étranger.
En un an, leur nombre a augmenté de 11’159 personnes.
395’397 Suisses de l’étranger vivent en Europe.
18’017 en Afrique.
163’122 en Amérique
30’451 en Asie.
27’229 en Océanie.

Le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) est l’organe suprême de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE).

«Parlement de la Cinquième Suisse», le CSE compte actuellement 148 membres, dont une toute petite proportion vit en Suisse.

Le conseil a pour mission de représenter les intérêts des Suisses vivant à l’étranger.

Le CSE se réunit deux fois par an. Dont une fois au moment du Congrès des Suisses de l’étranger.

Thème: «Partenariat entre économie et culture: le secret de Bâle».

Bâle est – notamment du fait du soutien de l’industrie pharmaceutique – une métropole culturelle européenne.

Depuis quelques années, la ville est considérée comme la capitale suisse de l’architecture contemporaine.

Au programme figurent en particulier les visites de lieux ayant trait à cette architecture: le Stade St-Jacques (Herzog & De Meuron), la Fondation Beyeler (Renzo Piano), le Musée Tinguely (Mario Botta), Novartis (Diener & Diener, Adolf Krischanitz, Frank Gehry).

Le Congrès se déroule d’ailleurs dans un des hauts lieux de l’architecture suisse d’aujourd’hui. Avec ses 105 m de haut et ses 31 étages, la tour «Messe Basel» de Morger & Delego est le plus haut gratte-ciel du pays.

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