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Le taureau, de Mithra à Picasso

«Mithra tuant le taureau», bas-relief de Sidon, 4e siècle (prêt du Musée du Louvre) swissinfo.ch

Ouverture, ce vendredi à la Fondation Gianadda à Martigny, de l'exposition «Picasso, sous le soleil de Mithra». Quand l'histoire euro-orientale, le passé régional et la trajectoire du peintre majeur du 20e Siècle se rejoignent.

Le Valais est un des haut-lieux catholiques de la Suisse. Si l’histoire en avait voulu autrement, peut-être aurait-il pu devenir un champion du mithriacisme? Car c’est à Martigny, l’antique Octodure, qu’on a retrouvé en 1993 un mithraeum, sanctuaire dédié au dieu solaire Mithra et édifié vers le 3e siècle après J-C, sanctuaire dont les ruines sont aujourd’hui visibles dans les soubassements d’un immeuble locatif. Pour le moment, aucun autre édifice de ce genre n’a été découvert dans notre pays.

«Ici, nous sommes au confluent des grandes voies de communication entre l’Italie, l’Allemagne et la France, entre différentes langues et différentes cultures. C’est cela qui m’a fasciné à Martigny, ce point de rencontre qui remonte à l’histoire romaine, et peut-être bien avant, à la préhistoire, lorsque le taureau était déjà adoré à Martigny. Et c’est cette adoration du taureau qui m’a donné l’idée de proposer une exposition autour de Picasso et du culte de Mithra» explique le commissaire de l’exposition, Gérard Régnier, directeur du Musée Picasso à Paris, également connu en tant qu’auteur et critique d’art sous le nom de Jean Clair.

Car le taureau, objet de culte et de sacrifice, est central dans le mithriacisme. Ainsi peut-on voir Mithra représenté tuant un taureau blanc à l’aide d’un large couteau. Le sang versé devait contribuer à régulariser l’ordre cosmique, et à apporter le salut aux hommes. Le meurtre de la bête renforçait symboliquement la vie et la solidarité des vivants contre la mort. Le mithriacisme, d’origine perse, avait été amené par les soldats romains en Italie, puis dans les provinces romaines. En Europe, au début du 1er millénaire, le mithriacisme et le christianisme, deux religions «importées», furent sans doute concurrents…

Le taureau est également central dans toute l’oeuvre de Picasso. Au travers du thème de la corrida bien sûr (son premier tableau connu, peint à l’âge de 8 ans représente un picador), et, dès 1933, époque du fascisme montant et de l’écartèlement sentimental de Picasso, à travers la figure du Minotaure. Chez Picasso, le culte du taureau entretiendra également un rapport avec l’illustration de la crucifixion, «la mise à mort de l’homme-dieu sur la croix, l’autre grande religion du Salut», commente Gérard Régnier.

Logiquement, l’exposition de la Fondation Gianadda, fait se côtoyer les oeuvres de Picasso… peintures, dessins, gravures, sculptures, et des pièces antiques. Reflets, oppositions et complémentarité.

Le taureau chez Picasso, une imprégnation culturelle doublée d’une réflexion spirituelle et artistique… Oui. Mais pas uniquement. «On peut lire la figure du taureau dans l’oeuvre de Picasso comme une projection immédiate de ce qu’il était lui-même: un homme-taureau», constate Gérard Régnier. «Chacune de ses oeuvres est donc comme une confession intime vis-à-vis du sexe, de l’amour et de la mort».

«Picasso, Sous le soleil de Mithra», est un événement. A découvrir à Martigny jusqu’au 4 novembre.

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