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Mangroove, retour à la terre

Que du bonheur ! Keystone

Labyrinthe de tunnels, géométrie torturée, enchevêtrement de baguettes de bois. Au centre, la boue, où les festivaliers sont chaque jour plus nombreux à se jeter sans complexes. C'est le cadeau 2009 de la Haute Ecole de Genève au Paléo.

Depuis cinq ans maintenant, ils sont là chaque année. Ils (et elles), ce sont les profs et les étudiants de la HES-SO (Haute école spécialisée de Suisse occidentale) de Genève. Futurs architectes, designers, soignants, gestionnaires ou vidéastes, leur mission est de créer un espace de détente, un peu à l’écart du tumulte du festival.

Pour ce faire, Paléo met à leur disposition une surface de 4000 m2 et leur laisse entièrement carte blanche. L’année dernière, cette portion du terrain avait vu pousser R-310, une esplanade géante faite de tubulures métalliques, qui permettait d’embrasser tout le site d’un seul regard circulaire. Et cette année, c’est Mangroove.

La mangrove qui groove

Ce labyrinthe de 350 mètres de tunnels, fait de plus de 13’000 baguettes de saule, évoque les racines des palétuviers, arbre emblématique des mangroves, ces zones marécageuses qui bordent les côtes tropicales.

Et puis, par un hasard du calendrier, il se trouve que cet été marque les 40 ans de Woodstock, et son épisode boueux, si bien montré dans le film éponyme. D’où l’idée du bassin de boue, qui trône au centre de la structure. Car la mangrove se développe entre la terre et l’eau, et le mélange des deux donne la boue

«C’est un clin d’œil, et c’est aussi la première fois que nous proposons une animation dans notre scénographie, explique Laurent Essig, professeur et responsable des projets de l’école au Paléo. Etant des architectes, nous faisons plutôt de l’architecture contemporaine, assez cérébrale, mais là, nous voulions aussi apporter une émotion». Un groove, quoi…

On se jette à la boue

Et ça marche plutôt bien. Surpris au début, les festivaliers se sont rapidement habitués à se lancer à l’eau (boueuse). Le bouche-à-oreille aidant, le bassin est très fréquenté.

Les premiers à s’y amuser sont les enfants. «Parce qu’ils sont plus courageux que nous et qu’ils n’ont pas peur du ridicule», note Hélène Replumaz, assistante de Laurent Essig.

Mais les jeunes ne sont pas en reste. Garçon ou fille, toute personne qui s’y lance est assurée de récolter les applaudissements de la foule. Et bien sûr, la douche n’est pas loin. Mais attention, on dit qu’elle est très froide !

Fragile

Au-delà du fun, de ce plaisir un peu primitif, un peu transgressif, et certainement très jouissif, la Mangroove offre aussi un message, même si, comme le dit Hélène Replumaz, «le concept est tout de même assez poussé» et pas évident à décrypter du premier coup.

Pour cela, il y a les panneaux explicatifs que les concepteurs du site y ont placé un peu partout.

«La mangrove est un écosystème très fragile, malgré le fait que ses racines plongent très profondément dans le sol. Alors, c’est un peu une métaphore de notre société, qui se croit très solide, mais qui peut d’un jour à l’autre disparaître», résume Laurent Essig.

Partout dans le monde, les mangroves sont en recul, sacrifiées sur l’autel du développement. Or on sait qu’elle protégeaient les côtes et qu’elles pouvaient par exemple atténuer l’impact d’un tsunami.

Recyclable comme il se doit

Même si l’on fait abstraction du message, la Mangroove est d’abord une belle réalisation.

«Nous avons 12 étudiants incroyables, qui ont travaillé comme des dingues, bénévolement, sur leurs vacances pour la construire, s’enthousiasme Hélène Replumaz. Et cela se voit tout de suite quand on y entre: c’est fait avec plaisir, avec bonheur et avec amour».

Et c’est également avec plaisir, bonheur et amour que les étudiant procèderont dès lundi au démontage de cette œuvre éphémère, dont tous les élément seront évidemment recyclés.

Les baguettes serviront à faire des clôtures de jardin et les tubes d’échafaudage retourneront se dresser contre des bâtiments. Même les attaches en plastique qui tiennent les baguettes seront recyclées, peut-être en gobelets pour l’année prochaine – puisque Paléo a désormais adopté un système de gobelets rigides, esthétiques, réutilisables et consignés.

Surprise

Quant à la boue, préparée et re-humidifiée chaque jour à partir de l’humus fourni par un agriculteur local, elle retournera elle aussi à la terre d’où elle vient.

Après avoir pris de la hauteur en 2008 et plongé aux racines en 2009, que réserve la HES-SO pour 2010 ? «Le but est de se renouveler et de surprendre le public, et nous avons déjà quelques idées, note Laurent Essig. Mais… vous verrez ça l’année prochaine».

Evidemment, si le but est de surprendre…

Marc-André Miserez, swissinfo.ch, à Paléo

Les quelque 4000 étudiantes et étudiants de la HES-SO ont accès à 24 formations, réparties en six écoles. Outre les futurs architectes du bâtiment, du paysage et d’intérieur, qui ont construit Mangroove, les autres filières sont aussi présentes au Paléo:

Santé. Dans la Mangroove, les futurs physios proposent un parcours d’obstacles qui vise à faire ressentir concrètement le handicap moteur ou les problèmes d’équilibre. Les futurs infirmières et infirmiers quant à eux mènent une campagne de sensibilisation aux risques liés à l’alcool, notamment au volant.

Travail social. A la Ruche, les étudiants colorent, imaginent et animent l’espace de divertissement pour les enfants. Et partout sur le terrain et au camping, ils font partie des équipes aux t-shirts «Frangins-Frangines», qui vont à la rencontre des jeunes afin de désamorcer des conflits, offrir une médiation ou un relais avec la sécurité.

Gestion. Six membres de la filière économie d’entreprise sondent le public pour savoir ce que retiennent les festivaliers des actions menées par l’école. Résultats à l’automne.

Communication visuelle. Depuis plusieurs années, les clips d’information et de prévention diffusés sur les écrans entre les concerts viennent de la HES-SO Genève. Pour cette édition, ils sont inspirés du kolam, dessin traditionnel au sol que l’on trouve en Inde, pays hôte du Village du Monde.

Art et design. Le visuel (logo et affiches) de cette édition 2009 est l’œuvre d’un étudiant de l’école, qui a choisi de remettre la couleur au goût du jour.

Fatboy Slim, Peter Doherty, TV On The Radio, Charlie Winston, Naive New Beaters, Toboggan, Josef Of The Fountain, Ska-P, Zone Libre vs Casey & B. James, La Pulqueria, Tumi And The Volume. Ska Nerfs, La Rue Ketanou, Pep’s, La Casa

Et au Village du Monde, dédié cette année à l’Inde:
Erik Truffaz & Malcolm Braff présentent «Bénarès Project», feat. Apurba & Indrani Mukherjee, Karsh Kale & MIDIval Punditz, Achanak, Jaipur Maharaja Brass Band

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