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Le vote électronique ou comment tergiverser pour parvenir au but

Brochure de vote à côté d'un ordinateur portable sur une table
KEYSTONE/© KEYSTONE / GIAN EHRENZELLER

Après Bâle-Ville, Saint-Gall et Thurgovie, le canton des Grisons sera le quatrième ce week-end à proposer à une partie de son électorat l’usage du vote électronique. Combien de temps cette phase-test va-t-elle durer et comment la Suisse parviendra-t-elle à terme à financer l’e-voting?

À l’occasion des votations du 3 mars où le corps électoral suisse doit se positionner sur la rente AVS, cinq communes des Grisons ont été désignées pour participer pour la première fois à l’essai-pilote du vote électronique.

Une aubaine pour les Suissesses et Suisses de l’étranger figurant dans les registres électoraux des communes de Domat/Ems, Lumnezia, Pontresina, Poschiavo et Safiental. Au total, outre la 5e Suisse, ce sont potentiellement 12’000 électrices et électeurs qui sont concernés. Si l’on prend en compte Bâle-Ville, Saint-Gall et Thurgovie, trois cantons où cette phase-test a déjà débuté, ce sont près de 77’000 personnes qui sont désormais invitées à glisser leurs bulletins dans l’urne autrement, soit 1,4% de l’électorat suisse selon la Chancellerie fédérale.

Mieux: pour la votation du 9 juin prochain consacrée cette fois aux primes des caisses maladie, les Grisons prévoient d’ajouter à leur liste la commune de Landquart. Après cette phase-pilote, d’autres localités du canton pourraient suivre l’an prochain, a confirmé la chancellerie des Grisons à swissinfo.ch.  

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Quand ce système sera-t-il rentable?

Le canton de Genève entend, lui aussi, de tester ce système, a confirmé Ariane Rustichelli, directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), dans le débat filmé «Let’s Talk» de swissinfo.ch. Et celui très peuplé de Berne pourrait y adhérer également à terme. Mais la Chancellerie fédérale indique de son côté n’avoir pas reçu jusqu’à présent d’autres demandes pour mener cette phase qui aurait déjà coûté 1,9 million de francs à la Confédération, d’après le média spécialisé en ligne Inside-IT.   

Leur nombre est essentiel pour couvrir financièrement ce test-pilote. «Pour la Poste suisse, cela en vaudra la peine à partir de dix», selon le rédacteur en chef d’Inside-IT Reto Vogt. À condition que des cantons peuplés se lancent aussi.  

Pour l’heure, La Poste se contente d’indiquer que les recettes qui découlent du vote électronique «dépendent évidemment du nombre de cantons qui utilisent ce système», précise sa porte-parole. Et du nombre d’électrices et d’électeurs admis à y participer, ainsi que de la quantité de votations par année. Mais La Poste demeure discrète sur le nombre nécessaire de votant-es.

Zurich dans l’attente

Pour nombre d’analystes, la participation de Zurich sera décisive. Mais rien n’est moins sûr, car ce canton ne voit guère la nécessité de procéder à de nouveaux tests. En 2022, son gouvernement a considéré qu’un usage de l’e-voting sur l’ensemble de son territoire présuppose une adaptation des bases légales fédérale et cantonale. «Zurich n’a pas de mandat pour l’introduire», résume Stephan Ziegler, responsable des élections et votations pour le canton.  

Par ailleurs, la population suisse ignore encore quels buts la Confédération et La Poste poursuivent ici. Ni quand ce système pourrait être introduit à l’échelle nationale après avoir fait ses preuves dans plusieurs cantons. La Confédération précise vouloir acquérir de l’expérience, une notion difficilement mesurable.  

Le vote électronique nécessite «une longue phase d’essais», estime la Chancellerie fédérale. À la suite de quoi des évaluations de type scientifique seront menées pour déterminer quelles incidences cette phase-pilote a eues en termes de taux de participation, de confiance et d’acceptance du corps électoral.  

Une introduction généralisée de ce système devrait en outre encore passer par la voie législative ordinaire, soit un accord du Parlement, puis en cas de référendum, par un vote populaire. Impossible d’avancer donc une date exacte.

La question du financement du vote électronique reste aujourd’hui, avec la protection des données, l’obstacle le plus important à franchir pour une mise en place définitive de ce système. En matière de coûts, chaque canton devra s’acquitter d’une taxe de base pour l’utiliser et l’exploiter. À cela s’ajoutent des coûts variables calculés en fonction du nombre d’électrices et d’électeurs d’un canton et la part de celles et ceux qui peuvent utiliser l’e-voting, nous a précisé La Poste. Mais là encore, le géant jaune ne communique pas de chiffres précis.

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D’après les calculs de Reto Vogt d’Inside-IT, il serait en l’état actuel du dossier moins onéreux de faire revenir au pays, par avion, chaque Suissesse et Suisse de l’étranger pour que ces personnes remplissent leur devoir civique en Suisse.

Filtrage par les cantons

Aujourd’hui, les cantons qui ont reçu l’aval de la Confédération pour cette phase d’essai peuvent déterminer qui sont les électrices et électeurs habilités à voter électroniquement. Mais dans les faits, la pratique diffère d’un canton à l’autre. À Bâle-Ville, la 5e Suisse et les personnes en situation de handicap ont accès à l’e-voting. Dans celui de Thurgovie, seuls les ressortissant-es suisses de l’étranger ont le droit de le tester. Enfin, cette possibilité échoit à l’ensemble du corps électoral des communes concernées à Saint-Gall et dans les Grisons.

«Il est important pour nous que toutes les régions linguistiques du canton soient prises en considération», précise par ailleurs la chancellerie des Grisons. Selon son porte-parole, des communes de tailles et structures diverses ont été choisies délibérément. Pour la votation de ce dimanche sur l’AVS, plus de 900 inscriptions ont été enregistrées à ce jour dans les cinq communes accréditées. Parmi les Suissesses et Suisses de l’étranger, 52 personnes, soit 30% du corps électoral concerné, souhaitent voter de cette façon, contre 9,4% de l’électorat suisse. Aucun retour quant à des doutes sur la sécurité n’a été enregistré.

Si les cantons conservent lors de cette période d’essai une grande marge de manœuvre, il n’en va pas de même pour la Confédération. Berne s’est en effet fixé des limites. Seuls 30% de l’électorat cantonal et 10% de l’électorat suisse pourraient en faire usage. Considérées comme groupes-cibles, la 5e Suisse et les personnes en situation de handicap ne sont pas prises en compte dans ce calcul.

Selon la loi, il serait envisageable d’introduire l’e-voting uniquement pour les Suissesses et Suisses de l’étranger. Une restriction qui aurait sans doute plus de chance d’être avalisée politiquement si vote populaire il y a. Elle permettrait de limiter les risques, mais pourrait être recalée à cause de coûts trop élevés.  

Texte relu et vérifié par Balz Rigendinger, traduit de l’allemand par Alain Meyer/OP

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