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Cuisant revers pour la droite nationaliste

Keystone

L'Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) a subi un véritable désaveu lors des votations fédérales de dimanche. Le peuple a en effet sèchement refusé son initiative «Pour des naturalisations démocratiques». Analyse.

Personne ne s’attendait vraiment à ce que cette initiative de l’UDC passe la rampe du scrutin populaire. Les sondages étaient défavorables et, de toute façon, l’acceptation d’une initiative par le peuple est statistiquement un fait rarissime.

C’est bien davantage le score réalisé par l’initiative qui montre l’ampleur de la défaire de l’UDC. Force est en effet de constater que, avec un peu plus de 36% des suffrages, le premier parti du pays n’a guère réussi à mobiliser au-delà de ses rangs.

Par ailleurs, à l’exception de Schwytz, tous les cantons ont refusé son texte. C’est une surprise; on pouvait s’attendre à ce que l’UDC obtienne une majorité dans quelques cantons alémaniques et ruraux, régions traditionnellement assez ouvertes à ses thèses.

Le sentiment de défaite est renforcé si l’on compare le résultat de dimanche avec ceux réalisés par d’autres projets du même type. Par le passé, l’UDC avait à plusieurs reprises réussi à mobiliser facilement au moins 45% des citoyens sur des thèmes liés à l’émigration ou à l’identité nationale.

Un thème dépassé

Pourtant, si l’UDC a échoué, ce n’est pas faute d’avoir mis des moyens dans la campagne politique, à grands coups d’affiches, d’annonces publicitaires et de présence sur le terrain. Mais visiblement, ses efforts n’ont pas porté leurs fruits.

On peut dès lors se demander quelles sont les causes de cet échec. L’une des raisons est certainement que la problématique abordée – la possibilité pour certaines communes de faire voter leurs citoyens sur des demandes de naturalisation – n’était plus vraiment d’actualité.

Seules quelques communes – toutes alémaniques – organisaient de tels scrutins. De plus, aucune n’a plus procédé à ce genre de votes depuis que le Tribunal fédéral a déclaré ces pratiques discriminatoires et par conséquent non-conformes à la Constitution, en 2002. Dans de telles conditions, une grande majorité de la population ne se sera certainement pas sentie très concernée par la question posée dimanche.

Certes, même si ces naturalisations par le peuple n’ont jamais été très répandues dans le pays, l’UDC a tenté de faire glisser le débat sur le terrain plus général de la préservation de la démocratie directe et de la peur des délinquants étrangers. Mais ses adversaires lui ont opposé un argument tout aussi efficace, celui du refus des décisions arbitraires.

Un parti qui lasse?

Lors de son dernier sondage, l’institut gfs.berne estimait que le manque de soutien à l’initiative pouvait notamment être dû au bras-de-fer entourant l’éviction de la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf des rangs de l’UDC.

Certes, ce véritable feuilleton politico-médiatique met depuis plusieurs semaines l’UDC sous le feu des projecteurs. Mais toute médaille ayant son revers, il est effectivement possible que le parti commence à lasser la population avec ses divisions internes.

Ce qui est sûr, c’est qu’au lendemain de l’éviction de Christoph Blocher du gouvernement, en décembre dernier, l’UDC avait déclaré vouloir se lancer dans une politique d’opposition et se battre pour faire passer ses idées sans recherche d’un compromis avec les autres partis. Mais le petit 36% enregistré par l’initiative devrait pousser ses dirigeants à méditer sur les difficultés de cette voie solitaire.

Pour autant, il ne s’agit pas d’enterrer trop vite l’UDC. L’agenda politique lui offre encore des opportunités de rallier bon nombre de citoyens à ses vues. On peut notamment songer à l’élargissement de l’accord de libre circulation des personnes à la Roumanie et à la Bulgarie.

En cas de vote, le spectre d’un hypothétique déferlement de Tsiganes roumains sur la Suisse risque de mobiliser bien plus de citoyens que la forme que doivent prendre les procédures de naturalisation.

swissinfo, Olivier Pauchard

L’initiative de l’UDC «Pour des naturalisations démocratiques» a été refusée par 1’415’189 voix contre 804’680.
Traduit en pourcentage, cela donne un résultat de 63,8% de «non» contre 36,2% de «oui».
Tous les cantons ont refusé l’initiative à l’exception de Schwytz.
Le taux de participation au scrutin de dimanche a atteint 44,1%.

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