Nougaro, au sommet de son art à Paléo

Vendredi, après avoir regardé Vanessa Paradis, le public que l'orage n'a pas effrayé a pu écouter un Claude Nougaro en état de grâce. Bonheur total.
Terrain détrempé. Public aussi. Mais, malgré l’orage qui a balayé Nyon, la température reste clémente, et le public peut donc à nouveau s’attrouper au pied de la grande scène. Ou plutôt face à l’arène. Car c’est le petit taureau toulousain, bientôt 72 ans, qui déboule sur l’Asse.
Il commence par faire croire au public qu’il a son anniversaire le jour-même. Menteur, va! Puis évoque ses parents, avant de chanter «Mademoiselle Maman», une chanson tirée de son dernier album, et qui évoque la demande en mariage de son père à sa mère, en 1927, racontée par le petit Claude, alors inexistant…
Les jeunes musiciens qui l’entourent (claviers, contrebasse, batterie, percussions et trois souffleurs) sont ceux qui l’ont accompagné sur son dernier album, «Embarquement immédiat». Avec à leur tête le pianiste Yvan Cassar, compositeur de plusieurs titres, arrangeur et instrumentiste de génie.
«Pour cet album, je voulais un grand orchestrateur», expliquait Nougaro lors de la conférence de presse donnée en début de soirée. «On ma parlé d’Yvan Cassar qui, au Stade de France, accompagnait Johnny Hallyday avec 300 choristes, un orchestre symphonique plus le groupe rock… Je l’ai rencontré, on s’est plu, il me connaissait de longue date, car il avait été clarinettiste dans l’orchestre du Théâtre de Rennes dont mon père, Pierre Nougaro, était le directeur. Il y a des hasards.»
Quarante ans de chansons, revisitées et illuminées
Alors le spectacle de Nougaro flamboie. Porté par des musiciens parfaits, alternant swing, force de frappe et sensibilité, la voix et l’aisance du maître semblent à leur apogée. Comme le dernier album est une sorte de survol des différentes couleurs musicales que Nougaro a abordées au cours de son parcours – jazz, funk, musique africaine – les nouvelles chansons («Anna», «Jet Set», «La langue de bois») se mêlent parfaitement bien à celles qui sont devenues des classiques.
A ce niveau-là, le public – étonnamment jeune – ne sera pas déçu, et cela d’autant plus que les arrangements de Cassar font rayonner des titres qui ne manquaient déjà pas d’éclat: «Le coq et la pendule», «Bidonville», «Une petite fille», «Le cinéma», «Sing-Sing song», «Le jazz et la java», «Quatre boules de cuir», «Toulouse», à l’orchestration somptueuse, «Armstrong», «Dansez sur moi», «Cécile, ma fille», dans une version où la voix de Nougaro repose sur le seul piano d’Yvan Cassar, partition d’une beauté absolue.
Manquent toutefois à l’appel «Nougayork» et les chansons de l’épopée américaine, comme si ces étranges années quatre-vingt (le non-renouvellement de son contrat chez Barclay, puis les albums «Nougayork» et «Pacifique») étaient désormais une sorte de parenthèse dans sa trajectoire.
Bonheur à Paléo. Sur le terrain, et sur scène, où le plaisir de Claude Nougaro est manifeste. Nougaro auteur, compositeur parfois, et Nougaro chanteur… «Chanter, ce n’est pas que tenir des propos plus ou moins intellos sur ma production», a-t-il dit aux journalistes. «Chanter, c’est avant tout être un chanteur. Et ça, quand on l’éprouve, quand on éprouve la voix, c’est comme quand on baise… Mais il faut savoir avec qui, vous voyez?» On voit bien.
Bernard Léchot

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