Piccard plaide pour le développement durable
Bertrand Piccard est l’aventurier et l’innovateur le plus connu de Suisse. Il a été l’un des orateurs clef du 2e Swiss Science Forum qui s’est tenu cette semaine à Berne.
Le premier homme à avoir fait le tour du monde en ballon livre à swissinfo ses recettes pour relancer l’innovation en Suisse.
Bertrand Piccard bénéficie déjà d’une solide renommée pour son engagement en faveur de la promotion des énergies renouvelables. Il a profité de ce forum pour lancer un nouveau défi: faire de la Suisse un «centre d’excellence» du développement durable.
Faisant écho au thème principal du forum, l’aérostier a insisté sur le fait que l’innovation devait devenir une priorité stratégique pour la Suisse et a donné une piste pour y parvenir.
swissinfo: On entend souvent des appels pour rendre la Suisse plus innovante, mais la réalité reste bien en retrait. Pourquoi?
Bertrand Piccard: Cela a beaucoup à voir avec notre peur de l’inconnu, des problèmes.
Or si nous voulons créer, nous devons d’abord accepter l’inconnu. Le processus de l’innovation est basé sur le doute, sur l’auto-interrogation et sur la capacité de reconnaître ses erreurs.
Par exemple, tout le monde croyait – et nous aussi – que pour faire le tour du monde en ballon, il fallait voler à haute altitude et rapidement en utilisant un jet stream.
Mais nous avons finalement réussi là où les autres ont échoué parce que nous avons réalisé que c’était faux et changé notre stratégie.
swissinfo: Pensez-vous que l’innovation soit un domaine dans lequel la Suisse peut exceller?
B. P. : Au 19e siècle, la Suisse était partout sur la scène internationale grâce à son œuvre humanitaire et à la création de la Croix-Rouge. Au 20e siècle, c’était la même chose par rapport aux négociations internationales, aux médiations, etc…
Mais la situation a changé. Désormais, tout le monde fait ce genre de choses et, pour être honnête, il faut reconnaître que beaucoup de gens n’ont plus besoin de nous. C’est pourquoi il faut trouver quelque chose de nouveau pour l’avenir.
swissinfo: Et que pourrait être ce «quelque chose»?
B. P. : Je suis convaincu qu’investir massivement dans le développement durable constitue une belle cause à défendre. La Suisse peut être un très bon exemple en termes de développement, de promotion et d’invention de nouvelles technologies qui permettront de parvenir à un développement durable sans diminuer la qualité de vie des gens.
C’est d’ailleurs le principal problème. Chaque fois que nous chercherons à diminuer la qualité de vie pour protéger l’environnement, il y aura de la résistance. C’est normal.
Je pense donc que le défi qui pourrait aider la Suisse à retrouver sa place sur la scène internationale est d’investir dans de nouvelles façons de produire de l’énergie et de l’utiliser.
swissinfo: Mais concrètement, que faudrait-il pour y parvenir?
B. P. : Si vous bousculez les gens dans leur confort, il y aura davantage de résistance. Je pense que nous devons montrer que le développement durable peut être «sexy» et associé à des émotions positives.
Les gens doivent comprendre que polluer n’est plus du tout dans le coup et qu’il existe de bonnes raisons de changer de comportement. Les gens qui comprendront cela feront beaucoup plus de profits.
swissinfo: Ce qui est important, c’est donc de convaincre les gens que le développement durable n’est pas synonyme de retour en arrière?
B. P. : Exactement. Le développement durable a besoin d’un bon marketing. Il n’a pas besoin d’écologistes fanatiques qui cherchent à protéger l’environnement en détruisant le style de vie de la population.
Les gens ne sont pas prêts pour cela. Par exemple, interdire la circulation automobile le dimanche est une approche totalement fausse pour résoudre nos problèmes.
swissinfo: Il y a évidemment beaucoup de publicité faite autour de votre nouveau projet. Mais cela va-t-il au-delà de la simple opération de marketing?
B. P. : Mon nouveau projet – faire le tour du monde en avion solaire – constituera clairement une plate-forme de communication en faveur du développement durable.
Nous voulons montrer que des choses incroyables pourront à l’avenir être réalisées sans pollution. Le but n’est pas de se faire plaisir en volant dans airs avec un avion solaire. Le but est de lancer un processus qui symbolise ce que les gens peuvent accomplir en investissant dans les bonnes technologies.
swissinfo: Est-ce un domaine dans lequel la Suisse a de bonnes bases de départ, un avantage compétitif?
B. P. : La Suisse n’a pas encore un avantage en termes de compétitivité, mais si nous voulons survivre sur la scène internationale, il serait mieux de saisir cette chance très rapidement.
Tout comme les Américains ont créé Silicon Valley, nous pourrions créer en Suisse une Sustinable Valley. Tout ce qu’il nous faut, c’est faire la course en tête.
swissinfo: Si vous deviez donner un seul conseil aux politiciens, aux hommes d’affaires et aux scientifiques de Suisse, lequel serait-il?
B. P. : Ce serait de créer une plate-forme politique commune qui englobe la droite et la gauche et de l’utiliser pour promouvoir le développement durable.
C’est uniquement de cette façon que nous pourrions assurer à la Suisse la capacité de créer une qualité de vie non seulement à l’intérieur de ses frontières, mais également comme produit d’exportation.
Interview swissinfo, Chris Lewis
(traduction: Olivier Pauchard)
En 1999, Bertrand Piccard a effectué avec le Britannique Brian Jones le premier tour du monde en ballon à air chaud sans escale.
Leur voyage a duré 19 jours.
Ils ont parcouru plus de 38’000 kilomètres.
Bertrand Piccard prévoit de rééditer cet exploit à bord d’un avion solaire en 2009. Mais ce tour du monde se fera en étapes.
– Psychiatre, Bertrand Piccard est issu d’une famille de scientifiques/aventuriers.
– En 1960, son père Jacques a établi le record de plongée en sous-marin (10’912 m).
– Son grand-père Auguste a réalisé le record d’altitude en ballon (dans la stratosphère) et a inventé le bathyscaphe, un sous-marin atteignant de très grandes profondeurs.
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