Des perspectives suisses en 10 langues

Bertolt Brecht sur le front suisse

Une image tirée de'une répétition de «Maître Puntila et son valet Matti» par le Teatro Malandro. (Photo: Marc Vanappelghem)

Le grand écrivain allemand est à l'honneur au Théâtre Forum Meyrin, près de Genève, qui lui consacre une thématique durant le mois d'avril.

Sont programmés, à cette occasion, spectacle, débat, conférence et exposition. Points de vue de leurs concepteurs.

De Brecht, il restera toujours l’image d’un homme à l’éternel cigare retenu par une bouche joyeusement ironique. Mais par-delà cette icône, très souvent exhibée dans les vitrines des libraires, il y a l’immense auteur de théâtre, le Brecht admiré par les tenants du marxisme et honni par les adeptes du maccarthysme.

Ce Brecht-là s’affiche également comme une icône, ou plutôt comme un cliché que Mathieu Menghini tente de renverser à l’occasion d’une thématique Brecht qu’il programme dans son Théâtre Forum Meyrin, courant avril.

Brecht version Porras

«Cette programmation je l’ai voulue, explique le directeur des lieux, pour montrer d’autres visages de Brecht qui à mon sens n’ont pas été dévoilés après la chute du mur de Berlin. Certains persistent à croire que l’auteur de ‘Mère Courage’ reste le porte-drapeau d’un système condamné, le communisme, et qu’à ce titre il est dépassé».

«Brecht n’est pas réductible au dogmatisme politique, poursuit-il. Son théâtre existe en dehors de toute idéologie. Il est même très poétique et très drôle, comme a su le dire Benno Besson dans ses mises en scène».

Comme saura le montrer sans doute Omar Porras, metteur en scène à la touche féérique, invité à créer à Forum Meyrin «Maître Puntila et son valet Matti» du même Brecht.

«Je suis sûr, confie encore Mathieu Menghini, que Porras va libérer la vitalité comique de l’écrivain, grâce à la magie qu’on lui connaît».

Donnée en création mondiale en 1948, à Zurich, par Brecht lui-même, «Puntila» sera à l’affiche du Forum Meyrin à partir du 17 avril prochain. Le lendemain démarrera, à Meyrin toujours, l’exposition «Brecht et la Suisse». Son concepteur? L’historien alémanique Werner Wüthrich.

Enquête helvétique

Ce brechtien invétéré a réalisé un véritable travail de détective. Durant des années, il a «traqué» les personnes qui ont côtoyé le dramaturge allemand lors de son séjour à Zurich en 1948. Wüthrich a fini par mettre la main sur des documents inédits, des enregistrements et des photos de Brecht présentés, donc, dans le cadre de cette exposition.

«J’ai voulu, explique l’intéressé, ramener à la surface la période suisse de Brecht occultée par les historiens. Les spectacles montés par l’écrivain lui-même à Zurich ou à Coire à la fin des années 40 s’apparentent à des travaux de recherche en laboratoire. C’était des expériences qui allaient plus tard être dogmatisées, à tort, par les intellectuels, alors que le Brecht ‘suisse’ ne fut nullement dogmatique».

De ce Brecht-là, Werner Wüthrich parlera également à l’occasion d’un débat et d’une conférence prévus respectivement le 21 et 24 avril à Forum Meyrin. Il sera alors en compagnie de son traducteur lausannois Daniel Frey.

Lequel est également sur le devant de la scène puisqu’il vient de publier «Bertolt Brecht et la Suisse romande» (éditions de la Thièle). Place dans son livre aux réactions de la presse vaudoise et genevoise face aux pièces brechtiennes accueillies ou montées en Romandie dans les années 1950-1960.

De nombreux articles d’époque, réunis donc dans cet opus, «montrent que Brecht était perçu chez nous comme un anti-bourgeois dont il fallait se méfier», lâche Daniel Frey. Avant d’ajouter: «Vous savez, ici on n’a jamais aimé les communistes. Même les journalistes avisés avaient de la peine à replacer Brecht dans le contexte socio-politique du moment».

swissinfo, Ghania Adamo

Dans le cadre de la thématique Brecht programmée par le Théâtre Forum Meyrin, à Genève:

– Spectacle: «Maître Puntila et son valet Matti», du 17 au 29 avril.

– Exposition: «Brecht et la Suisse», du 18 avril au 26 mai

– Pour les adolescents: Goûter des sciences: «Le théâtre épique? Et pis quoi encore?», les 4, 18, 25 avril et 2 mai

– Débat/Conférence: «Brecht et la Suisse», le 21 avril et «Brecht en 1948», le 24 avril.

A noter que «Puntila» sera repris au Théâtre de Vidy-Lausanne du 29 mai au 3 juin.

Ce poète, metteur en scène et dramaturge allemand est né le 10 février 1898 à Augsbourg (en Bavière), décédé à Berlin le 14 août 1956.

Fils d’une famille bourgeoise, Bertolt Brecht commence à écrire très tôt (son premier texte est publié en 1914).

En 1918, après la Première Guerre mondiale où il fut infirmier, il écrit sa première pièce, Baal. Suivent en 1919 et 1921 les pièces Tambours dans la nuit (Spartacus) et Dans la jungle des villes. Ces trois œuvres montrent son côté anarchiste.

En 1924, il épouse l’actrice Hélène Weigel, qui monte ses pièces et devient marxiste. La montée du nazisme le force à s’exiler de l’Allemagne en 1933. Il parcourt l’Europe avant de s’installer aux États-Unis d’Amérique, qu’il doit également quitter en 1947 à cause de ses idées marxistes.

Durant cette période, il écrit une grande partie de son œuvre dont La vie de Galilée, Mère Courage et ses enfants.

Chassé des Etats-Unis en raison du maccarthysme ambiant, il se rend alors en Suisse.

En 1949, il s’installe définitivement à Berlin-est. Devenu une figure quasi-officielle du régime de la RDA, il obtient le prix Staline international pour la paix en 1955 et meurt à Berlin, un an plus tard d’un infarctus

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision