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Marx attaque!

'L’homme-amphibien’, à l’origine de la rétrospective neuchâteloise. SP

Connaissez-vous les films de science-fiction soviétiques, est-allemands, polonais ou roumains? Non? Alors c'est l'occasion...

Le 5e ‘Neuchâtel fantastic film festival’ propose une rétrospective originale, baptisée avec humour «Invaders from Marx».

Le festival s’est ouvert mardi soir par la projection, en première européenne, de ‘Godzilla Final Wars’, film en compétition du japonais Ryuhei Kitamura, présent dans la salle. Un film réalisé à l’occasion des cinquante ans du gros lézard terrible et nippon.

Ambiance orageuse sur la ville, salle archi-bondée, la manifestation a donc démarré sur les chapeaux de roue dans une chaleur torride et un déferlement d’explosions, de chplaaaaf, de baaaoum, vzzzz et ce genre de choses. Car la énième mouture de Godzilla – la dernière dit-on, ce qu’a d’ailleurs confirmé le réalisateur – mélange vigoureusement toute une ménagerie dinosauresque, des extra-terrestres (nos ennemis les ‘Ixiens’) et le kung-fu.

Le tout en faisant se croiser un climat contemporain (bande-son très électrique et effets spéciaux névrosés) avec des clins d’œil appuyés aux premières versions de Godzilla (monstres aussi réalistes que les vieux dinos en plastique de mes enfants).

Une guerre humano-ixo-saurienne à prendre au 12e degré, car sinon, c’est grave: à faire passer toute production hollywoodienne pour un sommet d’intellectualisme et le jeu de Stallone pour un chef d’œuvre de sensibilité.

Quoi qu’il en soit, sachez que «L’ONU, c’est terminé! Vive les Galaxies Unies!», comme le dit le secrétaire-général des Nations Unies, contaminé par les vilains Ixiens.

Car la politique et la science-fiction font souvent bon ménage. Comme en témoigne la rétrospective mise en place cette année par le festival neuchâtelois.

Un vieux rêve

Ainsi, le public peut-il découvrir par exemple ‘Chelovek Amphibia’, comprenez ‘L’homme-amphibie’, un film soviétique du tout début des années 60, dû à Guennadi Kazanksky et Vladimir Chebotarev…

Pour les organisateurs, l’envie de consacrer une rétrospective au cinéma fantastique des pays de l’Est remonte à il y a 5 ans. Une envie due justement au visionnement de ‘L’homme-amphibie’. Mais monter une telle rétrospective n’a pas été chose aisée: la petite équipe neuchâteloise n’avait pas les moyens de parcourir l’ensemble des pays de l’Est, et se procurer des cassettes VHS des films qui les intéressait n’était pas facilement réalisable non plus.

C’est finalement grâce à l’appui d’un collaborateur scientifique, Mark Sigmund, qui travaille à la cinémathèque de Leipzig, en ex-RDA, que le travail a pu commencer. L’équipe neuchâteloise a visionné plus de 80 films pour arriver à une sélection de 16 œuvres, dont les dates de création s’échelonnent entre 1936 et 1985.

Une vraie aventure, selon Anaïs Emery, directrice artistique du festival: «On a trouvé un peu de littérature sur le sujet, mais pas grand chose. L’expérience qu’on a développée sur ce cinéma a été directe: elle s’est faite en voyant les films. C’est donc devenu un programme qui nous tient à cœur, parce qu’on a découvert les œuvres comme le public les découvre. C’est par la suite seulement qu’on a fait des recherches assez pointues sur les films qu’on a sélectionnés».

Une rétrospective qui s’est donc montée entre Leipzig et Neuchâtel, avec de surcroît l’appui de Séoul: le ‘Real Fantastic Film Festival’, qui a lieu en Corée 10 jours après celui de Neuchâtel, projettera une large partie de cette rétrospective.

Critiques masquées

Dans cette sélection, l’URSS est présente, mais aussi la RDA, la Pologne, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Roumanie… Parvient-on à caractériser ces différentes cinématographies nationales? «On retrouve des éléments culturels très forts dans chaque cinématographie nationale», répond Anaïs Emery.

Laquelle précise: «La première chose qui frappe, c’est la différence entre les ‘grandes républiques’, comme l’Allemagne de l’Est ou l’URSS, qui avaient pas mal d’argent et étaient dans le train du pouvoir, qui ont un cinéma très standardisé. Et puis les plus petites républiques satellites, qui elles, passent dans leurs films davantage de revendications sociales ou culturelles, et qui regardent vers l’avenir avec un regard beaucoup plus soucieux.»

Dans les pays satellites, «on trouve des critiques du pouvoir qui interviennent au niveau de l’anticipation, l’avenir étant négatif. On les trouve aussi dans les dispositifs comiques: beaucoup d’éléments du pouvoir sont tournés en dérision. Par exemple, les trois films polonais qu’on présente ici sont des films qui se rient du pouvoir. Alors que la ‘nouvelle vague tchèque’ a une vision du futur, et de la science, très sombre».

Les films qu’Anaïs souhaitent mettre en exergue: «L’homme-amphibie», un chef d’œuvre selon elle. Et «S-A Furat o bomba» (‘Une bombe a été volée’), une rareté, un film roumain de 1961 au propos plus qu’étonnant.

Et enfin «Seksmisja», soit «Sex Mission», un film polonais de 1984 qui voit deux savant placés en hibernation se réveiller 50 ans plus tard dans un monde… exclusivement féminin! Selon Anaïs Emery, les réactions de la diaspora polonaise en Suisse se multiplient, chacun souhaitant venir à Neuchâtel pour voir ou revoir cet objet-culte: le film avait fait un tabac lors de sa sortie en Pologne.

swissinfo, Bernard Léchot à Neuchâtel

Le 5ème ‘Neuchâtel international fantastic film festival’ a lieu du 28 juin au 3 juillet.
Il se tient dans les trois salles du Cinéma Apollo, et au Théâtre du Passage pour la Cérémonie du 9ème Méliès d’or du meilleur film fantastique européen (30 juin).
Désormais soutenu par l’Office fédéral de la culture (OFC), son budget se monte à 450.000 francs.

Les grandes lignes du programme (au total, plus de 70 films):

– Compétition internationale
– Compétition asiatique
– Compétition de courts métrages suisses
– Compétition de courts métrages européens
– Courts métrages «Future cinema» (animation et images de synthèse)
– Rétrospective «Invaders from Marx», cinéma fantastique et de science-fiction de l’ancien bloc soviétique.
– Diverses avant-premières

L’affiche 2005 est signée par l’artiste neuchâtelois Léopold Rabus.

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