L’artiste Heinz Julen inaugure son cinq étoiles à Zermatt: un coup de pied dans les géraniums
«Into The Hotel» se dresse, insolent, au-dessus des chalets typiquement valaisans. Une grande cathédrale de verre qui fait face au Cervin. Sur le toit de l’hôtel, un jacuzzi. Heinz Julen, l’enfant terrible de Zermatt, bouscule et dérange.
«Into The Hotel» se dresse, insolent, au-dessus des chalets typiquement valaisans. Une grande cathédrale de verre qui fait face au Cervin. Sur le toit de l’hôtel, un jacuzzi. Heinz Julen, l’enfant terrible de Zermatt, bouscule et dérange.
D’abord moniteur de ski, Heinz Julen se tourne ensuite vers l’art. Il suit des cours, mais c’est avant tout un autodidacte. Il se construit un atelier dans les Alpes. Né à Zermatt, il est toujours resté attaché à la montagne. Pour la nature, pas pour le folklore. C’est pour les gens comme lui que Heinz Julen a imaginé son hôtel.
«On croit toujours que, lorsqu’ils viennent en Suisse, les touristes veulent voir de jolis petits chalets en bois. J’ai toujours pensé que c’était faux. Certains apprécient, mais ils sont aussi nombreux à fuir la montagne, précisément parce qu’ils n’aiment pas ce côté kitsch.» Il a donc voulu créer un univers particulier.
«Quand j’étais petit, je faisais des cabanes dans la forêt, comme tous les autres gosses. Aujourd’hui, j’ai construit ma dernière cabane», raconte Heinz Julen. Mais cette dernière construction n’a plus rien d’innocent. Elle choque et dérange. A tel point que l’artiste a failli abandonner son projet. Si c’était à refaire? Il l’avoue: il ne recommencerait pas. Les assurances, la commune, les habitants… Il ne pensait pas rencontrer autant d’obstacles.
Artiste, dessinateur, architecte, contremaître, ouvrier, Heinz Julen a porté toutes les casquettes pendant les deux ans qu’ont duré le chantier. Ses méthodes peu traditionnelles n’ont pas plu à tout le monde. L’inspecteur de la Caisse nationale en cas d’accidents (CNA) pour le Haut-Valais lui reproche de ne pas respecter les normes de sécurité. D’ailleurs, l’affaire se terminera devant la justice.
Les habitants épiaient chacun de mes mouvements, explique Heinz Julen, qui a dû faire face aux autorités communales et à la police à plusieurs reprises. Sans compter les problèmes avec le curé, opposé lui aussi au projet. L’artiste voulait construire une chapelle avec un bar à côté, dans un tunnel de trente mètres de long. Mais une partie du rocher appartient à la paroisse. Pour réaliser son projet, Heinz Julen a donc dû s’entendre avec elle, promettre que le bar ne proposerait pas de strip-tease et renoncer à appeler «chapelle» la salle de méditation creusée dans la roche.
Deux ans de chantier et des batailles sans fin, le chemin a été long pour l’enfant terrible de Zermatt. Pourtant, il y est arrivé. «Quand je commence quelque chose, je vais jusqu’au bout. Mais c’est sans doute mon dernier projet.» Encore un peu amer, Heinz Julen entend désormais se tourner vers l’avenir. «Into The Hotel» a ouvert ses portes mardi. Il espère y accueillir des gens comme lui. Des artistes un peu fous et sensibles. Et tant pis pour les amoureux des nains de jardin.
Alexandra Richard

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