Inconnu au Théâtre du Grütli à Genève

Une correspondance raconte sous la forme d'une pièce de théâtre comment un régime totalitaire peut défigurer la plus profonde des amitiés.
Martin Schulse, devenu nazi, écrit à Max, son ami juif: «je n’ai jamais haï les juifs en tant qu’individus. Toi, je t’ai toujours considéré comme un ami, mais sache que je parle en toute honnêteté quand j’avoue que je t’ai sincèrement aimé, non à cause de ta race, mais malgré elle.»
Conquis par le nazisme
«Inconnu à cette adresse» est l’histoire d’un Juif, Max Eisenstein, resté en Californie, et de Martin Schulse, revenu s’installer à Munich avec sa famille. Nous sommes au début des années 1930 et Martin Schulse se laisse séduire par le nazisme. A tel point qu’il demande à son ami juif de l’autre côté de l’Atlantique, Max, de ne plus lui écrire.
Mais en fait, l’adaptation de cette correspondance ne raconte pas la montée du nazisme. Elle n’est que l’écrin contextuel dans lequel Mony-Rey, la metteuse en scène, se sert pour mettre en exergue un questionnement existentiel: comment une idéologie peut-elle transformer une personne au point de la pousser à renier ses plus profondes amitiés?
La doctrine change son adepte
«Ce qui m’intéresse dans le texte de l’auteur Kressmann Taylor, c’est l’étude profonde de l’âme humaine, explique Mony-Rey. Elle nous prouve à quel point le bien et le mal habitent en nous.»
Et Mony-Rey de poursuivre: «nous avons le choix de nous laisser endoctriner ou non par un régime ou par une forme de fanatisme». Reste le cruel constat qu’un endoctrinement peut transformer une amitié ou un amour en haine.
Le spectacle «Inconnu à cette adresse» démarre par un court métrage. Il montre l’amitié qui unissait Max (Philippe Lüscher), sa sœur Griselle (Norma Rey) et Martin (Erik Desfosses) durant leur enfance, leur adolescence, jusqu’à leur séparation à l’âge adulte.
Le tunnel de la mort
Au centre de la scène, il y a une porte tournante et un tunnel qui symbolisent l’enfermement par le nazisme. Le spectateur voit ainsi Martin Schulze de plus en plus s’enfermer dans ce lieu.
Insouciante, Griselle, elle, ne se promène que trois fois dans ce tunnel. Toujours est-il que la sœur de Max finit par être trahie par Martin. Son ancien amant lui refuse en effet le refuge, alors qu’elle est pourchassée par les nazis.
«Inconnu à cette adresse» est, en définitive, un cri lancé à l’humanité, un appel à la prise de conscience «qu’il est possible de s’aimer, quelles que soient sa race et sa religion», tient à souligner Mony-Rey.
Emmanuel Manzi
Jusqu’au 2 mars au Théâtre du Grütli à Genève.

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